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Gala des Etoiles du XXIème siècle
21 septembre 2012 : Gala des Etoiles du XXIème siècle au Théâtre des Champs-Élysées
Victoria Jaiani et Fabrice Calmels dans Age of Innocence
Le Gala des Etoiles du XXIe siècle fête cette
année son 15e anniversaire parisien. Pur divertissement balletomaniaque,
cette manifestation, qui ouvre traditionnellement la saison des
spectacles de ballet, est un espèce de cérémonial obligé, qui a le
mérite de nous faire découvrir, en plus des traditionnelles têtes
d'affiche, une poignée de talents qu'on n'aurait guère l'occasion de
voir autrement. Si le résultat peut s'avérer inégal, on y trouve
toujours quelques bons moments à sauver, qui conservent au spectacle
tout son intérêt. Pour fêter dignement l'événement – 15 ans donc -,
signalons que l'affiche-anniversaire, pas forcément très flamboyante a
priori (beaucoup moins en tout cas que ses équivalents new-yorkais ou
moscovite), a été complétée en dernière minute par quelques invités
prestigieux, venus du Bolchoï, du Mariinsky et de l'Opéra de Berlin.
Dommage tout de même que les trois représentations n'aient pu profiter
de ces «extra».
On se félicitera d'abord de l'effort global fait
du côté du répertoire «d'aujourd'hui». Trop de pas de deux insipides
et passe-partout avaient terni les deux dernières éditions, et si tout
n'était pas, cette année encore, du même niveau – loin s'en faut -, les
pièces présentées étaient souvent signées de chorégraphes intéressants
et/ou largement reconnus, qui plus est bien adaptées au style des
danseurs, et la qualité générale du spectacle s'en est vraiment
ressentie. On peut sans doute regretter que les danseurs se cantonnent
massivement dans le même registre néo-classique intimiste, avec son lot
de clichés aisément identifiables, mais c'est là est une critique
personnelle qui va bien au-delà de ce gala et touche à l'évolution
générale de la danse mondiale, Esthétiquement, on aura pourtant eu droit
au grand écart - façon GRS : pas si évident en effet de passer en
quelques minutes de l'esthétique cultivée et ultra-européenne d'un
Neumeier, sublimée par ses danseurs, d'une beauté irréelle, au style
classique-rock de Rasta Thomas, taillé pour les Zénith ou les
plateaux-télé.
Au chapitre des découvertes, honneur aux danseurs
du Joffrey Ballet, Victoria Jaiani et Fabrice Calmels, à mes yeux la
grande révélation de cette édition. La surprise, en réalité, n'est pas
tant venue d'After the Rain, un
pas de deux de Wheeldon, sur la musique mille fois entendue d'Arvo Pärt,
souvent donné en gala et qui s'étire passablement en longueur, que de Age of Innocence,
une pièce d'Edwaard Liang, ancien danseur du NYCB passé chorégraphe.
Tous deux ont des lignes étonnantes – lui, immense, sculptural et très
terrien, elle, liane brune toute de lyrisme et de sensualité –, mais
pour autant ils ne donnent jamais cette pénible impression d'être dans
la pose esthétique ou la pure démonstration physique. Victoria Jaiani,
notamment, est d'une incroyable puissance expressive et se sert
admirablement de son corps d'une laxité hors du commun. Pour le reste,
l'alchimie entre les deux danseurs est palpable, portée par la musique,
que j'ai trouvée très inspirée, de Philip Glass et Thomas Newman, et une
véritable émotion réussit à passer dans ce pas de deux aux portés
acrobatiques. Le public les a à juste titre ovationnés, au coude à coude
à l'applaudimètre avec la famille Semionov et Rasta Thomas.
Wim Vanlessen et Aki Saito dans In The Middle, Somewhat Elevated
Les danseurs du Ballet de Hambourg, Hélène
Bouchet et Thiago Bordin, étaient sans doute plus attendus, mais ils
n'ont pas déçu dans le répertoire qu'ils connaissent le mieux, celui de
Neumeier. Hélène Bouchet, avec ses jambes interminables et son pied
magnifiquement travaillé, rappelle de manière frappante Isabelle
Ciaravola : une beauté française, à la fois distante et vibrante, une
vraie ballerine – que ne la connait-on mieux par ici! Perfection
stylistique, théâtralité intense et retenue, alchimie sensible entre les
deux partenaires, toutes ces qualités font merveille dans l'Adagietto
extrait de la Ve Symphonie de Malher, mais plus encore dans la Méditation d'Illusions - Comme Le Lac des Cygnes.
Peut-être pas la pièce idéale pour un gala, mais un
grand moment de beauté, d'élégance et de lyrisme
raffiné.
On aura également (re)vu avec plaisir les
danseurs du Ballet de Flandre, Aki Saito et Wim Vanlessen, dans deux
pièces auxquelles ils impriment leur style, vif, acéré et dépourvu
d'afféteries. C'est peut-être un peu moins convaincant dans la Sonate n°5
de Bach, un duo très graphique signé Béjart qu'ils avaient déjà dansé
au gala du 40e anniversaire du Prix de Lausanne, mais c'est une réussite
totale dans In the Middle, Somewhat Elevated de Forsythe, chorégraphe cher au coeur du Ballet de Flandre de Kathryn Bennetts, choisi pour clore le gala.
Polina Semionova dans Le Corsaire
Incontestable tête d'affiche, Polina Semionova
n'aura pas provoqué chez moi d'émotion ni de saisissement particuliers.
Elle est toujours radieuse, brillante, techniquement irréprochable, avec
la dose indispensable de glamour que l'on attend d'une star
internationale, mais son Corsaire,
choix sans originalité, est sans surprise aucune - ultra-efficace comme
on dit et rien de plus. Au fond, c'est son frère Dimitri, à la fois
athlétique et élégant, mais toujours dans son ombre (il semble destiné à
servir éternellement de partenaire à sa soeur et à quelques autres
stars dans les galas internationaux alors que c'est un danseur de grande
valeur lorsqu'il se produit en soliste à Berlin), qu'on aurait aimé
voir davantage s'exprimer. Le solo Alles Waltzer
nous montre la belle dans un registre néo-classique qui lui convient
sans doute mieux que la virtuosité classique (certainement pas par
manque de technique ou de brio, mais par manque de style caractérisé),
mais la chorégraphie de Renato Zanella, honnête et sans génie, ne permet
guère de révéler une facette inédite de sa personnalité.

Julien Lestel et Gilles Porte dans Les Ames frères
Les New York Tap Stars, le duo Lestel / Porte et
Rasta Thomas m'ont paru, à des degrés divers, un cran, voire plus,
au-dessous de tout ce petit monde. Jason Janas et Jumaane Taylor forment
un sympathique duo, mais leur tap dance
n'est pas emballante outre mesure. On se demande bien, qui plus est,
quelle idée leur a pris de s'attaquer à une version « claquettes » du Sacre du printemps
de Stravinsky, sans qu'on perçoive du reste la moindre intention
parodique dans leur prestation. Plus connus du côté des Champs-Elysées,
Julien Lestel et Gilles Porte sont deux beaux interprètes, à la danse
impeccable et rigoureusement fusionnelle. Leur duo, Les Ames frères,
qu'ils baladent souvent dans les galas et qui a la malchance d'ouvrir
ici le spectacle, reste toutefois un travail plus visuel et
photo-graphique que véritablement porteur d'émotions. On se lasse vite
de ces poses demi-nues esthétisantes, servies par une musique
décorative, et de ces mouvements sagement inspirés de divers courants de
la danse du XXe siècle.
Rasta Thomas dans Bumble Bee
A tout prendre, on préfère s'amuser sans
arrière-pensée avec Rasta Thomas, le nouveau Daniil Simkin du Gala des
Etoiles - ovations hystériques du public de rigueur. Ce qu'il nous
offre, n'en attendons pas beaucoup plus, c'est de la performance pure,
racoleuse comme il faut, et assumée comme telle. Pourquoi pas, mais
disons que dans le genre, on pourrait songer à améliorer les
chorégraphies, vraiment au ras des pâquerettes. Si le premier solo, très
court, Bumble Bee, est plutôt amusant et bien enlevé, le second, Love The Way You Lie,
dansé en solo mais conçu comme un duo avec Adrienne Canterna (indiquée
dans le programme, mais absente), est bourré de clichés jusqu'à
l'indigestion – gageons qu'on fait aussi bien que ça dans Danse avec les Stars!
B. Jarrasse © 2012, Dansomanie
Les Ames frères (extrait), chor. Julien Lestel, mus. Art Zoyd
Julien Lestel et Gilles Porte
Compagnie Julien Lestel
Sonate N°5, pas de deux, chor. Maurice Béjart, mus. Jean-Sébastien Bach
Aki Saito et Wim Vanlessen
Ballet Royal de Flandre
Age of Innocence, chor. Edwaard Liang, mus. Phillip Glass et Thomas Newman
Victoria Jaiani et Fabrice Calmels
Joffrey Ballet
Bumble Bee, chor. Milton Myers & Vladimir Angelov, mus. Nicolaï Rimsky Korsakov
Rasta Thomas
Adagietto (Vème Symphonie de Mahler), chor. John Neumeier, mus. Gustav Mahler
Hélène Bouchet et Thiago Bordin
Hamburg Ballett
Le Corsaire (pas de deux), chor. Marius Petipa, mus. Riccardo Drigo
Polina Semionova et Dimitri Semionov
American Ballet Theatre / Staatsballett Berlin
_______
Sacrifice (création), chor. Jason Janas et Jumaane Taylor, mus. Igor Stravinsky
Jason Janas et Jumaane Taylor
New York Tap Stars
Meditation (Illusionen, wie Schwanensee), pas de deux, chor. John Neumeier, mus. Piotr I. Tchaïkovski
Hélène Bouchet et Thiago Bordin
Hamburg Ballett
Alles Waltzer - Solo, chor. Renato Zanella, mus. Johan Strauss
Polina Semionova
American Ballet Theatre
After the Rain, chor. Christopher Wheeldon, mus. Arvo Pärt
Victoria Jaiani et Fabrice Calmels
Joffrey Ballet
Love The Way You Lie (création), chor. Adrienne Canterna, mus. Eminem ft. Rhianna
Adrienne Canterna et Rasta Thomas
In The Middle, Somewhat Elevated, chor. William Forsythe, mus. Thom Willems
Aki Saito et Wim Vanlessen
Ballet Royal de Flandre
Défilé, chor. Nadia Veselova-Tencer
Tous les danseurs
Musique enregistrée
Vendredi 21 septembre 2012, 20h00, Théâtre des Champs-Élysées, Paris
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