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critiques et comptes rendus
Théâtre du Châtelet (Paris)

10 juillet 2012 :  Etés de la danse à Paris / Alvin Ailey American Dance Theater


revelations
Revelations (chor. Alvin Ailey)


Après la Paul Taylor Dance Company, les Etés de la danse nous proposent de découvrir un autre visage de la danse américaine avec le Alvin Ailey American Dance Theater. Si cette compagnie est loin d'être inconnue des Parisiens (elle en est à sa troisième venue en six ans dans le seul cadre de ce festival - et la salle est toujours aussi remplie et le public toujours aussi débordant d'enthousiasme), c'est la première année qu'elle se produit en tant que compagnie dirigée par Robert Battle. Chorégraphe de son état, Robert Battle a en effet repris la direction artistique de la troupe il y a tout juste un an, en juillet 2011, succédant à ce poste à Judith Jamison, ci-devant muse d'Alvin Ailey, son fondateur. Le défi de l'AAADT cette année semble être donc de montrer au public une compagnie renouvelée, qui, loin de se contenter d'être un "musée Ailey", possède un répertoire vaste et ouvert. Sur les quinze ballets présentés, neuf sont des productions nouvelles et sept d'entre elles sont données pour la première fois à Paris - CQFD donc.


arden court
Arden Court (chor. Paul Taylor)

En guise à la fois de clin d'oeil et d'apéritif, Arden Court, de Paul Taylor, nous permet de renouer quelques instants avec l'autre compagnie invitée de ces Etés.

Arden Court est un délicieux ballet de 1981, entré au répertoire de l'AAADT en 2011. Ce choix enfonce en quelque sorte le clou du "cross-over" cher à l'esprit de la compagnie depuis sa création. Une rose géante sur une toile peinte en guise de décor, rappelée par les motifs vaguement floraux des tenues des danseurs, des éclairages sophistiqués, les symphonies euphoriques de William Boyce pour accompagner le tout, Arden Court ressemble à un rêve baroque revisité par la "modern dance". Les danseurs s'y croisent et s'y recroisent dans des ensembles ultra-dynamiques qui forment comme les entrelacs d'un jardin labyrinthe. On admire la chorégraphie, qui n'a vraiment rien à se reprocher, et cependant l'on est gêné par le décalage qu'elle laisse voir avec le style très athlétique et très ostentatoire des danseurs. Traité sans humour et sans guère de nuances, Arden Court devient là une pure démonstration, tout en muscles et en technicité. Les AAADT sont sans doute plus synchro, plus précis, plus spectaculaires que les PTDC, mais leur langue n'est visiblement pas la même, et l'essentiel - ce quelque chose d'impondérable qui transcende la simple physicalité de la danse - paraît absent.
 


episodes
Glenn Allen Sims et Linda Celeste Sims dans Episodes (chor. Ulysses Dove)

Episodes, entré au répertoire de la compagnie en 1989 (le ballet avait été créé initialement en 1987 pour le London Festival Ballet), paraît d'évidence beaucoup plus en adéquation avec le style des danseurs.

On n'a pas oublié ce chef d'oeuvre d'abstration pure de Balanchine intitulé Episodes, un véritable diamant noir, et rare, qu'avait donné le NYCB lors de sa dernière tournée parisienne. L'Episodes de Ulysses Dove est un diamant noir à sa manière, mais certainement pas de la même eau. La pièce, scandée par la musique percussive et très urbaine de Robert Ruggieri, mime la guerre des sexes en donnant à voir une succession de rencontres aux allures de duels. S'y affrontent des créatures fantas(ma)tiques à la Ailey - cinq hommes et quatre femmes - aux lignes et à la puissance désespérément inhumaines. La chorégraphie est explosive, agressive comme il se doit, et les mouvements, entre lâchers de cheveux, pirouettes et hyper-extensions, très sexualisés, sans crainte des stéréotypes. C'est la guerre peut-être, mais tout de même, c'est la guerre lisse et ultra léchée de notre temps, tendance porno chic. L'hyper-esthétisme de la scénographie - une caractéristique récurrente des oeuvres dansées par la compagnie - semble là comme porté à son paroxysme, avec ces douches de lumière se déversant sur les danseurs et ce fond noir de jais sans nulle aspérité. Bien sûr, on va dire que c'est physiquement impressionnant, mais what else? On se croirait juste dans un clip publicitaire qui n'en finit pas.



revelations
Yannick Lebrun dans Revelations (chor. Alvin Ailey)

On ne présente plus Revelations, le tube de la compagnie Alvin Ailey, conclusion facile mais bienvenue dans un programme en demi-teinte. Revelations est construit à la manière d'un long triptyque - quelque chose comme mort, vie, résurrection -, mais ses trente-huit minutes (sans le bis obligatoire) passent comme un souffle d'air. Revelations dit le destin du peuple noir, avec ses références esthétisées aux champs de coton ou aux offices de l'église baptiste, mais sa vocation est résolument universelle. La gestuelle grahamienne, revivifiée par le jazz, a certes aujourd'hui quelque chose de déjà-vu, mais elle n'en demeure pas moins magnifiquement incarnée par les danseurs, magnifiquement rassurante dans sa capacité à unir. Alors sans doute l'émotion de l'ensemble tient elle davantage à la musique et à l'intensité des chants religieux qu'aux interprètes actuels, qui donnent parfois l'impression d'être en (parfait) service commandé, mais malgré tout ce qu'on peut en dire, Revelations a ce mérite immense de redonner un peu - beaucoup - d'humanité à la danse, ce n'est déjà pas rien.




B. Jarrasse © 2012, Dansomanie

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Arden Court
Chorégraphie : Paul Taylor, remonté par Cathy McCann Buck
Musique : William Boyce
Costumes : Gene Moore
Lumières : Jennifer Tipton

Avec : Vernard J. Gilmore, Yannick Lebrun, Megan Jakel
Daniel Harder, Demetia Hopkins, Kanji Segawa
Kelly Robotham, Renaldo Gardner, Michael Jackson Jr.


Episodes
Chorégraphie : Ulysses Dove, remonté par Masazumi Chaya
Musique : Robert Ruggieri
Costumes : Jorge Gallardo
Lumières : John B. Reade

Avec : Akua Noni Parker, Sarah Daley, Jacqueline Green, Belen Pereyra
Antonio Douthit, Michael Francis McBride, Michael Jackson Jr.
 Samuel Lee Roberts, Daniel Harder 


Revelations
Chorégraphie : Alvin Ailey
Musique : Negro-spirituals
Costumes : Ves Harper, Barbara Forbes
Lumières : Nicola Cernovitch

PILGRIM OF SORROW
I Been Buked : La Compagnie
Didn’t My Lord Deliver Daniel : Michael Francis McBride, Sarah Daley, Aisha Mitchell
Fix me, Jesus : Demetia Hopkins, Jamar Roberts
TAKE ME TO THE WATER
Processional/Honor, Honor : Samuel Lee Roberts, Belen Pereyra, Michael Francis McBride, Daniel Harder
Wade in the Water : Linda Celeste Sims, Vernard J. Gilmore, Alicia Graf Mack
I Wanna Be Ready : Antonio Douthit
MOVE MEMBERS MOVE
Sinner Man : Daniel Harder, Yannick Lebrun, Kanji Segawa
The Day is Past and Gone , You May Run On, Rocka My Soul in the Bosom of Abraham : La Compagnie

Alvin Ailey American Dance Theatre
Musique enregistrée

Mardi 10 juillet 2012,  Théâtre du Châtelet, Paris


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