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Bayerisches Staatsballett (Munich)
02 juillet 2012 : Variations Goldberg (J. Robbins) / Gods and dogs (J. Kylián
)
Gods and dogs (chor. Jiří Kylián)
L’applaudimètre n’est peut-être pas le plus
glorieux des critères de la critique, mais on ne peut, pour le diptyque
proposé par le Ballet de Bavière, éviter d’en mentionner le témoignage :
les applaudissements polis qui suivent la longue pièce de Jerome
Robbins cèdent la place pour l’une des plus récentes pièces de Jiří
Kylian à une ovation qui fait trembler les fondations vénérables du
Nationaltheater.
Ilana Werner et Ekaterina Petina dans Variations Goldberg (chor. Jerome Robbins)
On
aimerait adhérer au témoignage émerveillé
du directeur du ballet Ivan Liška, découvrant en 1997 Goldberg Variations
à l’occasion d’une visite à New York. Sans doute la danse de Robbins
est comme toujours élégante, subtile, nuancée – mais elle est exsangue,
et si le public de la création en 1971 a été dérouté par la complexité
d’une partition outrepassant ses habitudes d’écoute, il n’a guère pu
l’être par la danse lui-même, qui enchaîne avec zèle pendant une heure
et vingt minutes tous les poncifs d’une danse néo-classique, entre
réminiscences enchantées d’Ancien Régime et vision antédiluvienne de la
femme, qui reste un être fragile et aimant comme si le féminisme n’avait
jamais inventé : ce que le public new-yorkais pouvait trouver avec
cette pièce, c’est le fantasme d’un monde ancien où tout était encore en
ordre. Ce ne serait pas si grave si cette pièce se contentait d’être
ennuyeuse : elle est aussi, plus que la moyenne des pièces
néo-classiques américaines jusqu’aux plus récentes, profondément
réactionnaire.
Katherina Markowskaja et Lukáš Slavický dans Variations Goldberg (chor. Jerome Robbins)
Dans ces conditions, la troupe du Ballet de
Bavière fait son travail avec zèle et efficacité – mieux, il faut le
dire, que ne l’a fait récemment le Ballet de l’Opéra de Paris avec Dances at a Gathering.
On pourrait souhaiter chez les solistes, sans doute, un peu plus de
personnalité, de différentiation entre les différents pas de deux ou de
trois, mais l’écriture très convenue de Robbins ne les y aide pas. Tout
au plus peut-on chercher à y retrouver ce qu’on connaissait déjà des
interprètes, la grâce de la jeune Ilana Werner, promue soliste pour la
saison prochaine, la puissance de Tigran Mikayelyan, le tranchant de
Javier Amo Gonzalez – mais devant la monotonie de la chorégraphie, on ne
peut qu’écouter la musique avec plus de soin que souvent au ballet ;
heureusement, Elena Mednik livre au piano une interprétation
inhabituellement sensible qui mériterait presque l’écoute séparée.
Léonard Engel et Ilia Sarkisov dans Variations Goldberg (chor. Jerome Robbins)
Tout change avec la pièce de Kylián, beaucoup
plus courte et infiniment plus dense et plus complexe. Créée en 2008,
Gods and dogs est une des pièces les plus récentes de Kylián, mais on y
retrouve beaucoup plus que dans d’autres pièces récentes bon nombre des
éléments qui continuent à frapper le public dans ses grandes pièces des
années 1980. L’ambiguïté émotionnelle est sans doute le meilleur exemple
de ces constantes, ce regard introspectif qui va à la rencontre de cet
inconnu suprême qu’est le moi ; la musique créée par Dirk Haubrich à
partir d’un quatuor de Beethoven représente, avec l’usage de vidéos
projetées à même le corps des danseurs, la partie la plus
caractéristique de ce qui est au contraire nouveau dans le travail de Kylián depuis 2000.
Wlademir Faccioni et Emma Barrowman dans Gods and dogs (chor. Jiří Kylián)
On retiendra deux principalement deux danseurs
dans l’octuor demandé par la pièce. La Canadienne Emma Barrowman, déjà
remarquée ici, met son grand corps au service du style de Kylián avec
cette admirable concentration intérieure qui fait le prix d’une telle
pièce : la virtuosité qui est demandée ici n’est pas tant celle qui
emmène le corps au-delà de ses limites physiques qu’un travail sur la
circulation de l’énergie où l’équilibre instable est tout un art.
L’autre grand interprète de la soirée est
Waldemir Faccioni, à qui sont dévolus les plus brillants solos de la
pièce et que le public remercie avec effusion à la fin du spectacle,
d’autant plus peut-être qu’il n’aurait pas dû être présent ce soir. Il
est à la hauteur des exigences d’une partition chorégraphique violente
et inquiète, qui en fait la victime possédée de spasmes qu’il ne
maîtrise pas. Les moments où Barrowman et Faccioni dansent ensemble
montrent bien la maîtrise du style Kylián par la troupe du Ballet de
Bavière, ce que confirment les autres solistes, et donnent envie que
d’autres pièces entrent ou reviennent à son répertoire.
Dominique Adrian © 2012, Dansomanie
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Wlademir Faccioni dans Gods and dogs (chor. Jiří Kylián)
Variations Goldberg
Musique : Johann Sebastian Bach
Chorégraphie : Jerome Robbins
Costumes : Joe Eula
Lumières : Thomas Skelton
Avec : Zuzana Zahradniková, Leonard Engel, Javier Amo Gonzalez
Ilana Werner, Wlademir Faccioni, Ilia Sarkisov
Ekaterina Petina, Lukáš Slavický
Roberta Fernandes, Maxim Chashchegorov
Katherina Markowskaja, Tigran Mikayelyan
Gods and dogs
Musique : Jiří Kylián, Dirk Haubrich, Ludwig van Beethoven
Chorégraphie : Jiří Kylián
Scénographie : Jiří Kylián
Costumes : Joke Visser
Lumières : Kees Tjebbes
Installation vidéo : Tatsuo Unemi, Daniel Bisig
Avec : Emma Barrowman, Wlademir Faccioni
Stephanie Hancox, Matej Urban
Monika Hejduková, Ilia Sarkisov
Zuzana Zahradniková, Lukáš Slavický
Elena Mednik, piano solo (Variations Goldberg)
Bayerisches Staatsballett
Musique enregistrée
Lundi 2 juillet 2012, Nationaltheater, Munich
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