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critiques et comptes rendus
Ballet du Capitole de Toulouse

21 juin 2012 : «D'Ouest en Est», au Casino-théâtre Barrière


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Ina Lesnakowsk et Valerio Mangianti dans Slaughter on 10th Avenue


Nanette Glushak a été nommée, à la demande de Nicolas Joel alors directeur artistique du Théâtre du Capitole, directrice du Ballet du Capitole en 1994. Il appartient à chacun de juger si au bout de 18 ans il est opportun de tourner une page. On a connu après tout des règnes bien plus longs dans l’histoire des compagnies de danse. Ce qui est incontestable en revanche, c’est le travail et l’énergie qui ont été déployés durant toute cette période par Mme Glushak, assistée de son mari Michel Rahn, tous deux passionnés par la pédagogie, pour transformer une troupe d’intermèdes d’opéras en une compagnie apte à présenter le plus vaste répertoire classique et contemporain, et de lui inculquer un style, une méthode de travail issue de l’école Vaganova, une identité propre largement reconnue. Ce programme «d’Ouest en Est» est le dernier que Mme Glushak présentera à Toulouse et il est une sorte de condensé de son travail et de sa personnalité.

concerto barocco
Concerto barocco (chor. G. Balanchine)

Concerto Barocco est un ballet des plus emblématique de Balanchine, un archétype de ses ballets sans intrigue. Réglé sur le Concerto en ré mineur pour deux violons de Bach, il illustre la formule souvent répétée du maître russo-américain : voir la musique et écouter la danse. Les figures en canon, les évolutions savantes et d’une beauté stupéfiante du corps de ballet, uniquement féminin, semblent une émanation naturelle de la musique, bien au-delà d’une simple illustration.

concerto barocco
Tatyana Ten et Juliette Thélin (de dos) dans Concerto barocco

Au milieu des danseuses, Tatyana Ten se détache immédiatement. Vivacité, cambrure du pied, justesse des lignes, musicalité de tous les instants, rien ne manque pour égaler les meilleures danseuses balanchiniennes de la compagnie toulousaine, comme Paola Pagano ou Lucille Robert. Le grand largo central la voit rayonner dans les longs portés du thème principal. Il n’est pas excessif d’affirmer que Tatyana Ten est devenue la danseuse pour laquelle tout balletomane devrait se déplacer à l’avenir pour ses prises de rôles.

Les deux pas de deux qui suivent, parmi les plus connus du répertoire, sont un hommage de Mme Glushak à ses danseurs, sans qui bien sûr rien ne serait possible. Le Ballet du Capitole a vu passer durant deux décennies nombre de solistes de grande qualité, qu’il n’a pas été toujours possible de retenir dans leur parcours de carrière. La génération actuelle fourmille de danseurs aux caractères affirmés et intéressants.

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Magali Guerry et Davit Galstyan dans Le Corsaire

Magali Guerry et Davit Galstyan ont été choisis pour le pas de deux du Corsaire. Le partenariat est idéal pour ce moment de virtuosité. Magali Guerry nous gratifie de ralentis sur pointe qui sont l’une de ses spécialités, tandis que Davit Galstyan, danseur volontaire à l’engagement total, ajoute des assemblés doubles dans son manège.

Le grand pas de Don Quichotte est dansé par Maria Gutierrez et Kazbek Akhmedyarov. Sa Giselle est tellement impressionnante qu’on oublie parfois que Maria Gutierrez, de par son tempérament, est une danseuse de demi-caractère, possédant toutes les qualités, notamment du bas de jambe, pour danser Kitri. Elle tient tous les équilibres lâchés dans l’adage. Kazbek Akhmedyarov, dans son rôle préféré, allie des sauts vertigineux et une élégance de tous les instants.


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Maria Gutierrez dans Don Quichotte

Petite mort de Jiří Kylián est entré au répertoire de la compagnie toulousaine en 2008. Grâce à un travail en profondeur avec Roslyn Anderson, répétitrice au NDT, la dimension véritable de ce bijou chorégraphique est parfaitement rendue. On n’en finit plus de découvrir à chaque vision mille subtilités que le créateur tchèque a parsemées dans cette œuvre. L’envolée formidable du grand voile noir qui recouvre la scène à deux reprises, la douce lumière entre chien et loup qui nous ramène au 4ème acte des Noces de Figaro, le travail de bras des danseurs, les entrées et sorties calibrées au millimètre, tout cela est parfaitement rendu par les six couples de danseurs.

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Demian Vargas et Tatyana Ten dans Petite mort

Le dernier ballet au programme, Slaughter on 10th Avenue, nous remémore un aspect méconnu de la carrière de George Balanchine. Après son départ pour les Etats-Unis, il collabora avec Rodgers et Hart pour plusieurs comédies musicales de Broadway. Slaughter était à l’origine chorégraphiée pour On Your Toes et en était même l’épisode final, adapté ensuite par Gene Kelly dans le film Words and Music.  Assez satisfait de son travail de l ‘époque, Balanchine désira le faire danser plusieurs décennies plus tard par le New York City Ballet, y ajoutant quelques ingrédients humoristiques.

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Ina Lesnakowsk et Valerio Mangianti dans Slaughter on 10th Avenue

En avant-propos, un danseur étoile russe (Minh Pham en grande tenue de scène) engage un gangster de la pègre (Patrick Ségot, prédécesseur de Minh Pham comme maître de ballet) pour éliminer un danseur de claquettes dont la popularité lui fait trop d’ombre. Au lever du rideau on se retrouve dans une boîte de jazz à l’époque de la Prohibition. Entre règlement de comptes et descente de police, on s’entretue avec le sourire et il faut davantage y voir une parodie de la comédie musicale que du film noir américain, dont l’imagerie nous est plus familière. L’ensemble n’est pas d’une cohérence stylistique évidente, mais les gags sont bien amenés et les interprètes nous transmettent leur plaisir de danser et de jouer la comédie.Les deux rôles principaux sont fort agréablement tenus par Ina Lesnakowski, qui nous fait admirer en effeuilleuse sa plastique irréprochable de statue antique, et Valerio Mangianti en danseur de claquettes audacieux.

N’oublions pas de saluer la présence avantageuse de l’Orchestre de Chambre de Toulouse, dirigé par Nir Kabaretti avec une vigueur qui confine par moments à la brutalité, mettant en valeur dans Bach et Mozart des solistes de grande qualité.

Il n’est pas certain que la ville de Toulouse ait mesuré à sa juste valeur le rayonnement qu’a acquis le Ballet du Capitole grâce à la direction qui s’achève par ce spectacle d’adieu.  Le défi qui reste à relever s’écrit en trois mots : faire aussi bien.





Jean-Marc Jacquin © 2012, Dansomanie

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Magali Guerry et Davit Galstyan dans Le Corsaire



Concerto Barocco
Musique : Jean-Sébastien
Chorégraphie : 
George Balanchine

Avec : Tatyana Ten, Juliette Thélin, Dmitry Leshchinskiy

Le Corsaire - Pas de deux
Musique : Riccardo Drigo
Chorégraphie :
Nanette Glushak, d’après Marius Petipa

Avec : Magali Guerry,  Davit Galstyan

Don Quichotte - Pas de deux
Musique : Ludwig Minkus
Chorégraphie :
Nanette Glushak, d’après Marius Petipa

Avec : Maria Gutierrez, Kazbek Akhmedyarov


Petite Mort
Musique : Wolfgang Amadeus Mozart
Chorégraphie :
Jiří Kylián

Avec : Magali Guerry, Lauren Kennedy, Maki Matsuoka
Paola Pagano, Tatyana Ten, Juliette Thélin
Alexandre Akulov, Davit Galstyan, Julian Ims
Valerio Mangianti, Demian Vargas, Takafumi Watanabe

Slaughter on 10th Avenue
Musique : Richard Rodgers , arrangement Hershy Kay
Chorégraphie : George Balanchine

Véra l’effeuilleuse – Ina Lesnakowski
Le Danseur de claquettes – Valerio Mangianti
Konstantin Morrosine, l’Etoile russe – Minh Pham
Le gangster – Patrick Ségot
Big Boss, le patron du cabaret – Vladimir Bannikov
Le bagarreur – Dmitry Leshchinskiy

Ballet du  Capitole de Toulouse
Orchestre de chambre de Toulouse, dir. Nir Kabaretti

Jeudi 21 juin  2012,  Casino-Théâtre Barrière, Toulouse


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