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critiques et comptes rendus
Ballet National de Bordeaux

01 avril 2012 : "Gershwin Tempo" au Ballet National de Bordeaux


rhapsody in blue
Rhapsody in blue, chor.  Joey McKnelly


Ce programme autour de George Gershwin rassemblait deux créations de Joey McKneely et Who Cares? de Balanchine, trois œuvres inspirées par la musique du compositeur américain. En réalité, les deux ballets de Joey McKneely n’en font qu’un, séparés par un rapide baisser de rideau, et faisant appel aux mêmes danseurs, et il est peu vraisemblable de les voir présentés séparément.

Joey McKneely est un ancien danseur de Jerome Robbins, c’est-à-dire non pas du Jerome Robbins de Dances at a Gathering, mais de celui de West Side Story. Membre de la compagnie "Jerome Robbins’ Broadway", il a beaucoup dansé cette célèbre comédie musicale. Il en a réalisé plusieurs fois la chorégraphie puis est devenu responsable de la mise en scène des nouvelles productions. C’est à l’occasion de la tournée du cinquantième anniversaire de l’œuvre dont il assurait la direction, la mise en scène et la chorégraphie, qu’il prit contact avec le Ballet de Bordeaux et reçut commande de deux créations sur la musique de Gershwin. Il choisit Un Américain à Paris et Rhapsody in blue, soit les deux œuvres symphoniques les plus jouées du compositeur.


americain a paris
Ludovic Dussarps, Yumi Aizawa et Roman Mikhalev dans Rhapsody in blue (chor. Joey McKnelly)

Dans de beaux décors, composés de vues de Paris et de maquettes colorées de ses monuments emblématiques, l’argument d’Un Américain à Paris est volontairement simplissime : un homme rencontre une femme, déjà fiancée de son côté, et finit par la conquérir. La trame est bien évidemment inspirée du film de Vincente Minelli. L’analogie avec le film se poursuit avec le personnage principal, l’American boy, dont les évolutions dans un costume aux couleurs étasuniennes évoquent irrésistiblement la chorégraphie réglée par Gene Kelly. L’allure athlétique et le sourire facile de Alvaro Rodriguez Piñera renforcent encore la similitude. Mais au-delà de l’imitation, c’est un vrai rôle de danse, un peu jazzy parfois, qui convient superbement à ce danseur.

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Corinne Lanssens et Roman Mikhalev dans Un Américain à Paris (chor. Joey McKnelly)

En revanche, rien n’évoque ni Leslie Caron, ni Cyd Charisse chez sa partenaire. Yumi Aizawa a de la grâce et de la technique, mais elle apparaît trop effacée et introvertie et ne caractérise pas son personnage. Igor Yebra, dans un style plus classique, fait une brève apparition en French Boyfriend. Mais le côté le plus problématique du ballet est le personnage du mime. Quoique consciencieusement interprété par Ludovic Dussarps, il peine à convaincre de sa nécessité et ses interventions à tout propos deviennent envahissantes. Le maquillage blanc ne suffit pas à créer de la distance poétique, ou du second degré, ce qu’apporte au contraire, en de fugaces apparitions, la dame au petit chien (Corinne Lanssens).

rhapsody in blue
Ludovic Dussarps dans Rhapsody in blue, chor.  Joey McKnelly

Ce mime-vagabond tisse néanmoins un lien avec le deuxième ballet, Rhapsody in blue. Lien quelque peu artificiel il faut l’avouer, et dont la justification sent le procédé : sur fond de fumigènes et dans une atmosphère plus nocturne le vagabond s’endort et se met à rêver à tous les personnages de la première partie. On retrouve le couple d’amoureux à l’identique, sans transfiguration onirique, mais aussi un nouveau personnage féminin, idéal rêvé du mime. C’est  Juliane Bubl qui nous offre un beau solo, quoique sans originalité particulière ni l'expression d’immatérialité que devrait présenter un personnage de rêve.

En définitive, hormis la confirmation du talent de Alvaro Rodriguez Piñera dans ce style de danse, c’est dans le corps de ballet qu’il faut chercher le meilleur de l’œuvre. Couples de touristes aux couleurs crues ou danseuses de cancan qui se succèdent avec énergie, dans des alignements amusants, Joey McKneely est plus à son aise et plus inspiré pour faire bouger les ensembles que les solistes. Le tout forme cependant un spectacle agréable, à défaut d’être inoubliable.

who cares
Who cares?, chor.  George Balanchine

Who Cares?, comme souvent chez Balanchine, ne propose aucun argument et cette absence ne crée pas de manque. Inspiré par un recueil de chansons de George et Ira Gershwin, dans un arrangement orchestral habile dû à Hershy Kay, le ballet est clairement divisé en deux séquences. La première, pleine de vitalité, est propre à faire briller le corps de ballet, parmi lequel se détachent Laure Lavisse, Diane Le Floc’h et Guillaume Debut. La deuxième partie offre une atmosphère plus langoureuse et fait apparaître un danseur et trois danseuses solistes.

who cares
Alexandre Gontcharuk et Laure Lavisse dans Who cares?, chor.  George Balanchine

Comme par hasard on retrouve notre couple de chez Joey McKneely : Yumi Aizawa et Alvaro Rodriguez Piñera. Ils dégagent cette fois tous les deux une vraie sensualité, preuve que la réserve affichée précédemment par la danseuse n’était pas de son fait. La danse large de Marie-Lys Navarro et la virtuosité de Sara Renda sont aussi très remarquables. On regrettera toutefois le décor new-yorkais un peu étriqué. Mais en compensation, le jeune chef d’orchestre Sylvain Bousquet dirige l’orchestre national Bordeaux Aquitaine avec une recherche de coloris tout à fait appropriée.




Jean-Marc Jacquin © 2012, Dansomanie

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who cares?
Who cares?, chor.  George Balanchine


Un Americain à Paris  Rhapsody in Blue
Musique : George Gershwin
Chorégraphie : Joey McKneely
Décors : Giulio Achilli
Costumes : Philippe Binot
Lumières : François Saint-Cyr

French Girl – Yumi Aizawa
American Boy – Alvaro Rodriguez Piñera
French Boyfriend – Igor Yebra
Dream solo – Juliane Bubl
Mime – Ludovic Dussarps

Who cares?
Musique : 
George Gershwin, orchestration de Hershy Kay
Chorégraphie : George Balanchine
Scénographie : Jo Mielziner
Costumes : Barbara Karinska
Lumières :  Ronald Bates

Avec : Alvaro Rodriguez Piñera - Yumi Aizawa - Marie-Lys Navarro - Sara Renda
Laure Lavisse - Davit Gevorgyan
Marina Guizien -  Ashley Whittle
Aline Bellardi - Austin Lui
Diane Le Floc’h - Guillaume Debut
Alice Leloup - Alexandre Gontcharouk


Ballet National de Bordeaux
Françoise Larrat, piano solo
Orchestre National de Bordeaux-Aquitaine, dir. Sylvain Bousquet

Dimanche 1er avril 2012,  Grand Théâtre de Bordeaux


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