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critiques et comptes rendus
Théâtre de la Ville - Théâtre des Abbesses (Paris)

14 janvier 2012 : The Art of not looking back / Uprising - Hofesh  Shechter Company


uprising
Uprising (chor. Hofesh Shechter)


Avec Hofesh Shechter, vous allez voir ce que vous allez voir! Une «onde de choc», rien de moins, et qui «va faire mal», nous annoncent les notes de programme, à grand renfort de métaphores apocalyptiques. De ce double bill à l'affiche du Théâtre des Abbesses – pour seize représentations à guichet fermé! -, on ressort en effet la tête passablement défaite, mais pas sûr que ce soit toujours pour le meilleur. Choc auditif et visuel, on veut bien, choc chorégraphique, on en doute.

Hofesh Shechter, anglo-israelien passé par la Batsheva Dance Company de Tel-Aviv, fait partie de cette nouvelle génération de chorégraphes britanniques basés à Londres – avec Akram Khan, Russell Maliphant ou Wayne McGregor – dont s'est amouraché le monde de la danse et que la France est à son tour en train de découvrir. Bien que venus d'horizons très divers, ils ont la particularité, très peu française, de proposer une danse contemporaine qui, non seulement, danse, mais qui, par ailleurs, ne craint pas de s'adresser à un public élargi, allant bien au-delà des amateurs traditionnels du genre. Celle d'Hofesh Shechter, en résonance (et sans beaucoup de distance) avec le monde d'aujourd'hui, a les pieds embourbés dans la modernité urbaine, casque audio sur les oreilles, pop, rock ou électro dans les écouteurs, volume à fond, survoltée, toujours au bord de la rupture. Une danse à grande vitesse, concise, énervée, pour geeks et/ou gens pressés.

the art of not looking back
The Art of not looking back (chor. Hofesh Shechter)

Pour sa troisième venue à Paris, le chorégraphe présente deux pièces, écrites à des périodes différentes, mais fonctionnant en parfait miroir l'une de l'autre : Uprising, pour sept danseurs, déjà donnée au Théâtre de la Ville en 2010, et The Art of Not Looking Back, pour six danseuses, inédit à Paris. La première pièce dure vingt minutes, la seconde trente minutes – de toute la soirée, c'est l'entracte - ce ringard - qui a finalement l'air de s'éterniser.

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Uprising (chor. Hofesh Shechter)

Dès la première seconde, Uprising semble en vouloir beaucoup au spectateur. C'est d'abord une lumière aveuglante qui rompt brutalement avec l'obscurité de la salle ; c'est ensuite une musique qui vous assomme littéralement de décibels. Sept hommes en colère, alignés, s'avancent vers le public, tels des guerriers prêts au combat. Pantalons baggy, sweat-shirts United Colors of Benetton, chaussettes grises, dreadlocks et barbes de trois jours, ils ont la silhouette faussement nonchalante, l'allure agressive autant qu'inexpressive des gens que l'on croise tous les jours dans le métro, de Londres à Paris, enfermés qu'ils sont dans leurs egos. La pièce dans son ensemble tient du clip-vidéo à rallonge, habilement troussé, pariant sur l'émotion pure, et rien d'autre que ça : fumigènes, effets visuels qui se superposent et s'affrontent, esthétique de la fragmentation permanente, bande-son à l'unisson, entre techno à plein volume et nappes sonores apaisées.

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Uprising (chor. Hofesh Shechter)

Derrière son esthétisme, Uprising a tout de même un propos social bien lisible. L'énergie des ensembles, qui rappellent parfois le hip-hop, exalte le groupe, tout en faisant ressortir les solitudes qui le composent. On se tape dans le dos comme de bons vieux copains, on feint (timidement) de se rapprocher, et tout finit en règlements de compte et en bagarres de clans. L'insurrection révolutionnaire qui clôt le ballet, avec drapeau rouge en prime, ne peut dès lors apparaître que comme une parodie. Une première pièce simple, brute, efficace - pas autant que le dit la publicité -, très oubliable.

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The Art of not looking back (chor. Hofesh Shechter)

The Art of Not Looking Back affecte davantage de variété et de sophistication dans la forme. Côté musique, rien de nouveau, on a encore droit à un montage abrupt de sons, qui passe allégrement de l'électro à Jean-Sébastion Bach. En revanche, le propos n'est plus directement politique, mais ouvertement autobiographique - à tendance psychanalytique. Une voix off – celle du chorégraphe – évoque, à intervalles réguliers, une figure maternelle absente. A la fin, entre deux borborygmes délibérés, on l'entend même lui dire : «I can't forgive you». Comme leurs collègues masculins, les filles ont l'air très en colère. A certains moment, elles ont de drôles de mouvements saccadés, proches de la crise d'épilepsie, qui les font paraître plus fragiles que les hommes. A d'autres, elles miment, avec leurs corps robustes et puissants de danseuses contemporaines, des positions classiques.

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The Art of not looking back (chor. Hofesh Shechter)

C'est là qu'on est pris d'un doute : Hofesh S. en veut-il aux femmes ou bien fait-il dans le discours féministo-compassionnel? Pour le final en apothéose, les garçons en treillis de la première partie viennent rejoindre les filles en robes de lycra de la seconde. Histoire, sans doute, que les critiques puissent parler de «diptyque en miroir» ou quelque chose comme ça. Que dire de plus? Malgré des dehors plus travaillés, une exploitation moindre des fumigènes et une baisse sensible du volume sonore, The Art of Not Looking Back n'est pas vraiment plus intéressant qu'Uprising. Il est même un peu plus long, voire, surtout, beaucoup plus prétentieux.




B. Jarrasse © 2012, Dansomanie

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Uprising
Chorégraphie : Hofesh Shechter
Musique : Hofesh Shechter / Vex’d
Lumières : Lee Curran

Avec : Frédéric Despierre, Chien-Ming Chang, Sam Coren
James Finnemore, Bruno Karim Guilloré, Philip Hulford, Erion Kruja


The Art of not looking back
Chorégraphie : Hofesh Shechter
Musique : John Zorn / Jean-Sébastien Bach / Nitin Sawhney
Costumes : Becs Andrews
Lumières : Lee Curran

Avec : Maëva Berthelot, Winifred Burnet-Smith, Karima El Amrani
Yeji Kim, Sita Ostheimer, Hannah Shepherd


Mardi 14 février 2012,  Théâtre des Abbesses, Paris


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