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critiques et comptes rendus
Ballet du Capitole de Toulouse

26 & 28 janvier 2012 : New York Dances au Théâtre du Capitole


stars and stripes
Davit Galstyan et Magali Guerry dans Stars & Stripes  (chor.  George Balanchine)


Au cœur de cette saison particulière, on se rendait à la Halle aux grains avec des sentiments mêlés. Avec appétit et curiosité certes, mais avec aussi bien des interrogations. Ce programme «New York Dances» (que l’on traduira indifféremment par «New York danse» ou par «Les danses new-yorkaises»), consacré à Balanchine et ses émules, serait-il le dernier de cette espèce par le Ballet du Capitole? Point n’est besoin de le répéter : cette troupe s’est fait une spécialité de ce style «américain», les œuvres de Balanchine constituant une grande partie de son fonds de répertoire, et sa réputation d’excellence en ce domaine dépasse à présent les frontières. Qu’en adviendra-t-il avec le changement de direction? Y aura-t-il une évolution en douceur, ou bien des remaniements brutaux? Autre question : pourquoi ne dispose-t-on pas en guise de témoignage d’une version filmée des ballets les plus emblématiques?

paganini
Paola Pagano et Alexander Akulovdans dans Paganini!  (chor.  Benjamin Millepied)

Pour ce qui est des œuvres emblématiques, le Paganini! de Benjamin Millepied peut facilement se ranger dans cette catégorie. Créé en 2006 à New York, il a été repris à Toulouse exactement un an plus tard à la demande de Nanette Glushak (et de Michel Rahn, professeur de Benjamin Millepied) et la compagnie toulousaine se l’est approprié en le dansant avec aisance et naturel. Et pourtant que de difficultés techniques imaginées sur cette sélection de caprices du compositeur génois!  Le premier caprice nous présente sans préparation une ardue variation pleine de vélocité. La parfaite musicalité des mouvements, ainsi qu’un grand sens de l’occupation de la scène, à quoi s’ajoutent de subtiles variations d’éclairage, caractériseront cette suite de danses de bout en bout.

paganini
 
Hugo Mbeng dans Paganini!  (chor.  Benjamin Millepied)

Pas de faille du côté des danseurs dans cette sorte de fête du violon où les pizzicatos sont sur pointes et les doubles cordes dansent en duos. Tous sont à l’unisson, malgré des modifications de dernier instant à cause de blessures. Aux pirouettes de Maki Matsuoka sur les motifs tourbillonnants répondent les soubresauts d’Isabelle Brusson sur les arpèges. Les moments plus lyriques en legato sont dévolus à Paola Pagano, tandis que Davit Galstyan, Hugo Mbeng ou Demian Vargas rivalisent de bondissants jetés sur les grands intervalles. Un pas de sept sur les gammes en fusées voit Maria Gutierrez lancée acrobatiquement dans les bras de ses partenaires. Tous les danseurs se réunissent dans une coda étincelante sur le célèbre 24ème caprice et son thème varié.

moves
Konstantin Lorenz et Isabelle Brusson dans Moves  (chor.  Jerome Robbins)

On a peine à croire que Moves de Jerome Robbins a été créé en 1959 tant cette œuvre semble porter en elle nombre d’expériences scéniques postérieures. Pas de décor, une douzaine de danseurs en justaucorps de répétition sans recherche d’harmonie, pas non plus de fil conducteur apparent. Et surtout ce silence absolu qui donne le sentiment que le temps s’arrête. Au-delà du jeu en parabole sur les rapports humains, on pourrait définir le projet du chorégraphe par cette question : comment rendre musical le silence, par la seule force d’expression de la danse?

moves
Tatyana Ten et Demian Vargas dans Moves  (chor.  Jerome Robbins)

Le pari est réussi car les évolutions des danseurs ne semblent jamais gratuites, portant en elles une logique mystérieuse, grâce notamment à un synchronisme parfait. Au cœur le la pièce, la danse des filles, se présentant tout d’abord dans des poses alanguies, n’est pas sans évoquer quelque réunion de muses au Parnasse (on pense à celles d’Apollon musagète). Pour finir, les danseurs s’alignent lentement un par un, puis s’éloignent vers le fond de scène enténébré. Le temps peut alors reprendre son cours.

Au-delà de la technique, les danseurs doivent mettre à l’épreuve leur pouvoir d’attraction, autrement dit leur présence scénique. On distinguera plus particulièrement une excellente Isabelle Brusson, ainsi que Demian Vargas. Ce danseur argentin, remarquable aussi dans Paganini!, a acquis une ampleur de mouvement et une nouvelle expressivité, preuve s’il en faut que la direction de Nanette Glushak, c’est aussi un enseignement artistique de haute qualité.

stars and stripes
Kazbek Akhmedyarov et Maria Gutierrez dans Stars & Stripes  (chor.  George Balanchine)

Le pas de deux de Stars and Stripes de Balanchine est souvent à l’affiche des galas de danse. Cet hommage attendri aux Etats-Unis à travers ses parades festives est aussi ou surtout un prétexte au pur plaisir de la virtuosité. Encore faut-il que ce plaisir nous soit transmis par les danseurs. Et malgré une technique très propre, Maria Gutierrez et Kazbek Akhmedyarov manifestent un manque d’osmose qui les fait paraître petits et perdus sur l’immense plateau de la Halle aux grains. L’esprit n’est pas là et l’on se surprend à s’ennuyer.

stars and stripes
Davit Galstyan et Magali Guerry dans Stars & Stripes  (chor.  George Balanchine)

Changement radical d’atmosphère avec la deuxième distribution. Le plaisir, la jubilation de danser sont bien là. Magali Guerry nous offre un festival de pointes avec un sourire plein de sous-entendus qu’elle aime bien afficher en de telles circonstances. Quant à Davit Galstyan, il étincelle littéralement d’enthousiasme et d’humour en une splendide démonstration.

nine sinatra songs
Ina Lesnakowski et Konstantin Lorenz dans Nine Sinatra Songs  (chor.  Twyla Tharp)

Un fond noir, une boule à facettes haut perchée, la voix magnifique de Sinatra, et sept couples de danseurs en tenues de bal, il n’en faut pas plus pour présenter le ballet de Twyla Tharp qui avait fait sensation à son entrée au répertoire. Ajoutons quand même que Nine Sinatra Songs avec sa suite de portés acrobatiques complexes ne supporte pas la moindre approximation de la part de ses interprètes. Si on peut regretter un brin de raideur chez les deux premiers couples, Ina Lesnakowski est pour sa part presque trop belle pour la danse déstructurée du couple ivre (One for my baby).

nine sinatra songs
Maria Gutierrez et Kazbek Akhmedyarov dans Nine Sinatra Songs  (chor.  Twyla Tharp)

Les danseurs se débrident sensiblement dans la deuxième partie. Pascale Saurel  et Demian Vargas sont délicieux, Paola Pagano rêveuse à souhait avec son très blond partenaire Julian Ims, contrastant avec l’énergie débordante du couple extraverti, Isabelle Brusson et Takafumi Watanabe (Forget Domani). Enfin Maria Gutierrez et  Kazbek Akhmedyarov, cette fois sur la même longueur d’onde, se défient rageusement avec une morgue bienvenue (That's Life).




Jean-Marc Jacquin © 2012, Dansomanie

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nine sinatra song
Takafumi Watanabe et Isabelle Brusson dans Nine Sinatra Songs  (chor.  Twyla Tharp)


Paganini!
Musique : Niccolò Paganini
Chorégraphie : Benjamin Millepied, remontée par Michel Rahn
Costumes : Joop Stokvis
Lumières : Paul Heitzmann

Variation – Maki Matsuoka
Pas de trois – Paola Pagano, Julian Ims, Alexandre Akulov
Pas de deux I – Isabelle Brusson, Demian Vargas
Pas de deux II – Nuria Arteaga, Davit Galstyan
 
Moves
Ballet sans musique
Chorégraphie : Jerome Robbins
Lumières : Jennifer Tipton

Pas de deux I – Ina Lesnakowski (26/01), Isabelle Brusson (28/01), Julian Ims
Pas de deux II – Tatyana Ten - Demian Vargas (26/01), Juliana Bastos - Vladimir Bannikov (28/01)

Stars and Stripes - Pas de deux
Musique : John Philip Sousa, arr.  Hershy Kay
Chorégraphie : George Balanchine
Costumes : Barbara Karinska

Avec : Maria Gutierrez -  Kazbek Akhmedyarov 
(26/01)
Magali Guerry - Davit Galstyan (28/01)

Nine Sinatra Songs
Musique : Frank Sinatra
Chorégraphie : Twyla Tharp, remontée par Elaine Kudo
Scénographie : Santo Loquasto
Costumes : Oscar de La Renta
Lumières : Jennifer Tipton

Softly As I leave you – Lucille Robert, Alexandre Akulov
Strangers in the night – Juliana Bastos, Dmitry Leshchinskiy
One for my baby – Ina Lesnakowski, Konstantin Lorenz
Somethin' Stupid – Pascale Saurel, Demian Vargas
All the way – Paola Pagano, Julian Ims
Forget Domani – Isabelle Brusson, Takafumi Watanabe
That's Life – Maria Gutierrez, Kazbek Akhmedyarov


Ballet du  Capitole de Toulouse
Orchestre du Capitole de Toulouse, dir.  Dieter Rossberg

Jeudi 26 et samedi 28 janvier 2012,  Halle aux grains, Toulouse


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