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Gala des Etoiles du XXIème siècle
14 janvier 2012 : Gala des Etoiles du XXIème siècle au Théâtre des Champs-Élysées
Yolanda Correa et Yoel Carreño dans La Esmeralda (chor. M. Petipa)
Un gala sans étoiles, ou tout au moins sans les
étoiles attendues, disons-le franchement, la 14e édition parisienne du
Gala des Etoiles du XXIe siècle aura vraiment joué de malchance. Avec la
déprogrammation successive de ses deux incontournables piliers annuels,
Lucia Lacarra - en tandem avec Cyril Pierre –, et Daniil Simkin, blessé
à la suite de la première, il y avait non seulement de quoi décevoir
les très nombreux fidèles de ces deux vedettes, mais aussi de quoi
rendre résolument terne une affiche qui ne brillait guère d'emblée par
le prestige conjugué de ses invités.
On se rassure en se disant que l'intérêt
principal de ce type de spectacle est quand même la découverte de
nouveaux interprètes, issus de compagnies souvent lointaines et peu
connues du public français. Encore faut-il que le programme soit adapté à
la circonstance et leur permette de révéler leurs qualités, quelles
qu'elles soient. Malheureusement, le gala de cette année ne fait que
confirmer une tendance lourde, déjà amorcée lors de la dernière édition :
le « conformisme néo-classique » est bien en passe de s'imposer comme
le nouvel académisme. Diktat égalitaire regrettable, chacun des invités
se doit de présenter, en plus du traditionnel pas de deux classique, une
pièce plus actuelle. Pourquoi pas, mais force est de constater que,
cette année encore, nous avons eu droit à un festival de pièces
«néo-classiques» rivalisant de médiocrité, toutes plus pénibles les
unes que les autres à regarder : langage d'une pauvreté souvent
abyssale, ambiances stéréotypées, musiques ressassées, mises en scène
bon marché, sentimentalisme niais pour enrober le tout – aussitôt vues,
aussitôt oubliées, sans même le petit plaisir de la chair que peut
procurer un brillant instant de danse. Tout le monde n'ayant pas la
chance d'être Russe ou Cubain, la plupart des danseurs se montrent plus à
leur aise dans ce répertoire néo-classique, moins exigeant que le
classique pur, mais paradoxalement, les pièces choisies sont bien trop
tristement banales pour leur permettre de s'y distinguer.
Aleszja Popova et Máté Bakó, du Ballet National de Hongrie, donnent d'emblée le ton avec un Corsaire
terne et sans panache – choix regrettable quand la bravoure et le style
ne sont pas au rendez-vous. Aleszja Popova offre des levers de jambe
sans tenue, d'une élasticité presque gênante, qui ne font pas oublier le
défaut d'attaque dans la variation (également celle de Gamzatti) et,
plus généralement, le caractère peu soigné de sa danse. Le couple peine à
compenser cette médiocre prestation dans la deuxième partie, la pièce
de Levente Bajàri, sur la musique trop rebattue d'Arvo Pärt, brillant
surtout par son insignifiance.
Yana Salenko et Marian Walter dans Elegie der Herzen (chor. R. Rebeck)
Les danseurs du Ballet de Tbilissi, Lali
Kandelaki et Vasil Akhmeteli, se montrent en revanche nettement plus
intéressants. La pièce de Yuri Possokhov, Sagalobeli,
sur une musique traditionnelle géorgienne, n'apporte rien de bien neuf
sur le plan chorégraphique, mais laisse au moins admirer deux
interprètes fusionnels, dotés d'un beau lyrisme. Leur Don Quichotte,
plus puissant que raffiné, souligne encore cette entente. Pas très
policé peut-être, un peu provincial sans doute, mais au moins ces
deux-là dansent, avec des qualités techniques certaines et un brio - à
l'ancienne – bien appréciables dans un monde où les danseurs tendent de
plus en plus à se ressembler.
Les danseurs des compagnies allemandes étaient
cette année présents en force, suite aux divers impératifs de
remplacement. Elisa Carrillo Cabrera, du Ballet de Berlin, et Evan McKie,
du Ballet de Stuttgart, offrent leur plastique irréprochable et leurs
lignes affûtées dans Fanfare LX,
une pièce de Douglas Lee où l'on perçoit clairement l'influence de
McGregor. Rien de vraiment transcendental dans ce duo – très formaté -,
mais au moins une chorégraphie et un « visuel » qui tiennent la route
dans le cadre d'un gala d'étoiles. On retrouvait également Elisa Carrillo
Cabrera aux côtés de Mikhaïl Kaniskin dans un extrait du Caravaggio
de Mauro Bigonzetti (différent de celui donné lors du gala pour le
Japon il y a quelques mois), qui clôturait bizarrement le spectacle. Du
néo-classique au kilomètre - esthétisme gentiment insipide, sensualité
lisse et dans l'air du temps, débauche plastique et sans âme, rendus
toutefois à la perfection par ses deux interprètes. Yana Salenko enfin,
suite à la défection de Daniil Simkin, aura dû improviser deux pas de
deux avec Marian
Walter, venu à la rescousse de Berlin. Dommage, on aurait préféré la voir briller
autrement que dans des numéros de dernière minute, comme ce Cygne noir
honnête mais parfois hésitant qui ne se prête pas au mieux à son
tempérament romantique.
Alys Shee était quant à elle la mini-sensation
annoncée de l'affiche 2012. Elle n'a en effet que 17 ans et s'est
notamment fait connaître ces dernières années au travers de compétitions
prestigieuses comme Moscou ou Varna. En fait, sa présence s'explique
surtout par le fait qu'elle a été l'élève à Toronto de Nadia
Veselova-Tencer, organisatrice du Gala des Etoiles du XXIe siècle et
directrice du Canadian Ballet Theatre d'où elle est issue. Dans le Grand pas classique,
elle montre incontestablement de belles qualités techniques, mais
séduit surtout par sa personnalité affirmée et lumineuse, qui vient
compenser certains maniérismes de jeunesse et des équilibres quand même
un peu tendus. Le partenariat de Mikhaïl Kaniskin s'avère par ailleurs
attentif et efficace. S'il n'est pas le danseur le plus excitant de la
terre, il apporte en tout cas une propreté et une élégance classiques
bienvenues dans ce gala.

Davit Galstyan (L'Idole dorée) dans La Bayadère
Tout cela est bien gentil, mais n'offre pas non
plus de quoi s'enthousiasmer outre-mesure quant au futur de la danse
mondiale. Que retenir alors de ce spectacle, une nouvelle fois bien en
demi-teinte? Tout d'abord, Davit Galstyan, l'étonnant soliste du Ballet
du Capitole de Toulouse. Il fallait oser – et d'une! - reprendre Les Bourgeois,
morceau de bravoure - sans grand intérêt au passage - du prodige
Simkin, roi de ce même gala, et il y réussit à sa manière, légère,
naturelle et décalée. L'Idole dorée était également un drôle de choix,
servi qui plus est par un bizarre arrangement musical (celui de la
version Makarova?). Sans tambour ni trompette, mais avec beaucoup de
style, le voilà pourtant qui nous présente, avec son beau ballon, une
variation enthousiasmante et sans tricherie. Ensuite, les deux Cubains
d'Oslo, Yolanda Correa et Yoel Carreño. Evidemment, le Panta Rhei
de le première partie, dont on a déjà oublié les noms du chorégraphe et
du compositeur, était parfaitement dispensable – très loin de leur
niveau et de leur immense talent. En revanche, le pas de deux de La Esmeralda
suffit seul à sauver le gala de l'indigence – et qu'importe le pauvre
tutu vert de Yolanda Correa quand on danse comme ça! Sauts, équilibres,
pirouettes, tout est là, brillamment exécuté, simplement digéré, sans
jamais rien qui pose ou qui pèse. Merci mon Dieu, il y a encore des
Cubains sur terre pour honorer le répertoire classique avec cette pureté
de style et ce panache mélangés!
B. Jarrasse © 2010, Dansomanie
Le Corsaire, pas de deux, chor. Marius Petipa, mus. Léon Minkus / Ricardo Drigo
Aleszja Popova et Máté Bakó
Ballet National de Hongrie
Salagobeli, pas de deux, chor. Yuri Possokhov, mus. traditionnelle de Géorgie
Lali Kandelaki et Vasil Akhmeteli
Ballet de l'Opéra de Tbilissi (Géorgie)
Panta Rhei, chor. Francisco Lorenzo, mus. Thierry Robin
Yolanda Correa et Yoel Carreno
Ballet de l'Opéra d'Oslo (Norvège)
Grand Pas Classique, chor. Victor Gsovski, mus. Daniel-François-Esprit Auber
Alys Shee et Mikhaïl Kaniskin
Candian Ballet Theatre / Staatsballett Berlin
Fanfare LX, chor. Douglas Lee, mus. Michael Nyman
Elsa Carrillo Cabrera et Evan McKie
Staatsballett Berlin / Ballet de Stuttgart
Les Bourgeois, chor. Ben Van Cauvenbergh, mus. Jacques Brel
Davit Galstyan
Ballet du Capitole de Toulouse
Le Lac des cygnes, pas de deux du Cygne noir, chor. Marius Petipa, mus. Piotr Ilitch Tchaïkovski
Yana Salenko et Marian Walter
Staatsballett Berlin
Don Quichotte, pas de deux, chor. Marius Petipa, mus. Léon Minkus
Lali Kandelaki et Vasil Akhmeteli
Ballet de l'Opéra de Tbilissi (Géorgie)
Way of Words, chor. Levente Bajàri, mus. Dario Marionelli
Aleszja Popova et Máté Bakó
Ballet National de Hongrie
La Bayadère, variation de l'Idole dorée, chor. Marius Petipa, mus. Léon Minkus
Davit Galstyan
Ballet du Capitole de Toulouse
Transparente, chor. Ronald Savkovic, mus. Mariza
Alys Shee et Mikhaïl Kaniskin
Candian Ballet Theatre / Staatsballett Berlin
Elegie der Herzen, chor. Raimondo Rebeck, mus. Arvo Pärt
Yana Salenko et Marian Walter
Staatsballett Berlin
La Esmeralda, chor. Marius Petipa, mus. Ricardo Drigo
Yolanda Correa et Yoel Carreno
Ballet de l'Opéra d'Oslo (Norvège)
Caravaggio, pas de deux, chor. Mauro Bigonzetti, mus. Claudio Monteverdi
Elsa Carrillo Cabrera et Mikhaïl Kaniskin
Staatsballett Berlin
Musique enregistrée
Samedi 14 janvier 2012, 20h00, Théâtre des Champs-Élysées, Paris
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