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Opera de Lille
24 novembre 2011 : Cesena (Anne Teresa De Keersmaeker), par la Compagnie Rosas
Cesena, chor. A. T. De Keersmaeker
Il fallait voir Cesena
lors de sa création au Palais des papes d’Avignon,
à 5h du matin, le 16 juillet 2011. La beauté de
l’endroit, l’incongruité du moment et la
poésie de l’aube conféraient à la
dernière production d’Anne Teresa De Keersmaeker un
caractère exceptionnel, que les spectateurs présents
n’ont pas manqué de relever. Le passage progressif de la
nuit au jour enchantait alors le mouvement et le son, conçu en
collaboration avec Björn Schmelzer et son ensemble graindelavoix,
parant les artistes de la spiritualité des lieux.
Que
reste-il de cette émotion une fois le ballet transposé
dans une salle noire? Dépourvue de tout
cérémonial, la pièce révèle sa
pauvreté chorégraphique et son absence de fil conducteur.
Substituez des néons au soleil naissant, le décor
d’un théâtre néo-classique à celui
d’une construction gothique, la fatigue d’une
journée de travail à celle d’un lever aux aurores,
et les détails charmants qui faisaient de la
représentation une expérience théâtrale et
donnaient son sens à la danse épurée
d’Anne-Teresa de Keersmaeker laissent place à la
banalité d’un art contemporain qui cherche à
provoquer plutôt qu’à expérimenter, à
enlaidir plutôt qu’à esthétiser.
Cesena, chor. A. T. De Keersmaeker
Les
premières minutes du spectacle cueillent le public à
froid. Un homme nu s’avance dans la pénombre et entame une
série de pliés au bord de la scène en criant et
sifflant comme une locomotive. Lorsqu’il s’arrête et
part courir autour du cercle de sable tracé sur le plateau,
l’obscurité demeure : la première partie du
spectacle se déroule dans le noir complet. Un peloton
d’hommes et de femmes s’avance et recule en rangs
serrés, dans le silence ou au rythme d’un
métronome, à la façon d’une machine humaine.
Le chant pur de l'Ars Subtilior s’élève et
résonne comme un espoir, premier et unique sentiment de
beauté du spectacle, qui s’efface devant sa
répétitivité. Mais quelque chose effraie le groupe
et le dissout, les individus se mettent à courir en tous sens,
tandis que l’un d’eux simule une crise et glisse sur le
sable, avant de se relever lentement sous le regard curieux des autres.
Codex Chantilly
Quatre-ving
dix minutes plus tard, on éprouve le sentiment d’en
être resté au même point. Les halogènes au
dessus de la scène se sont allumés un à un, les
danseurs continuent de chanter et les chanteurs de danser, pas toujours
pour le meilleur. On ne sait toujours pas à quoi mènent
les roulades au sol, les courses effrénées et les
errements dans l’espace scénique dépouillé.
Ni pourquoi régulièrement tout se fige, pour reprendre
systématiquement quelques secondes plus tard. Au long des deux
heures sur lesquelles s’étire le spectacle,
l’intérêt s’égare.
Une femme roule sur le sol comme à la recherche d’une
position confortable pour dormir. Une de ses consœurs
s’allonge et se laisse manier par d’autres. Deux chanteurs
glissent par terre comme s’ils ramollissaient au soleil. Un homme
en robe se débat, lance ses bras autour de lui, convulse, se
jette plusieurs fois sur le dos, se relève, regarde le public,
et part en fond de scène se faire maltraiter par trois femmes.
Un individu vient hurler sa hargne en avant-scène. Ils finissent
tous par sortir en coulisses, sans que l’on sache vraiment
comment c’est arrivé. Que reste-il des intentions de la
chorégraphe? Si le passage du temps est évoqué de
manière très appuyée, le propos n’en devient
pas plus intelligible .
M. Tokarsky © 2011, Dansomanie
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Codex Chantilly
Cesena
Musique : Ars subtilior, pièces extraites du Codex Chantilly, du Codex Torino
et du Codex Mancini (XIVème siècle)
Chorégraphie : Anne Teresa De Keersmaeker
Scénographie : Ann Veronica Janssens
Costumes : Anne-Catherine Kunz
Avec : Olalla Alemán, Haider Al Timimi, Bostjan Antoncic, Aron Blom, Carlos Garbin
Marie Goudot, Lieven Gouwy, David Hernandez, Matej Kejzar, Mikael Marklund
Tomàs Maxé, Julien Monty, Chrysa Parkinson, Marius Peterson, Michael Pomero
Albert Riera, Gabriel Schenker, Yves Van Handenhove, Sandy Williams
Compagnie Rosas
Ensemble graindelavoix, dir. Björn Schmelzer
Jeudi 24 novembre 2011, Opéra de Lille
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