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Miami City Ballet / Etés de la danse
07 juillet 2011 : Square Dance - La Valse - In the Upper Room
Square dance (chor. George Balanchine)
Les programmes du Miami City Ballet se suivent et
ne se ressemblent pas – du moins pour l'instant... Pour cette seconde
représentation, découverte - ou redécouverte - de Square Dance et de La Valse, deux ballets de Balanchine qu'on a finalement peu l'occasion de voir à Paris, et du hit international de Twyla Tharp, In the Upper Room,
jadis donné en ce même lieu par l'ABT. Une soirée qui laisse davantage
admirer l'ensemble de la troupe, sa jeunesse et sa générosité
collectives, que des solistes en particulier.
Square Dance
appartient à la période «bleu ciel» (si l'on peut dire) de
Balanchine. Dans ce ballet, seuls les deux solistes principaux, meneurs
d'une danse dans laquelle les accompagnent six couples secondaires, se
détachent, vêtus de blanc. Les filles portent tunique et jupette, les
garçons collant et tee-shirt, tous strictement assortis. Square Dance
est une nouvelle plongée du chorégraphe, au son de Vivaldi et de
Corelli, dans les plaisirs – inépuisables - de l'académisme. Le ballet
trouve en fait son inspiration structurelle dans les danses populaires
anciennes, et notamment dans le fameux quadrille (traduction française
de «square dance»), dont le principe est de mettre face à face des
couples formant un carré. La source est évidemment détournée de manière
ludique, car Square Dance n'a
rien d'un ballet ethnographique, mais tout d'un ballet de Balanchine,
réglé sur le mode de l'abstraction joyeuse. On retrouve certes, ça et là
dans la chorégraphie, comme un air folklorique ou d'autrefois - les
motifs géométriques que dessinent les évolutions du corps de ballet, les
petits saluts que s'adressent les partenaires, les mouvements resserrés
dans l'espace... -, mais la technique qu'il sollicite, défi au souffle
et à la précision musicale, ressemble plutôt à un exposé du style du
chorégraphe : bas de jambe extrêmement véloce qui tricote des pas en
permanence, petits sauts, petite batterie, positions très croisées et
épaulées... Les danseurs du Miami City Ballet se montrent vraiment là à
leur meilleur et effacent les petites réserves qu'on pouvait émettre à
leur sujet dans les ballets à plus gros effectifs comme Symphonie en trois mouvements ou Ballet impérial,
aux lignes parfois défaillantes. Tout est impeccablement réglé,
incroyablement musical, sans la moindre bavure, indépendamment même de
la présence lumineuse de Jeanette Delgado, infatigable virtuose, bien
accompagnée dans l'exercice par Renan Cerdeiro - tout juste 19 ans –
complètement transformé depuis qu'on l'avait découvert à Lausanne en
2008. Un peu vert dans l'incarnation, son solo (on dit toujours,
Balanchine, c'est la femme, preuve en est là que tel n'est pas toujours
le cas), en l'occurrence un adage, apporte un contrepoint mélancolique à
la tonalité guillerette de l'ensemble. On décèle en tout cas dans ce
ballet toute la cohérence stylistique et musicale de la troupe - des
danseurs aux physiques « moyens » et à la technique d'acier, qui savent
danser «collectif» - dans une chorégraphie où la beauté des ensembles
l'emporte finalement sur la personnalité des solistes.
Haiyan Wu et Renato Penteado dans La Valse (chor. George Balanchine)
La Valse offre une tout autre ambiance visuelle, chorégraphique et musicale. Ici, c'est plutôt le glamour
hollywoodien, veine régulière d'inspiration du chorégraphe, qui est mis
à l'honneur. Les hommes sont en frac noir, les femmes, couvertes de
bijoux, portent de longs gants blancs et d'amples jupons de tulle rose
et gris, qui créent un effet fabuleux quand elles dansent. Ces créatures
de rêve évoluent dans un écrin à leur image : lustres dégoulinants,
rideaux de velours... L'intérêt du ballet, chorégraphié sur deux
partitions distinctes de Ravel, (les Valses nobles et sentimentales, suivies de La Valse proprement dite), c'est qu'il utilise ce kitsch
de cinéma pour en faire le décor d'une variation, somme toute assez
noire, sur le thème romantique de la valse fantastique. La première
partie, plus impressionniste que véritablement narrative, voit évoluer
un étrange trio de danseuses et une succession de couples, flirtant et
s'enivrant dans les plaisirs de la valse. Un semblant d'intrigue se fait
jour dans le second volet lorsqu'un homme en noir (non, nous ne sommes
pas chez Patrice Bart!) fait irruption dans la salle de bal, tend un
miroir à une femme vêtue de blanc avant de l'entraîner dans le
tourbillon d'une danse macabre. On avait découvert ce ballet au Châtelet
il y a quelques années dansé par le Mariinsky (avec Lopatkina en femme
en blanc), dans la cadre d'un programme Balanchine. Souvenir lointain
qui laisse apprécier pleinement l'interprétation qu'en donne le Miami
City Ballet. La Valse est
joliment et finement dansé, bien que le lyrisme des bras ne soit guère
au rendez-vous, et les évolutions des danseurs, apparaissant puis
disparaissant dans le tumulte d'un bal imaginaire, parfaitement
synchronisées. Les nombreux solistes de la première partie peinent
pourtant à se distinguer véritablement les uns des autres, si l'on en
excepte Jennifer Kronenberg, romantique héroïne qui séduit une nouvelle
fois par son élégance, et la figure de la Mort, interprétée de manière
très convaincante par Isanusi Garcia-Rodriguez, danseur fin et
longiligne, à la silhouette très plastique.
Patricia Delgado et Kenta Shimizu dans In The Upper Room (chor. Twyla Tharp)
Peut-on encore parler de In The Upper Room
sans tomber dans les borborygmes et les onomatopées? La salle finit
debout, les danseurs, hilares et exsangues (mais ça ne se voit pas),
ovationnés comme des rock-stars... Bref, tout est fait pour sidérer le
spectateur. Et à vrai dire, ce qui importe ici, ce n'est pas tant la
chorégraphie, d'une répétitivité assez confondante dans sa manière
d'égrener tous les poncifs du jazz, que la performance que les danseurs
offrent durant quarante minutes, au rythme de la musique rebattue, mais
diablement efficace, de Phil Glass. In The Upper Room
est un véritable marathon de danse, un crescendo hypnotique jusqu'à
l'explosion finale, qui s'amuse en filigrane d'un certain culte effréné
du corps sain et sportif. La scène, résolument vide, est plongée dans
l'obscurité. Dans un simple habillage de fumigènes, façon clip-vidéo ou
boîte de nuit, les danseurs évoluent dans des tenues de sport, qui
conjuguent l'esthétique rouge flashy des années 80 à – peut-être? -
quelques souvenirs hallucinés des Dalton, pour les pyjamas rayés dont
ils se débarrassent progressivement - comme un acte de libération.
L'interprétation est ultra-dynamique, menée tambour battant par Jeanette
Delgado et quelques autres solistes, mais en même temps, on n'a jamais
cette impression en les voyant d'une dépense excessive, d'une danse
exécutée en force – ou qui tue. Tout cela est rendu plus cool et détendu
que véritablement ironique et nerveux - plus Miami Beach au fond que
New York City...
B. Jarrasse © 2011, Dansomanie
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Square Dance
Chorégraphie : George Balanchine
Musique : Antonio Vivaldi, Archangello Corelli
Costumes : Karinska
Lumières : John Hall
Avec : Jeanette Delgado, Renan Cerdeiro
La Valse
Chorégraphie : George Balanchine
Musique : Maurice Ravel
Costumes : Karinska
Lumières : Jean Rosenthal
Avec : Jennifer Kronenberg , Carlos Miguel Guerra
La Mort – Isanusi Garcia-Rodriguez
Le Serviteur de la Mort – Jeremy Cox
In The Upper Room
Chorégraphie : Twyla Tharp
Musique : Philip Glass
Costumes : Norma Kamali
Lumières : Jennifer Tipton
Miami City Ballet
Orchestre "Prométhée", dir. Gary Sheldon
Jeudi 7 juilletl 2011, Théâtre du Châtelet, Paris
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