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Miami City Ballet / Etés de la danse
06 juillet 2011 : Gala au Théâtre du Châtelet (Paris), par le Miami City Ballet
Mary Carmen Catoya et Renato Penteado dans Ballet Imperial (chor. George Balanchine)
On ne peut pas dire que les grandes compagnies
américaines soient continument présentes à Paris, alors autant en
profiter lorsque l'une d'entre elles vient pointer le bout de son nez...
Ces dernières années, nous avons ainsi pu voir (avec des fortunes
diverses) le San Francisco Ballet – c'était en 2005, pour la première
édition des Etés de la danse, qui se tenait alors dans la cour des
Archives Nationales -, l'American Ballet Theatre, venu au Châtelet en
2007, et enfin le New York City Ballet, invité par l'Opéra de Paris en
2008. En 2011, c'est le Miami City Ballet, sans doute la moins connue
des «grandes», qui vient visiter Paris pour trois semaines, dans le
cadre du festival des Etés de la danse. Une occasion d'ailleurs pour
cette troupe, fondée et dirigée par Edward Villela, de fêter son
vingt-cinquième anniversaire. Si l'on ne connaissait rien d'elle a
priori avant ce gala, les échos semblaient plutôt positifs. Alastair
Macauley, enthousiaste quand il le faut, ne craignait en tout cas pas
d'écrire à son sujet en 2009 que « to watch it dance Balanchine is to
see aspects of his choreography more clearly than with any other company
today ». ("Finally Arriving in Manhattan, With Balanchine as Its Calling Card", The New York Times, 22/01/09)
Le spectacle d'ouverture de la tournée, dédié à
Balanchine et Robbins, présentait un programme équilibré, avec deux
courts duos en contrepoint stylistique (Afternoon of a Faun, à l'ambiance intimiste, et Tarantella,
déploiement de virtuosité sans limite), coincés
entre deux oeuvres plus conséquentes pour solistes et corps de
ballet (Symphonie en Trois Mouvements et Ballet Impérial).
Rien d'inédit là-dedans – on a pu admirer à l'occasion ces quatre
classiques du répertoire américain dansés par d'autres compagnies – mais
justement une bonne occasion de les voir interprétés différemment, et,
peut-être, de manière plus authentique. Il est intéressant à cet égard
de noter que cette compagnie, forcément très balanchinienne – mais pas
seulement -, possède sa propre école, dirigée par Linda Villela, donc sa
propre manière d'aborder le style et le répertoire du maître.
Symphony in Three Movements (chor. George Balanchine)
Symphonie en Trois Mouvements
était l'un des joyaux de la dernière visite du New York City Ballet à
Paris. L'oeuvre appartient à la veine tout à la fois stravinskyenne et
« noir et blanc » de Balanchine – académique pour les filles, collant
et tee-shirt pour les garçons – un noir et blanc parsemé d'un camaïeu de
roses pour les trois solistes féminines. Avec un tel costume,
interdiction de tricher. De fait, la chorégraphie est une sorte d'hymne
joyeux à la géométrie. Tout semble ici une question de lignes et
d'angles, droits ou obtus, de l'impressionnante diagonale initiale
jusqu'aux flexions des pieds et des poignets et aux déhanchés qu'impose
la chorégraphie aux danseurs, pris constamment entre en-dedans et
en-dehors – on n'est bien sûr pas très loin de l'esthétique d'Agon.
L'effet "ballet nautique", suggéré par certains drôles de mouvements de
bras ainsi que par les touches de couleur des justaucorps des trois
solistes, vient toutefois rompre avec l'abstraction austère attachée à
ce Balanchine emblématique en noir et blanc. Plus que le pas de deux
central, interprété par Katia Carranza et Carlos Guerra, qui manquait un
brin de personnalité (difficile d'oublier là Wendy Whelan et Albert
Evans), ce sont les ensembles qui saisissent le spectateur, le dynamisme
et la musicalité qui les animent, bien soutenus par le corps de ballet,
même si, pour ce premier coup d'essai, la rigueur des lignes et des
positions n'est pas toujours au rendez-vous.
Carlos Miguel Guerra et Jennifer Kronenberg dans Afternoon of a Faun (chor. Jerome Robbins)
Afternoon of a faun,
voilà un ballet qu'on a souvent vu dansé à l'Opéra de Paris du temps de
la Robbins-mania, un peu tarie depuis plusieurs saisons.
L'interprétation qui est donnée de cette miniature par Carlos Guerra et
Jennifer Carlynn Kronenberg nous donne soudain à voir de l'exceptionnel
après un début en demi-teinte. Lui est un Narcisse tout en finesse et
elle a ce délié et cette élégance intemporelle des muses
balanchiniennes. Le duo se présente comme une relecture urbaine du
célèbre ballet de Nijinsky. La nature bucolique laisse place là à un
studio de danse, lieu hautement théâtral, comme de nombreux ballets nous
l'ont montré. Le dépouillement de l'espace, habillé de bleu et de
blanc, met en valeur les deux interprètes et leurs évolutions, marquées
par une grande pureté de mouvement. Le tout a l'air presque sorti d'un
rêve. Comme souvent chez Robbins, le dessin tient de l'esquisse,
justifiée ici par la nature du lieu. Carlos Guerra et Jennifer Carlynn
Kronenberg ont non seulement la beauté de l'emploi, mais aussi le sens
du texte. Ce qui se joue avec eux n'est pas un simple duo entre un homme
et une femme, mais bien une rencontre sidérante, celle du danseur avec
le miroir, invisible partenaire - et son seul véritable amour?
Tarantella
est un pas de deux, régulièrement donné dans les galas, qu'on ne
présente plus, une occasion presque indécente pour les danseurs les plus
brillants de donner en spectacle leur virtuosité. Jeannette Delgado,
tant par son physique solide et compact que par sa technique sans
bavures, rappelle un peu Ashley Bouder ou Viengsay Valdès. Rien à dire,
elle saute avec aisance et pirouette joyeusement, sans le moindre répit
ni signe de faiblesse, un immense sourire aux lèvres pour couronner le
tout. Kleber Rebello, un peu moins tonitruant, séduit sans doute
davantage. Il ne cède rien à sa partenaire question brio et vélocité,
mais le travail est plus en finesse, notamment dans les sauts, amples et
déliés, et la petite batterie, dont on peut apprécier la propreté.
Mary Carmen Catoya et Renato Penteado dans Tarantella (chor. George Balanchine)
Ballet impérial est une apothéose en soi, conçu, à l'image de Diamants, Symphonie en ut ou Thème et variations,
comme un hommage festif à Petipa, au ballet impérial et à la Russie
perdue. Ce ballet, on l'a découvert dans ce même théâtre en 2005
interprété par le Mariinsky – un choc absolu pour les yeux et pour
l'esprit. Il faut pourtant se résoudre ici à oublier Diana, Viktoria et
les déesses de Saint-Pétersbourg aux lignes parfaites, tout autant que
les pieds joliment travaillés de nos Parisiennes. Dans cet empire-là,
les filles ont nom Mary Carmen ou Patricia, et le garçon s'appelle
Renato... C'est un tout autre style, cela va sans dire, moins
incroyablement majestueux et sophistiqué, plus direct, tranchant et
énergique. De ce Ballet Impérial,
Mary Carmen Catoya est une reine un brin austère, qui en impose par son
élégance et sa technique acérée. Patricia Delgado, en irrésistible
seconde, a le sourire lumineux et la danse épanouie. Quant à l'homme de
ce sérail, Renato Penteado, on regrette de ne pas le voir davantage à
l'oeuvre, car il a l'air d'être un sacré danseur. Le corps de ballet
soutient jusqu'à la fin le rythme endiablé du ballet. Cette fois, la
troupe est lancée, on attend la suite...
B. Jarrasse © 2011, Dansomanie
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Symphony in Three Movements
Chorégraphie : George Balanchine
Musique : Igor Stravinsky
Costumes : Karinska
Lumières : John Hall
Avec : Katia Carranza, Carlos Guerra
Tricia Albertson, Daniel Baker, Patricia Delgado, Renon Cerdeiro
Afternoon of a Faun
Chorégraphie : Jerome Robbins
Musique : Claude Achille Debussy
Costumes : Irene Sharaff
Scénographie et lumières : Jean Rosenthal
Avec : Jennifer Kronenberg , Carlos Miguel Guerra
Tarantella
Chorégraphie : George Balanchine
Musique : Louis Moreau Gottschalk
Costumes : Karinska
Lumières : John Hall
Avec : Jeanette Delgado, Kleber Rebello
Ballet Imperial
Chorégraphie : George Balanchine
Musique : Piotr Ilitch Tchaïkovsky
Costumes : Haydée Moralès
Lumières : John Hall
Avec : Mary Carmen Catoya, Renato Penteado, Patricia Delgado
Renan Cerdeiro, Didier Bramaz
Miami City Ballet
Francisco Rennó, piano solo
Orchestre "Prométhée", dir. Gary Sheldon
Mercredi 6 juilletl 2011, Théâtre du Châtelet, Paris
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