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Ballet du Capitole de Toulouse
15 & 16 avril 2011 : spectacle Balanchine / Duato
Symphonie écossaise (chor. George Balanchine)
Ce
spectacle était attendu à Toulouse comme on attend une
friandise venant d’un grand confiseur : un chorégraphe
majeur d’aujourd’hui, dans la filiation
néoclassique, servi entre deux succulents Balanchine,
spécialité maison. On s’en régalait les
papilles d’avance. En réalité il s’agissait
de bien plus que cela et c’est la gorge serrée par
l’émotion que le public toulousain a assisté
à l’entrée au répertoire du Ballet du
Capitole de Por vos muero, de Nacho Duato.
Créé en 1996 par la Compañía Nacional de
Danza, ce ballet s’appuie sur quelques-uns parmi les plus beaux
sonnets et stances du poète Garcilaso de la Vega, fauché
en pleine jeunesse au champ de bataille, sous le règne de
Charles-Quint, ainsi que sur des musiques espagnoles des XVème
et XVIème siècles. Nacho Duato nous rappelle
l’extraordinaire vitalité du Siècle d’or
espagnol, période de floraison artistique et culturelle que
l’on ne peut guère comparer qu’à la
Renaissance italienne ou au Grand Siècle en France. A travers la
figuration de somptueuses danses de cour codifiées, percent les
influences populaires et arabo-andalouses, et l’évocation
de rites sociaux laisse transparaître une profonde
sensibilité.
Maria Gutierrez et Kazbek Akhmedyarov dans Por vos mueros (chor. Nacho Duato)
Peut-être
un peu agacé d’être sans cesse comparé au
grand Jiří Kylián, Nacho Duato démontre par son
langage très personnel qu’il n’est pas qu’un
pâle épigone du chorégraphe tchèque. Il a
retenu le meilleur de son maître : l’inventivité, la
fluidité du mouvement, l’utilisation judicieuse des
accessoires dans un prolongement poétique du geste, la
cohérence des développements, le sens de
l’occupation de l’espace, l’expression individuelle
fondue dans une expression collective, tout cela au service d’une
proposition artistique d’une grande élévation de
pensée.
Takafumi Watanabe et Jérémy Leydier dans Por vos mueros (chor. Nacho Duato)
Deux distributions ont alterné pour permettre à une
majorité de danseurs de la troupe de se mesurer à une
œuvre d’une telle force. Si les solistes confirmés
ont tenu leur rang, on a pu aussi admirer des danseurs peu souvent mis
en avant. Comment ne pas remarquer la vivacité de Vanessa
Spiteri, la beauté de Ina Lesnakowski,
l’élégance naturelle de Julian Ims? Il faut
mentionner aussi l’irrésistible trio dans la stance
«du rire» formé par Maki Matsuoka et les jeunes
Takafumi Watanabe et Jérémy Leydier. Autre moment
touchant : le duo entre Fabien Cicoletta et la ravissante Pascale
Saurel que l’on est tellement heureux de retrouver sur
scène.
Valerio Mangianti et Paola Pagano dans Por vos mueros (chor. Nacho Duato)
La voix envoûtante de Miguel Bosé et
l’interprétation au-delà de tout éloge de
Jordi Savall et de son ensemble Hespèrion XX ne sont pas pour
rien dans la réussite de l’entreprise. Si on ajoute que,
une fois n’est pas coutume, l’œuvre s’adapte
très bien à l’architecture particulière de
la Halle aux grains, tout était réuni pour nous faire
vivre un moment magique comme le Ballet du Capitole nous en offre au
moins une fois par saison. Le public de la ville rose, qui a
noué depuis les soubresauts du XXème siècle, des
liens forts avec l’Espagne, a salué
l’événement par des tonnerres
d’applaudissements.
Vanessa Spiteri, Demian Vargas, Ina Lesnakowski et Vladimir Bannikov dans
Symphonie écossaise (chor. George Balanchine)
George Balanchine a conçu Scotch Symphony
au retour d’un séjour en Ecosse et d’une
participation au festival d’Edimbourg. C’est la grande
nature sauvage des Highlands, les traditions culturelles du pays des
lochs et sa littérature qui l’ont inspiré et il est
donc un peu rapide d’en faire une simple réminiscence de La Sylphide. Sur la Symphonie écossaise
de Mendelssohn, sommet de la symphonie romantique (et de la même
façon fruit d’un voyage en Ecosse), amputée de son
premier mouvement, il a retrouvé des atmosphères
évocatrices et contrastées. Dans la gigue initiale,
où brillent les tartans d’un rouge écarlate,
Isabelle Brusson fait assaut de pirouettes avec beaucoup de
facilité. En alternance on découvre Olivia Hartzell.
Cette danseuse américaine effectue sa première saison au
Ballet du Capitole et connaît déjà visiblement les
caractéristiques du style balanchinien.
Isabelle Brusson dans Symphonie écossaise (chor. George Balanchine)
Jérôme Buttazzoni et Takafumi Watanabe
l’accompagnent avec beaucoup d’engagement et de
précision. Dans le magnifique adage qui se déploie
ensuite, Evelyne Spagnol n’apparaît pas en sylphide
évanescente. Elle est la fille bien vivante au contraire que son
clan protège avec détermination mais que l’amoureux
étranger réussira à conquérir. Le moelleux,
la justesse et la solidité de sa technique lui permettent de se
fondre dans la plupart des rôles du répertoire. Valerio
Mangianti et Davit Galstyan interprètent très virilement
le chasseur égaré, avec beaucoup d’expression pour
le premier, un grand lyrisme pour le second. Le farouche allegro
guerriero puis la péroraison triomphale célèbrent
l’union enfin acceptée des deux jeunes gens, qui
s’éblouissent l’un l’autre de leur
virtuosité.
Maki Matsuoka et Davit Galstyan dans Raymonda Variations (chor. George Balanchine)
Les saisons du Ballet du Capitole sont toujours composées avec
un soin attentif des correspondances, par-delà les nombreuses
contraintes matérielles. Si Scotch Symphony anticipe sur La Sylphide, au programme du mois de juin prochain, Raymonda Variations fait pour sa part écho au 3ème acte de cette même Raymonda
donné la saison dernière. N’oublions pas non plus
que des oeuvres de Glazounov (par ailleurs professeur de composition de
Balanchine) ont servi pour la création de Alice au pays des merveilles, de Michel Rahn.
Juliana Bastos dans Raymonda Variations (chor. George Balanchine)
Souvenir à la fois lointain et très présent des
variations imaginées par Petipa pour son ballet, Balanchine a
multiplié les difficultés techniques et apporté
son style très personnel à ce pur divertissement. Le
travail sur pointes des danseuses est particulièrement
sollicité. Maki Matsuoka est éblouissante en danseuse
principale. Ses partenaires successifs Kazbek Akhmedyarov et Davit
Galstyan rivalisent de bravoure, avec pour le second un travail de bras
qui a gagné en ampleur.
En matière de pointes, Magali Guerry est insurpassable tant sa
solidité impressionne. Mais toutes les danseuses sont
remarquables par la façon dont elles surmontent sans effort
apparent leur partie. Citer Juliana Bastos, Marina Lafargue ou la pure
balanchinienne Lucille Robert est injuste pour les autres. Par dessus
tout on retrouve cet esprit pétillant, presque jazzy, que
Nanette Glushak s’attache à imprimer aux œuvres du
chorégraphe, et qui n’est pas toujours palpable ailleurs
qu’à Toulouse.
Jean-Marc Jacquin © 2011, Dansomanie
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Symphonie écossaise / Scotch Symphony
Chorégraphie : George Balanchine, remontée par Nanette Glushak
Musique : Felix Mendelssohn-Bartholdi
Costumes : Nanette Glushak , d'après Karinska
Pas de deux – Evelyne Spagnol, Davit Galstyan (15/04), Valerio Mangianti (16/04)
Scotch Girl – Isabelle Brusson (15/04), Olivia Hartzell (16/04)
8 Couples – Marina Lafargue / Jérôme Buttazzoni
Lucille Robert et Dmitri Leshchinskiy (15/04), Takafumi Watanabe (16/04)
Tatyana Ten et Fabien Cicoletta
Nuria Arteaga et Guillaume Ferran
Pascale Saurel et Julian Ims
Vanessa Spiteri et Demian Vargas
Estelle Fournier et Jérémy Leydier
Nathalie Sawinow et Vladimir Bannikov
Por vos Muero
Chorégraphie : Nacho Duato, réglée par Tony Fabre
Musique : Musique espagnole du XVème et du XVIème siècle
Costumes : Nacho Duato et Ismaël Aznar
Lumières Nicolas Fischtel
Avec :
Maria Gutierrez, Evelyne Spagnol, Vanessa Spiteri, Paola Pagano, Ina Lesnakowski
Isabelle Brusson, Demian Vargas, Kazbek Akhmedyarov, Dmitry Leshchinskiy
Valerio Mangianti, Julian Ims, Davit Galstyan (15/04)
Maki Matsuoka, Tatyana Ten, Nuria Arteaga, Lucille Robert , Juliana Bastos
Pascale Saurel, Fabien Cicoletta, Takafumi Watanabe, Dmitry Leshchinskiy
Guillaume Ferran, Vladimir Bannikov, Jérémy Leydier (16/04)
Raymonda Variations
Chorégraphie : George Balanchine, remontée par Nanette Glushak
Musique : Alexandre Glazounov
Costumes : Ben Benson
Pas de deux – Maki Matsuoka, Kazbek Akhmedyarov (15/04), Davit Galstyan (16/04)
Variations – Juliana Bastos (15/04 - 16/04)
Olivia Hartzell, Tatyana Ten, Vanessa Spiteri, Magali Guerry (15/04)
Marina Lafargue, Lucille Robert, Nuria Arteaga, Isabelle Brusson (16/04)
Ballet du Capitole
Musique enregistrée
Vendredi 15 et samedi 16 avril 2011, Halle aux Grains, Toulouse
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