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critiques et comptes rendus
Théâtre de la Ville (Paris)

05 avril 2011 : Prometheus Landscape II par la Compagnie Troubleyn (Jan Fabre)


Prometheus Landscape II
Prometheus Landscape II (chor. Jan Fabre)


Décidément, les spectacles de Jan Fabre ne sont pas des objets confortables. Le départ progressif d’une fraction du public au cours du spectacle a beau faire partie du folklore du théâtre de la Ville, il n’en est pas moins dans ce cas symptomatique de la difficulté de réception propre aux spectacles de l’inclassable artiste flamand – le théâtre de la Ville serait bien avisé de renoncer à placer ses spectacles dans sa programmation Danse, créant ainsi des fausses attentes dont l’artiste n’est pas responsable. Le «guerrier de la beauté», tel qu’il se définit lui-même, livre avec ce dernier spectacle autour de la figure de Prométhée un spectacle encore moins immédiatement assimilable que le précédent, L’Orgie de la tolérance (chroniqué dans nos colonnes), dont l’ironie à plusieurs niveaux, qui avait dérouté beaucoup de spectateurs, n’en était pas moins souvent délectable.

Ce n’est pas tant la figure du héros que le besoin que nous en avons que Fabre interroge à travers la figure de Prométhée, représenté ligoté à mi-hauteur et muet pendant presque tout le spectacle : une figure christique sans doute, mais un Christ raté, qui a cru apporter le bonheur – ou le confort? – à l’humanité en dérobant pour elle le feu : la véritable punition de Prométhée n’est pas tant l’œuvre des Dieux que celle des hommes, qui dégradent le don divin par leur incurable vulgarité, par leur stupidité pas du tout innocente.

Prometheus Landscape II
Prometheus Landscape II (chor. Jan Fabre)

Le spectacle commence par une longue scène où, tandis qu’une actrice détaille avec une gourmandise ironique toutes les figures du héros – héroïques et libératrices, monstrueuses et illusoires – et leur profonde ambiguïté, son contrepoint masculin maudit avec rage et méthode une litanie de figures de la psychanalyse, quelques grands noms et une masse d’épigones – un troisième personnage, muet et ligoté, sorte de Bouddha impassible, est placé entre eux : immuabilité des destins humains? Puis le rideau se lève sur la figure crucifiée de Prométhée, à qui Athéna, Io ou encore Pandore vont adresser des monologues successifs.

Les textes de Jeroen Olyslaegers sont séparés par des scènes muettes qui constituent la partie dansée du spectacle : on peut y voir, à grand renforts de fumigènes, une sorte d’apocalypse au rabais, où Fabre détaille à plaisir toutes les méthodes par lesquelles l’homme entreprend de réduire à néant les promesses ouvertes par le sacrifice de Prométhée. Si L’Orgie de la tolérance avait mis en pièce cette vertu moderne minée par ses contradictions et ses faux-semblants, cette nouvelle pièce est ainsi le requiem de l’espérance autant que celui du héros.
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Dominque Adrian © 2011, Dansomanie

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Prometheus Landscape II
Concept, scénographie, mise en scène : Jan Fabre
Musique : Dag Taedelman
Textes : Jan Fabre et Jeroen Olyslaegers
Costumes : Andrea Kränzlin
Lumières : Jan Dekeyser

Avec : Katarina  Bistrovic-Darvas, Annabelle Chambon, Cédric Charron
Vittoria  Deferrari, Lawrence Goldhuber, Ivana Jozic, Katarzyna Makuch 
Gilles Polet,  Kasper Vandenberghe, Kurt Vandendriessche

Compagnie Troubleyn

Mardi 05 avril 2011,  Théâtre de la Ville, Paris


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