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"Saisons russes du XXIème siècle" au Théâtre des Champs-Elysées (Paris)
31 mars 2011 : "Saisons russes du XXIème siècle" au Théâtre des Champs-Elysées
Petrouchka
Par-delà
les célébrations et les commémorations,
adorées de notre temps, les «Saisons russes du
XXIème siècle» continuent, année
après année, leur exploration – toujours largement
sponsorisée par des officines hautement culturelles - du vaste
répertoire de la troupe de Diaghilev. Et non, nous
n'échapperons pas cette fois encore au discours de remerciement
du toujours affable Andris Liepa à Gasprom, mollement applaudi
du reste, en préambule au spectacle... mais passons. Pour leur
troisième année de présence au
Théâtre des Champs-Elysées, c'est à un
programme entièrement dédié à Mikhaïl
Fokine que ces «Saisons», rendez-vous obligé de la
communauté russe de Paris, nous invitent. Si cette affiche
parisienne est inédite, les trois ballets
présentés ne sont pas, loin de là, des
découvertes pour le public balletomane. Petrouchka,
remonté récemment au Bolchoï et au Mariinsky dans
des versions historiques, fait aussi partie du répertoire de
fond de l'Opéra de Paris, Chopiniana reste un grand classique des compagnies russes, et même les Danses Polovtsiennes,
plus rares, sont données à l'occasion – on se
souvient notamment du Ballet de Novossibirsk qui l'avait dansé
au Châtelet lors du gala d'ouverture des Etés de la danse,
pas plus tard que l'année dernière.
Petrouchka
Petrouchka est
sans nul doute un ballet cher à Andris Liepa qui en avait
interprété jadis le rôle-titre lors de ses premiers
essais de reconstitution du répertoire des Ballets russes (un
très beau film, réalisé en studio, en
témoigne d'ailleurs). La production est visuellement
fidèle aux décors et costumes d'Alexandre Benois,
à gros traits tout de même, car elle est loin de
posséder le cachet et les nuances pittoresques de celle de
l'Opéra de Paris. La chorégraphie diffère
également quelque peu de cette dernière, dans les
ensembles comme dans les tableaux intimistes. De manière
générale, elle semble mettre davantage l'accent sur le
caractère carnavalesque de l'intrigue, qui se déroule,
comme on sait, durant la foire du Mardi-Gras à
Saint-Pétersbourg. Maria Alexandrova était initialement
prévue dans le rôle-titre, petite révolution
esthétique dans un ballet traditionnellement incarné par
un homme. Le piment attendu n'était malheureusement pas
là, remplacé par Vladimir Derevianko, interprète
juste et expressif, mais peut-être plus conventionnel. Alexandra
Timoféïeva se distingue dans le rôle de la Ballerine
- véritable poupée animée -, par sa gestuelle
très mécanique, travaillée jusque dans les
expressions du visage. Le Maure de Kirill Ermolenko n'est pas mal non
plus, grotesque comme il se doit. Point fort de l'oeuvre de Fokine, les
ensembles, bien réglés, manquent un chouïa
d'énergie et de souffle. Si rien ne justifie l'accueil à
peine poli du public du TCE, on peine à se départir de
l'impression générale d'une oeuvre –
peut-être en soi la plus belle des Ballets russes - mise en
conserve plutôt que vivante, par les émotions qu'elle peut
encore transmettre.
Petrouchka
Chopiniana,
hommage de Fokine au romantisme blanc de La Sylphide, est la vraie
bonne surprise de la soirée – bien autre chose qu'un objet
de musée exposé dans une vitrine, qu'on viendrait
contempler avec une curiosité mêlée d'ennui.
L'enregistrement musical est certes indigne – et non, ce n'est
pas un détail! -, mais la reconstitution de la
scénographie séduit en revanche par sa
sobriété bleutée et le mystère qu'elle
parvient à préserver. Le corps de ballet de la troupe du
Kremlin n'est peut-être pas le meilleur du monde, mais dans ce
ballet-ci, il sait se montrer digne d'admiration. Les lignes sont
précises, les corps poétiques, le style harmonieux et
élégiaque. Les solistes du Bolchoï, invités
pour l'occasion, aident évidemment à magnifier
l'ensemble, en compagnie d'Alexandra Timoféïeva,
étoile de la compagnie du Kremlin. Nikolaï Tsiskaridze
s'impose naturellement dans le rôle du Poète, quelque peu
ingrat s'il n'est pas soutenu par une personnalité de poids.
Difficile en effet de concilier foi et lyrisme sans sombrer dans la
mièvrerie! Mariana Ryzhkina, sans posséder le lyrisme
éthéré de Svetlana Lunkina, initialement
prévue dans cette partie, offre une superbe démonstration
de style dans le Prélude et la Valse. Quant à Anzhelina
Vorontsova, toute jeune recrue du Bolchoï, si elle n'a pas
l'expérience de son aînée (elle semble avoir eu
quelques soucis avec l'étroitesse de la scène), elle
possède déjà une magnifique présence et
d'indéniables qualités techniques, notamment dans les
sauts.
Les Danses polovtsiennes
Les Danses polovtsiennes, extraites de l'opéra de Borodine, Le Prince Igor,
succèdent drôlement à ce ballet
atmosphérique, mais forment en même temps une conclusion
toute trouvée pour la soirée. Les costumes, variés
et colorés, sont un plaisir pour l'oeil et savent éviter
le clinquant nouveau riche auquel les reconstitutions d'Andris Liepa ne
sont pas toujours étrangères. Le ballet, en revanche,
laisse un sentiment mitigé, eu égard aux attentes qu'il
suscite en matière de virtuosité bondissante et
d'enthousiasme ravageur. Difficile cependant de jeter la pierre
à Serguéï Kononenko, simple danseur du corps de
ballet du Mariinsky, appelé à la rescousse pour remplacer
au pied levé Mikhaïl Lobukhin, blessé, dans le
rôle principal. Il est certain qu'il n'a pas l'énergie ni
l'ampleur de saut des danseurs de bravoure pour lesquels l'oeuvre est
taillée sur mesure. De même, on reste plutôt
indifférent aux – trop sages - évolutions du corps
de ballet, qui n'effacent pas le souvenir des danseurs de Novossibirsk,
nettement plus fougueux dans cette même oeuvre, sans même
parler de ceux du Mariinsky. Mais rien que pour les yeux – et les
bras – miraculeux d'Ilze Liepa, l'oeuvre mérite à
coup sûr d'être vue. Elle possède au plus haut
degré le sens dramatique, la maîtrise stylistique et la
plastique infernale qui, seuls, parviennent à sublimer ces
danses orientalisantes, accumulation de clichés dont n'ont pas
craint d'abuser les Ballets russes dans leur fascination très
romantique pour l'exotisme.
B. Jarrasse © 2011, Dansomanie
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Pétrouchka
Musique
: Igor Stravinsky
Chorégraphie : Michel Fokine, remontée par Andris Liepa
Décors et costumes : Alexandre Benois, reconstitués par Anna Nejny
Petrouchka – Vladimir Derevianko
La Ballerine – Alexandra Timofeïeva
Le Maure – Kirill Ermolenko
Le Mage – Youri Biélooussov
Le Diable – Maxime Afanasssiev
La Première danseuse – Alia Khassenova
La Deuxième danseuse – Valeria Pobedinskaïa
La Nourrice – Ekaterina Khristoforova
Le Cocher – Igor Pivorovitch
Les Garçons – Evguéni Korolev, Roman Volodchenkov
Maxime Afanasssiev, Maxime Sabitov
Chopiniana
Musique
: Frédéric Chopin, orchestration Alexandre Glazunov, Anatoli Liadov, Sergueï Taneïev
Chorégraphie : Michel Fokine, remontée par Andris Liepa
Décors et costumes : Alexandre Benois, reconstitués par Anna Nejny
Le Jeune homme – Nikolaï Tsiskaridzé
Soliste Prélude / Septième valse – Mariana Rijkina,
Solistes Mazurka – Alexandra Timofeïeva, Angelina Vorontseva
Soliste Onzième valse – Natalia Balakhitcheva
Les Danses polovtsiennes
Musique
: Alexandre Borodine
Chorégraphie : Michel Fokine, renconstituée par Andris Liepa
Décors et costumes : Nicolas Roerich, reconstitués par Anna Nejny
Un Polovtsien – Sergueï Kononenko
Une Polovtsienne – Ilze Liepa
Ballet du Kremlin
Musique enregistrée
Jeudi 31 mars 2011, Théâtre des Champs-Elysées, Paris
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