menu - sommaire



critiques et comptes rendus
Ballet du Capitole de Toulouse

17 février 2011 : Les Trois mousquetaires (André Prokovsky)


les trois mousquetaires
Kazbek Akhmedyarov (D’Artagnan), Takafumi Watanabe (Portos) et Davit Galstyan (Athos)


Qui est André Prokovsky? C’est la question qui venait aux lèvres à l’annonce de la programmation de la saison de ballet 2010/2011. L’interrogation témoigne d’une ignorance parfaitement injuste. André Prokovsky, né à Paris en 1939 de parents russes émigrés, côtoya à ses débuts Janine Charrat, Jean Babilée (qui a peut-être influencé son style athlétique et plein de bravoure), ou Roland Petit, devint danseur vedette du London Festival Ballet, puis chez le Marquis de Cuevas. Après un séjour de 1963 à 1966 au New York City Ballet, où il participa à la création de plusieurs pièces de Balanchine, il retrouva le London Festival Ballet avant en 1972 de fonder avec son épouse Galina Samsova sa propre compagnie, le New London Ballet, destinée à faire de nombreuses tournées à travers le monde. C’est avec cette compagnie qu’il commença sa carrière de chorégraphe et ses créations font autorité dans le monde anglo-saxon notamment, où elles sont souvent reprises. Sa disparition en 2009, dans sa résidence de Beausoleil, ne suscita guère que quelques entrefilets dans la presse française.

les trois mousquetaires
Paola Pagano (Anne d’Autriche) et Valerio Mangianti (Le Duc de Buckingham) 

Beaucoup de ses ballets sont inspirés de grands classiques de la littérature romanesque des 19ème et 20ème siècles : Anna Karénine, Docteur Jivago, Gatsby le Magnifique parmi d’autres ont rencontré un immense succès. Son adaptation des Trois Mousquetaires, créée par l’Australian Ballet en 1980, est représentative de sa conception du ballet narratif, assez éloignée de celles de Cranko, Neumeier, davantage encore de Petit. Rien de spéculatif ici, on est proche d’un théâtre dansé où tout est soumis à l’action, et au plaisir de faire vivre devant nous des personnages. C’était l’esprit dans lequel Alexandre Dumas concevait ses romans. Mais par l’enchaînement rapide des séquences le cinéma n’est également pas si loin et les effets de transparence de l’ingénieux décor d’Alexandre Vassiliev aident aussi dans ce sens. D’ailleurs Prokovsky s’est, de son propre aveu, inspiré de la version hollywoodienne de George Sidney pour les scènes de combat à l’épée, où Gene Kelly campait un séduisant d’Artagnan. Comment ne pas se souvenir aussi du célèbre Scaramouche du même George Sidney, où le duel final est réalisé comme une véritable chorégraphie.

Même simplifié, on retrouve les éléments et les personnages principaux du roman, de la montée à Paris de l’intrépide Gascon, accompagné d’une monture ridicule, à la course-poursuite autour des ferrets de diamants, de la place des Vosges aux appartements du Louvre, sans oublier bien sûr les scènes de batailles, traitées avec beaucoup d’humour et d’ironie, on est en terrain archi-connu.

Les musiques de différents ballets d’opéras de Verdi, pas toujours du meilleur cru, sont intelligemment unifiées, et sans aucune dénaturation intempestive «à la Chédrine» par Guy Woolfenden. Il a astucieusement dégagé des thèmes conducteurs, représentant la témérité des Mousquetaires, ou les complots du camp du Cardinal.

les trois mousquetaires
Maria Gutierrez (Constance Bonacieux) et Kazbek Akhmedyarov (D’Artagnan)

Il est évident que la troupe du Capitole, mobilisée au grand complet, a pris un réel plaisir à déployer ses talents dans cette œuvre où expression et technique pure sont étroitement mêlées.
Au premier rang, Kazbek Akhmedyarov est un impeccable d’Artagnan. Fougueux et précis, bretteur sans pareil, attentionné auprès de sa Constance, il fait complètement  oublier le Kazbek qui semblait parfois s’ennuyer sur la scène.

A ses côtés, Davit Galstyan, Dmitri Leschinskiy et Takafumi Watanabe font assaut de virtuosité. On est surpris de trouver ce dernier dans le rôle du sensuel Porthos. Il n’empêche que ses progrès constants, sa technique aérienne à couper le souffle captent l’attention. Sans nul doute de grands rôles lui seront bientôt promis.

Les trois rôles féminins principaux représentent trois emplois traditionnels du théâtre. L’ingénue Constance est dansée comme toujours magnifiquement par Maria Gutierrez. Le chorégraphe a transformé la simple lingère en première suivante de la Reine, ce qui l’autorise à paraître à la cour du Roi. Paola Pagano incarne une Anne d’Autriche noble et lyrique à souhait qui trouve son meilleur terrain d’expression dans son pas de deux avec Buckingham, très crédible pour sa part en amoureux romantique.

les trois mousquetaires
Juliana Bastos (Milady) 

Juliana Bastos en femme fatale est une Milady charmante et ondoyante, à la technique solide. Sa grande scène chez Buckingham est un grand moment du ballet. Ce personnage, créé de toutes pièces par Dumas, est amputé ici d’une bonne part de sa perfidie et de ses aspects mélodramatiques. Comment, après avoir elle-même poignardé le Duc, peut-elle se faire jouer de manière aussi candide par d’Artagnan? 

Citons encore le farouche Rochefort de Jérôme Butazzoni et le Richelieu à l’allure un peu trop bienveillante de Fabien Ciccoletta. Enfin, Gilles Maidon, qui a excellemment réalisé la chorégraphie, est un Louis XIII plus proche d’un Bourgeois Gentilhomme aux mimiques à la Charlot, que d’un Roi de France.

On ne peut que remercier Nanette Glushak de nous avoir fait découvrir ce chorégraphe. Ce type de ballet narratif, admirablement adapté à une compagnie comme celle de Toulouse, est assez rare sur les scènes françaises. On ne peut que souhaiter que le Ballet du Capitole le conserve à son répertoire.






Jean-Marc Jacquin © 2010, Dansomanie

Le contenu des articles publiés sur www.dansomanie.net et www.forum-dansomanie.net est la propriété exclusive de Dansomanie et de ses rédacteurs respectifs.Toute reproduction intégrale ou partielle non autrorisée par Dansomanie ou ne relevant pas des exceptions prévues par la loi (droit de citation notamment dans le cadre de revues de presse, copie à usage privé), par quelque procédé que ce soit, constituerait une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. 



les trois mousquetaires
Dmitri Leschinskiy (Aramis), Takafumi Watanabe (Portos), Davit Galstyan (Athos),
Kazbek Akhmedyarov (d’Artagnan)



Les Trois mousquetaires
Chorégraphie : André Prokovsky, remontée par Gilles Maidon
Musique : Giuseppe Verdi, arrangée par Guy Woolfenden
Décors et costumes : Alexandre Vassiliev
Lumières : Patrick Méeüs

Louis XIII
Gilles Maidon
Anne d'Autriche
Paola Pagano
Le Duc de Buckingham
Valerio Mangianti
Le Cardinal de Richelieu
Fabien Cicoletta
Milady
 Juliana Bastos
Constance Bonacieux Maria Gutierrez
D'Artagnan
– Kazbek Akhmedyarov
Athos Davit Galstyan
Portos Takafumi Watanabe
Aramis
Dmitri Leschinskiy
Rochefort
Jérôme Buttazzoni

Ballet du Capitole
Orchestre National du Capitole, dir. Nir Kabaretti

Jeudi 17 février 2011, 20h00,  Théâtre du Capitole, Toulouse


http://www.forum-dansomanie.net
haut de page