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Ballet du Capitole de Toulouse
23 - 26 décembre 2010 : Alice au Pays des merveilles (M. Rahn)
Maria Gutierrez (Alice)
Le
4 juillet 1862 eut lieu sur l’Isis près d’Oxford une
promenade en barque destinée à entrer dans
l’histoire de la littérature. Dans la barque se trouvaient
un professeur de mathématiques ainsi que les trois filles du
doyen de l’université de Christ Church. Ce que le
professeur Charles Dodgson (qui prendra le pseudonyme de Lewis Carroll)
raconta alors aux petites filles pour les distraire était la
première ébauche des aventures d’Alice au pays des merveilles.
Cet ouvrage, dans lequel tous les enfants britanniques se plongent
dès qu’ils apprennent à lire, reste relativement
méconnu en France. Le corpus d’imagerie bizarre et
fantasmatique qu’il véhicule nous est plus ou moins
familier, par le biais de diverses adaptations, mais les aspects
transgressifs des codes du langage et de la logique, qui mettent sans
cesse à l’épreuve la bonne éducation
victorienne et le sens des convenances d’Alice est moins
aisément accessible à nos esprits cartésiens.
Paola Pagano (La Reine de Cœur)
Aussi Michel Rahn s’était imposé un
véritable défi en choisissant ce thème pour
créer un grand spectacle de fête pour petits et
grands. Il a eu la judicieuse idée de s’attacher la
collaboration pour les décors et costumes de l’Ecossais
Charles Cusick Smith et de l’Anglais Phil Daniels.
Habitués à travailler ensemble, ces deux sujets de Sa
Majesté ont réalisé la production de nombreux
opéras et ballets à travers le monde. Leur connaissance
de l’univers carrollien s’est avérée
précieuse de bout en bout.
Il était de toute façon impossible de représenter
la multitude de personnages qui peuplent le monde d’Alice sous
terre. Mais les chapitres les plus célèbres (la chenille
fumant le houka, le thé chez les fous, les cartes à
jouer) sont retenus. L’œuvre débute par une
délicieuse partie de campagne. Alice et ses parents retrouvent
leur famille et de nombreux amis. Une arrivée en barque, un
pasteur, on est en terrain connu (Lewis Carroll était
lui-même pasteur). Le charme de cette radieuse journée
d’été est envoûtant et s’exprime dans
des danses langoureuses et inventives. Au moment du départ, un
lapin blanc apparaît, et Alice s’échappe. Dans ses
aventures qui vont suivre elle retrouvera des visages familiers, sous
une apparence inattendue. Les différents épisodes
s’enchaînent grâce à des changements de
décors à vue sur le grand plateau de la Halle aux grains.
La machinerie mise en œuvre, faisant coulisser des panneaux,
s’avère simple mais efficace.
Fabien Cicoletta (Tweedledum), Evelyne Spagnol (Alice) et Henrik Victorin (Tweedledee)
Le deuxième acte se déroule presque entièrement
à la cour de la terrible Reine de Cœur. Des pièces
de jeu d’échec formant décor anticipent
discrètement vers la suite des aventures d’Alice, De l’autre côté du miroir
(qui adopte dans sa composition la logique d’une partie
d’échec). Ce deuxième acte mériterait
cependant d’être resserré dramatiquement. Les
entrées et sorties laissent plusieurs temps morts et on en perd
le fil. Après le procès et la révolte
d’Alice, tout ce petit monde s’échappe de
l’autre côté du miroir, laissant Alice au
début d’une nouvelle aventure, que chacun imaginera.
Le rôle d’Alice a été tout naturellement
pensé pour Maria Gutierrez. Presque constamment sur
scène, elle déploie une danse légère et la
technique brillante qu’on lui connaît. Evelyne Spagnol, qui
lui succède pour les matinées semble capable de se fondre
dans tous les rôles tellement sa technique est sûre et son
expression facile.
Maria Gutierrez (Alice)
Le Roi et la Reine de Cœur, transposition des parents
d’Alice, sont incarnés par Davit Galstyan et Paola Pagano.
Couple volontairement mal assorti, ils n’ont de cesse de trouver
d’autres partenaires pour danser. Davit Galstyan, engoncé
dans ses habits de roi, démontre de réels progrès
dans son jeu scénique et comme toujours beaucoup de brio dans sa
variation. Paola Pagano, au sommet de son art, semble beaucoup
s’amuser dans ce qui sera peut-être une de ses
dernières compositions.
Paola Pagano (La Reine de Cœur) et Davit Galstyan (Le Roi de Cœur)
Kazbek Akhmedyarov est un romantique Valet de Cœur. Evoquant un
prince réduit au silence par l’autorité de la
Reine, il est également le fiancé de la sœur
d’Alice pendant la partie de campagne. Son adage amoureux avec
Alice à l’acte deux ne laisse pas
d’ambiguïté sur les problèmes que pourrait
rencontrer l’héroïne une fois revenue dans la
réalité. Hugo Mbeng est un malicieux chat du Cheshire. Ce
danseur bondissant nous gratifie de plusieurs de ses révoltades
dont il a le secret. A noter également l’apparition
épisodique de plusieurs enfants venus de différentes
écoles de danse réputées de
l’agglomération toulousaine.
Maria Gutierrez (Alice) et Dmitri Leshchinskiy (Le Lièvre)
Tous les danseurs du ballet du Capitole, jusqu’aux roses et aux
cartes à jouer, se sont investis avec conviction dans cette
œuvre qui fait appel autant à leur sens du
théâtre qu’à leur technique de danse. Ils se
sont de plus soumis à une programmation exigeante et presque
inhumaine qui leur imposait six représentations en quatre jours.
L’excellent David Coleman est pour beaucoup dans la
réussite de l’entreprise. Il a dirigé avec
enthousiasme et précision l’orchestre du Capitole dans des
partitions peu connues de Glazounov. A retenir la très belle
ouverture «Carnaval» aux climats contrastés qui
accompagne la première partie. Les sonorités
fruitées et le sens du legato de l’orchestre y furent
idéales.
Jean-Marc Jacquin © 2010, Dansomanie
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Kazbek Akhmedyarov (Le Valet) et Evelyne Spagnol (Alice)
Alice au Pays des merveilles
Chorégraphie : Michel Rahn
Musique : Alexandre Glazounov
Décors et costumes : Charles Cusick-Smith, Phil Daniels
Lumières : Pascal Mérat
Alice – Maria Gutierrez (23/12/2010), Evelyne Spagnol (26/12/2010)
Le Lapin blanc – Guillaume Ferran
Le Chat du Cheshire – Hugo Mbeng
Le Chapelier fou – Valerio Mangianti
Le Lièvre de mars – Dmitri Leshchinskiy
Le Loir – Nuria Arteaga
Le Roi de Cœur – Davit Galstyan
La Reine de Cœur – Paola Pagano
Le Valet de Cœur – Kazbek Akhmedyarov
Tweedledum et Tweedledee – Fabien Cicoletta, Henrik Victorin
Deux Roses – Juliana Bastos, Magali Guerry
Ballet du Capitole
Orchestre National du Capitole, dir. David Coleman
Jeudi 23 décembre 2010, , 20h00 / Dimanche 26 décembre 2010, 15h00, Halle aux grains, Toulouse
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