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Ballet National de Bordeaux
19 décembre 2010 : Roméo
et Juliette (Charles Jude) par le Ballet National de Bordeaux
Vladimir Korec (Benvolio) - Roman Mikhalev (Roméo) -Vladimir Ippolitov (Mercutio)
La
superbe architecture classique à la française du Grand
Théâtre de Bordeaux est un écrin merveilleux pour
un grand ballet narratif. Des colonnes corinthiennes de la
façade à son grand escalier annonçant Charles
Garnier, et de par son allure grand siècle, il condense en
lui-même une grande part de l’histoire de
l’architecture. Le spectateur en est tout disposé à
se laisser conter le bruit et la fureur des passions humaines.
Il s’agissait en ce mois de décembre de la reprise de la version de Roméo et Juliette
de Charles Jude, créée au printemps 2009. Si Charles Jude
l’a placée de son propre aveu dans la filiation de celle
de Nouréev, elle s’en démarque toutefois en
plusieurs points. Le déroulement du drame suit le
découpage traditionnel, issu de la pièce de Shakespeare.
On retrouve également le code couleur des costumes : verts pour
la maison Montaigu, rouges chez les Capulet. Pas de transposition
d’époque. On est dans l’Italie de la Renaissance,
telle que Shakespeare l’imaginait.
L’atmosphère d’ensemble est assez loin de la
noirceur parfois morbide que l’on a vu à
l’Opéra de Paris. Bien au contraire, la clarté
domine, soutenue par des décors sans surcharge et des
lumières efficaces. Les scènes de foule, pleines de vie,
sont particulièrement soignées et ingénieusement
mises en scène. On ne prend pas d’emblée au
sérieux ces disputes sur la place publique.
L’enchaînement de la tragédie n’en est que
plus violent. Il s’achève en épilogue par un vol de
colombes projeté en arrière-plan du meilleur effet
visuel.
Pour une œuvre de cette importance, le Ballet National de
Bordeaux est renforcé par une vingtaine de danseurs
supplémentaires. Viacheslav Sunegin est un de ceux-là.
Venu du Ballet-Théâtre de Saint-Pétersbourg, il
incarne le Comte Pâris avec tout le classicisme sans faille que
l’on peut espérer.
Vanessa Feuillatte (Juliette)
La prestation de Vanessa Feuillate en Juliette était
particulièrement attendue. Déjà prévue dans
la distribution en 2009, elle avait dû y renoncer pour la
meilleure des raisons. Sa Juliette démontre dès sa
première apparition son caractère indépendant et
volontaire. Ayant quitté semble-t-il sans regret le monde de
l’enfance, elle veut mener sa vie comme elle l’entend. Se
laissant courtiser sans déplaisir apparent par Pâris, elle
tombe amoureuse au premier regard vers Roméo et n’a de
cesse dès ce moment de prendre toutes les décisions qui
vont mener à la catastrophe finale. La caractérisation de
ce personnage a de toute évidence été
travaillée avec beaucoup de soin.
Par contraste, le Roméo de Roman Mikhalev semble
éclipsé par l’énergie débordante de
sa partenaire. D’abord amoureux rêveur de Rosaline, il se
laisse entraîner au bal par ses amis. Sa danse large et puissante
donne sa pleine mesure dans la scène du balcon et dans la
scène finale qui voit les deux amoureux réunis dans la
mort. Ici aussi c’est Juliette qui mène le jeu et son
déchirant cri silencieux est particulièrement bien venu.
Roman Mikhalev (Roméo)
Vladimir Ippolitov, au physique de Roméo, est un Mercutio
à la fois batailleur et jovial. Il exécute les pas
virevoltants qui lui sont dévolus avec une
légèreté digne de tout éloge. Face à
lui, le contraste est saisissant avec le sombre Tybalt de Alvaro
Rodriguez Piñera. Ayant relativement peu à danser, le
personnage nécessite une expressivité intense sans
outrance.Dans cette production, la nourrice de Juliette n’est pas
qu’un caractère mais danse véritablement.
Excellente danseuse, Laure Lavisse est truculente à souhait dans
son déguisement.
Parmi les autres rôles, il faut citer le couple Capulet de
Ludovic Dussarps et Viviana Franciosi. Lui possède toute
l’autorité et la présence nécessaires,
cependant mises à mal par le feu-follet de Vanessa Feuillate.
Viviana Franciosi en Lady Capulet a une gestuelle noble dans la
pantomime, qui convient aussi bien à la scène du bal
qu’à la manifestation de sa douleur à la mort de
Tybalt. On peut regretter en revanche un Frère Laurent
inutilement caricaturé. Egalement parmi les regrets, les
acrobates du deuxième acte font des numéros
spectaculaires en arrière-plan, mais distraient
l’attention de l’action principale. N’est-ce pas un
exemple de fausse bonne idée?
Vanessa Feuillatte (Juliette) - Roman Mikhalev (Roméo)
L’Orchestre National Bordeaux Aquitaine est dirigé par le
très jeune néerlandais Pieter-Jelle de Boer,
récemment nommé Chef assistant auprès du Directeur
musical Kwamé Ryan. Le manque de finesse que l’on
perçoit parfois, ainsi que le déséquilibre entre
les cuivres et les cordes, sont probablement dus à
l’exiguïté de la fosse.
Le Ballet de l’Opéra National de Bordeaux possède
à son répertoire la plupart des grands classiques, dans
des productions de haute qualité. Il a de plus en plus souvent
l’occasion de se les montrer en tournée, en France ou
à l’étranger. Combien de troupes de danse peuvent
en dire autant.
Jean-Marc Jacquin © 2010, Dansomanie
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Vanessa Feuillatte (Juliette) - Roman Mikhalev (Roméo)
Roméo
et Juliette
Musique : Serge Prokofiev
Chorégraphie : Charles Jude
Décors : Philippe Miesch
Costumes : Pierre-Jean Larroque
Lumières : François Saint-Cyr
Roméo
– Roman Mikhalev
Juliette – Vanessa Feuillate
Mercutio – Vladimir Ippolitov
Tybalt – Alvaro
Rodriguez Piñera
Benvolio
– Vladimir Korec
Rosalinde – Juliane Bubl
Pâris – Viacheslav Sunegin
La Nourrice – Laure
Lavisse
Le Père de Juliette –
Ludovic Dussarps
Lady Capulet – Viviana Franciosi
Le Prince de Vérone / Frère Laurent –
Vincent Dupeyron
Les Amies de Rosaline – Marina Guizien , Diane Le Floc'h
Ballet National de Bordeaux
Orchestre National de Bordeaux-Aquitaine, dir. Pieter-Jelle de Boer
Dimanche 19 décembre 2010, Grand
Théâtre de Bordeaux
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