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critiques et comptes rendus
Staatsballett Berlin

11 décembre 2010 : reprise de Caravaggio (Mauro Bigonzetti) au Schiller-Theater


caravaggio
Beatrice Knop et Leonard Jakovina dans Caravaggio (chor. Mauro Bigonzetti)


Caravaggio, créé pour la troupe berlinoise en 2008, est un ballet qui ne manque pas son but : fait à la fois pour caresser agréablement l’œil des spectateurs et mettre en valeur Vladimir Malakhov, il offre au directeur et étoile du Ballet de Berlin, dès le lever du rideau, un solo tout à la fois expressif et virtuose et n’offre à voir, dans une constante lumière mordorée, que de jolies choses. Même si les rôles, bien que clairement définis, ne sont pas nommés, Vladimir Malakhov est l’Artiste, dont le destin brillant et tragique constitue la trame de ce ballet où la narration n’est jamais qu’allusive. Le propos de Mauro Bigonzetti se réduit à vrai dire à postuler l’étroite interaction entre la vie privée de l’artiste et son œuvre, comme l’incarne avec une naïveté sans limite le cadre monumental qui descend des cintres à la fin du premier acte : la vie de l’artiste est son œuvre, et ce n’est donc pas un hasard si le chorégraphe n’a pas jugé nécessaire de le montrer en train de peindre, ni de montrer le résultat de cet art.

Il n’y a qu’une seule audace dans ce ballet : l’ampleur du hiatus entre l’artiste évoqué, décrit par le chorégraphe lui-même comme libre, follement inventif et scandaleux, et le caractère infiniment conventionnel des moyens mis en œuvre. Choisir Monteverdi, le grand contemporain du Caravage, pour la musique de ce ballet, est une telle évidence qu’on peut à peine parler de choix, comme si la simple contemporanéité suffisait à certifier la fraternité spirituelle. Le choix effectué de confier une adaptation symphonique à Bruno Moretti a en revanche des conséquences désastreuses : le compositeur italien a transformé un des plus grands novateurs de l’histoire de la musique en une soupe sentimentale digne des pires productions hollywoodiennes, ce qui souligne bien malencontreusement les faiblesses de la chorégraphie.

Sans doute l’avant-garde n’a-t-elle pas seule droit de cité sur les scènes, mais on peine ainsi à voir se multiplier ainsi au cours du premier acte des scènes de la vie populaire italienne qui semblent vouloir servir d’alternatives au premier acte du Roméo et Juliette de John Cranko, sans la fluidité de sa danse ni son sens dramatique, à voir vendre ainsi comme parangons de modernité quelques portés acrobatiques qui sont le bien commun du ballet européen des années 1960, à chercher sans succès une cohérence entre les différentes scènes qui s’enchaînent sans cohérence. Créer sur pointes, qui plus est avec des ambitions contemporaines, est un défi qui n’est pas sans intérêt, encore faut-il partir d’autre chose que d’une banale idée de départ et d’un vocabulaire chorégraphique aussi limité et attendu.

Pour cette reprise de l’automne 2010, le Ballet de Berlin n’avait pas lésiné sur les distributions, qui ressemblent de très près à celle, fixée sur DVD, de la création. Vladimir Malakhov semble capable de tout faire, et la chorégraphie ne se prive pas de le lui demander ; son rôle est sans doute le plus contemporain de la pièce, mais le défi qu’il représente pour le corps du danseur, au lieu d’être mis au service d’une émotion, semble se suffire à lui-même, sans progression et sans rythme. Sa partenaire principale est Polina Semionova, dont le rôle transparent ne lui permet que de faire admirer sa ligne admirablement étirée, alors que Beatrice Knop, plus impliquée dans les scènes de la vie populaire du premier acte, a beau jeu de mettre en valeur sa légèreté et son brio. Le meilleur moment du ballet est sans doute le long duo des deux musiciens, confié à Nadja Saidakova et Michael Banzhaf : le prétexte dramaturgique est bien mince et la chorégraphie peu originale, mais le pas de deux est agréable et brillant, et ses deux interprètes en font un véritable morceau de gala. Chaque amateur de ballet, après tout, est bien libre de décider si la danse, pour lui, ne doit être qu’un aimable divertissement ou un art à part entière.




Dominique Adrian © 2010, Dansomanie

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sylvian pas de deux
Vladimir Malakhov et Polina Semionova dans Caravaggio (chor. Mauro Bigonzetti)



Caravaggio
Musique : Claudio Monteverdi, arrangement Bruno Moretti

Chorégraphie : Mauro Bigonzetti
Décor et lumières : Carlo Cerri
Costumes : Kristopher Millar, Lois Swandale
Avec :  Vladimir Malakhov, Polina Semionova, Beatrice Knop, Marian Walter, Dinu Tamazlacaru
Elisa Carrillo-Cabrera, Nadja Saidakova, Michael Banzhaf, Leonard Jakovina

Staatsballett Berlin
Staatskapelle Berlin, dir. Paul Connelly

Samedi 11 décembre 2010, Schiller-Theater, Berlin


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