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critiques et comptes rendus
Bayerisches Staatsballett (Munich)

05 décembre 2010 : Soirée de gala du Bayerisches Staatsballett au Cuvilliés-Theater


vielfaeltigkeit
Vielfältigkeit. Formen von Stille und Leere (chor. Nacho Duato)


Les galas organisés régulièrement par le Ballet de Bavière, c’est le moins qu’on puisse dire, ne ressemblent guère à la routine des grands galas internationaux : là où les Étoiles du XXIe siècle enchaînent toujours les mêmes pas de deux avec les mêmes artistes, les galas munichois sont l’occasion de véritables voyages de découverte dans des territoires oubliés du répertoire. Cette fois, pour ce gala caritatif donné dans le cadre intime et prestigieux du très rococo Théâtre Cuvilliés, les danseurs sont exclusivement ceux de la maison, contrairement aux galas Terpsichore qui ont lieu chaque saison : c’est après tout peut-être le meilleur moyen pour la direction et pour le public de mettre en évidence leur attachement pour leur propre compagnie, sans avoir à lorgner vers telle ou telle star.

C’est la règle du jeu, tout, dans ce panorama, n’est pas également intéressant. Le chœur d’ouverture de Multiplicité de Nacho Duato n’a ainsi pas d’autre intérêt que d’ouvrir le spectacle par une scène d’ensemble, et la Chaconne vieillie de José Limón ne permet pas à Javier Amo Gonzalez, pourtant sans hésitation l’un des espoirs masculins les plus affirmés de la compagnie, de briller comme il l’aurait dû. On passera aussi sur le Pas de quatre de Léonide Jacobson, réduit à trois variations par la blessure de l’une des danseuses : cette ambitieuse résurrection de quatre grandes ballerines du passé aurait nécessité beaucoup plus d’efforts stylistiques, et seule Gözde Özgür parvient à faire passer un peu de ce souffle mythique. Stephanie Hancox, elle, a moins de mal à se glisser dans la peau d’une autre grande figure de l’histoire de la danse : la pièce consacrée par Frederick Ashton à Isidora Duncan vaut pour le regard à la fois surpris, amusé et fasciné, que porte Ashton sur l’une des fondatrices de la danse contemporaine, dont les essais nous paraissent aujourd’hui pleins de l’enthousiasme et de la naïveté de l’exploratrice, entre hellénisme à la mode du temps et essais plus dramatiques.

ps isabel severs
P.S. Isabel Sévers. Mein Herz brach nur einmal (chor. Simone Sandroni)

La pièce la plus contemporaine de la soirée est sans doute l’hommage adressé par Simone Sandroni à la danseuse belge Isabelle Sévers : la pièce est un décalque de la Véronique Doisneau de Jérôme Bel à l’Opéra de Paris, avec un peu plus de danse et surtout un peu plus de personnalité, et donc beaucoup moins d’ennui que chez Jérôme Bel, d’où l’ovation accordée à la danseuse, qui a juste assez d’accent français pour charmer les spectateurs bavarois. Une part importante de la soirée est consacrée au chorégraphe Hans van Manen, qui a pendant longtemps été au cœur du répertoire de la troupe, mais semble moins présent depuis quelques années : le succès de The Old Man and Me n’a rien pour surprendre, surtout quand la pièce est l’occasion de réunir sur scène la prima ballerina assoluta de la troupe et son directeur Ivan Liška, qui ne se fait jamais prier pour venir déployer sa présence scénique inentamée. La rencontre impossible entre la jeune fille et le vieux monsieur fait penser à Solo for two de Mats Ek, même si cette fois les corps se touchent, même si on croit à certains moments que quelque chose sera possible : la force émotionnelle de la chorégraphie est moins grande ici que chez Matz Ek, mais les deux interprètes ont suffisamment de sens de la scène pour rendre ce moment chorégraphique très émouvant. La seconde pièce du chorégraphe néerlandais, Solo, est dansée par trois jeunes danseurs de la compagnie, qui enchaînent une série de solos rapides, enchaînés mais sans aucune interaction ou presque, où manèges et diagonales pour rire font planer le spectre de la danse classique : le brio des interprètes est sans faille, chacun ayant déjà eu amplement l’occasion de développer une danse immédiatement expressive où on ne répugne pas, pour la bonne cause, à la mimique.

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Ivan Liška et Lucia Lacarra dans The Old Man and Me (chor. Hans van Manen)

La troisième pièce de Hans van Manen est certainement la moins convaincante, ce qui est d’autant plus regrettable qu’en plus de clore la soirée elle porte sur les fonds baptismaux une nouvelle compagnie, le «Bayerisches Staatsballett 2, Junior Company», qui ne démérite pas dans cette pièce enlevée mais un peu creuse : on aurait simplement souhaité que les danseurs qui la composent aient un peu plus l’occasion de montrer leur personnalité en plus de leurs capacités techniques.

in the future
Erik Murzagaliyev et  Luiza  Bernardes Bertho dans  In the Future (chor. Hans van Manen)

Les deux morceaux les plus classiques de la soirée relèvent de ce répertoire aux contours indistincts qu’on réunit sous le terme élastique de «néo-classique» : le choix du Pas de deux du second acte de La Dame aux camélias n’est ici pas très adapté, tant il perd à être détaché de son contexte ; comme Lucia Lacarra et son époux Marlon Dino ne s’y sont pas montrés aussi souverains qu’à l’habitude, c’est aux deux interprètes du moelleux Sylvia Pas de deux de Balanchine qu’est revenue la plus enthousiaste ovation de la soirée. Daria Sukhorukova et Lukaš Slavický ont pu y montrer ce qui constitue sans doute la plus grande qualité de la troupe munichoise à une époque où seule semble compter la virtuosité pour elle-même : le souci du style, particulièrement important dans cette pièce qui, contrairement au plus célèbre Tchaïkovsky Pas de deux, ne cherche pas à impressionner par les exploits techniques, mais demande infiniment de goût et de délicatesse.
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Dominique Adrian © 2010, Dansomanie

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sylvian pas de deux
Lukáš Slavický et Daria Sukhorukova dans Sylvia -  Pas de deux (chor. George Balanchine)


Soirée de gala au profit de la Fondation Herz-für-Herz

Vielfältigkeit. Formen von Stille und Leere
Musique : Jean-Sébastien Bach

Chorégraphie : Nacho Duato
Avec :  le Corps de ballet du Bayerisches Staatsballett

Chaconne
Musique :
Jean-Sébastien Bach, transcription Ferrucio Busoni
Chorégraphie : José Limón
Avec : Javier Amo Gonzalez

Five Brahms Waltzes in the Manner of Isadora Duncan
Musique :
Johannes Brahms
Chorégraphie : Frederick Ashton
Avec : Stephanie Hancox

Pas de quatre (extraits)
Musique : Vincenzo Bellini

Chorégraphie : Léonide Jacobson
Avec : Mai Kono, Magdalena Lonska, Gözde Özgür

The Old Man and Me
Musique : J. J. Cale, Wolfgang Amadeus Mozart

Chorégraphie : Hans van Manen
Avec : Lucia Lacarra, Ivan Liška

Solo
Musique : 
Jean-Sébastien Bach
Chorégraphie : Hans van Manen
Avec : Zoltan Mano Beke, Wlademir Faccioni, Javier Amo Gonzales

P.S. Isabel Sévers. Mein Herz brach nur einmal
Musique :
collage / montage audio
Chorégraphie : Simone Sandroni
Avec : Isabelle Sévers

Sylvia - Pas de deux
Musique :
Léo Delibes
Chorégraphie : George Balanchine
Avec : Daria Sukhorukova, Lukáš Slavický

La Dame aux camélias, Pas de deux de l’acte II
Musique : Frédéric Chopin

Chorégraphie : John Neumeier
Avec : Lucia Lacarra, Marlon Dino

In the Future
Musique : David Byrne

Chorégraphie : Hans van Manen
Avec : le Bayerisches Staatsballett 2, Junior Company

Bayerisches Staatsballett
Elena Mednik, Maria Babanina, piano
Musique enregistrée additionnelle

Dimanche 05 décembre 2010,  Cuvilliés Theater, Munich


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