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Ballet Eifmann (Saint-Pétersbourg)
03 décembre 2010 : Anna Karénine (Boris Eifman) au Théâtre des Champs-Élysées
Anna Karénine (chor. Boris Eifman)
Anna Karénine
avait déjà été offerte au public
français en 2008 lors d’une tournée qui avait
conduit la troupe du Ballet Eifman à Deauville et à
Rueil-Malmaison notamment. La reprise de 2010 n’est cependant
nullement superfétatoire, dans la mesure où elle a lieu
à Paris, sur une scène aux dimensions beaucoup plus
vastes, et dont l’équipement technique aura permis cette
fois d’apprécier le décor un tantinet clinquant,
mais réussi, de Zinovij Margolin, dans toute son ampleur (il
avait été rogné de plusieurs mètres en
hauteur afin de l’adapter à des théâtres ne
disposant pas de cintres).
Boris Eifman, ancien chorégraphe attitré de l’Ecole
Vaganova, de Saint-Pétersbourg, qui vole de ses propres ailes
depuis 1977, ne s’embarrasse pas de subtilités pour cette Anna Karénine,
réduite aux errements affectifs d’une aristocrate
incapable de choisir entre son mari – et le statut social que
celui-ci lui confère – et son amant, Vronski –
incarnation des passions et des grands épanchements
sentimentaux. Des personnages secondaires, seule subsiste Kitty, la
vertueuse épouse de Lévine, qui symbolise la mauvaise
conscience d’Anna. Du roman de Tolstoï ne demeure alors
que les traits principaux, ce qui a au moins pour mérite de ne
pas surcharger la chorégraphie de considérations
psychologiques complexes, qui dépassent souvent ce que la danse et
le mime peuvent réellement exprimer. Le choix de la musique
procède du même souci d’efficacité, avec un
collage de pages célèbres empruntées à
Tchaïkovsky : Francesca da Rimini, Roméo et Juliette, la Sérénade opus 48 – popularisée par le ballet éponyme de Balanchine – et évidemment, la Symphonie Pathétique.
Eifman a toutefois le bon goût de ne pas achever son ballet sur
le tonitruant scherzo, et de respecter la volonté de
Tchaïkovsky en faisant suivre ce passage d’une force
saisissante par un adage de caractère lyrique. Roland Petit,
pour sa Dame de pique, n’aura pas eu la même délicatesse…
Anna Karénine (chor. Boris Eifman)
La chorégraphie proprement dite, sans être impersonnelle,
mêle diverses influences, nous menant des frous-frous viennois
chers à Renato Zanella (la Valse initiale dans la scène
du Bal à Saint-Pétersbourg) aux pas de deux
étirés à l’extrême dont raffole John
Neumeier. L’évocation finale de l’Enfer et des
tourments qui déchirent l’âme d’Anna,
après son suicide, est particulièrement bien
réussie, les enchevêtrements de corps mouvants composant
quelque monstrueuse Gorgone.
L’interprétation est de haut niveau, avec un corps de
ballet d’une grande homogénéité et
d’une belle discipline. Les solistes – différents de
ceux qui avaient dansé à Rueil-Malmaison il y a deux ans
– ne sont pas en reste : au Karénine hiératique
d’Oleg Markov s’oppose le Vronski lyrique et violent
d’Oleg Gabyshev, qui conduira Anna, incarnée par
Masha Abashova, merveilleuse de sensualité et de
virtuosité maîtrisée, à une mort brutale
sous les roues d’un train. Cette vision du train hante Anna tout
au long du ballet : un jouet d’enfant le lui rappelle de
manière obsessionnelle d’un acte à l’autre.
Mais lorsqu’elle se décide effectivement à mettre
fin à ses jours, de jouet, il n' est plus question, et
c’est une «bête humaine», une locomotive
démoniaque faite de la chair des danseurs du corps de ballet,
qui vient la broyer. On regrettera que des effets de lumière un
peu convenus viennent affadir cette scène paroxystique, par
ailleurs très bien réalisée sur le plan
chorégraphique.
Enfin, soulignons l’intervention brève, mais poignante, de
Kitty, au premier acte. Le nom de la belle artiste qui
l’incarnait a malheureusement été oublié sur
le programme, mais il s’agissait vraisemblablement
d’Anastasia Sitnikova. Que justice soit en tout cas rendue
à son talent..
Romain Feist © 2010, Dansomanie
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Anna Karénine
Musique : Piotr Ilitch Tchaïkovsky (extraits de : Symphonie n° 2 en do mineur, "Petite russienne",
La Tempête, Fantaisie symphonique op. 18, Francesca da Rimini, fantaisie symphonique op. 32,
Souvenirs d'un lieu cher, op. 42, Suite n° 1 en Ré majeur, op. 43,
Sérénade pour cordes en Do majeur, op. 48, Suite n° 3 en Sol majeur, op. 55,
Manfred, Symphonie en si mineur, op. 58, Hamlet, Ouverture-fantaisie op. 67a,
Souvenir de Florence, pour sextuor à codres, en ré mineur, op. 70,
Symphonie n° 6 en si mineur "Pathétique", Le Voïevode, Ballade symphonique op. 78,
Roméo et Juliette, Ouverture-fantaisie
Chorégraphie : Boris Eifman
Décors : Zinovij Margolin
Costumes : Viacheslav Okunev
Lumières : Gleb Filshtinsky
Effet spéciaux : Léonide Eremin
Anna – Masha Abashova
Karénine, son mari – Oleg Markov
Vronski– Oleg Gabyshev
Kitty – Anastasia Sitnikova (?)
Ballet Eifman, Saint-Pétersbourg
Musique enregistrée
Vendredi 3 décembre 2010, Théâtre des Champs-Élysées, Paris
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