|




|

 |
|
|
Gala des Etoiles du XXIème siècle
19 septembre 2010 : Gala des Etoiles du XXIème siècle au Théâtre des Champs-Élysées
Daniil Simkin
Chaque
année, à la veille de l'automne, le gala des
étoiles du XXIème siècle revient invariablement
s'installer au TCE, trois jours durant. Un rendez-vous faisant figure
de rituel, marquant symboliquement le début de la saison
chorégraphique parisienne. Pour le reste, les éditions se
suivent – treize ans déjà! -... et tendent à
se ressembler : une affiche résolument immuable, une
organisation calibrée, et au final, un spectacle de pur
divertissement qui s'assume comme tel. L'on s'y rend, sans
arrière-pensées, pour se rassasier d'exploits techniques
et de virtuosité acrobatique, ou encore pour découvrir
avec curiosité les espoirs, confirmés ou en devenir, de
la danse mondiale.
Petite surprise, le programme de la présente édition
laisse deviner une volonté de renouveler la formule
traditionnelle du gala, gagnée naturellement par une certaine
usure après plusieurs années. Lucia Lacarra et Daniil
Simkin, devenus l'un et l'autre les icônes du public du TCE, sont
certes de retour pour assurer le succès du spectacle, mais en
2010, les morceaux de bravoure du répertoire classique – Corsaire et autres Don Quichotte
– ont quasiment disparu de l'affiche, remplacés
très massivement par des pièces peu connues,
contemporaines ou néo-classiques.
Si l'on pouvait se réjouir de cette pointe d'inédit,
appréciable au sein d'une affiche qui n'est pas
réputée briller d'ordinaire pour son caractère
innovant, la réalité du programme de cette année
incite à nettement plus de circonspection. Plus, on craint fort
que ce renouvellement relatif, sur un mode plus
«néo» que «classique», ne se transforme
avec le temps en une autre sorte de conformisme, autant, sinon plus
redoutable que celui attaché aux «scies»
traditionnelles qui font l'ordinaire des galas de danse classique et
permettent au moins d'appréhender un tant soit peu objectivement
les qualités véritables de danseurs en devenir. Du coup,
on a moins envie de mettre directement en cause les artistes composant
l'affiche de cette année – il est vrai pas
forcément des plus flamboyante (surtout si on la compare
à celle qui va se produire à Moscou le 26 septembre!) -
que la médiocrité générale des
pièces qu'ils nous ont trop souvent présenté : en
gros, un concentré de «eurodance» dans l'air du
temps, d'inspiration néo-forsytho-kylianienne, baigné
dans ce clair-obscur devenu le lieu commun inévitable des
scénographies d'aujourd'hui, et où la virtuosité,
avant tout physique et gymnique, semble reposer uniquement sur la
flexibilité extrême des danseurs. Des chorégraphies
aux effets trop semblables, et dont les choix musicaux, flirtant
souvent avec le poncif joliment décoratif, ne semblent pas non
plus toujours bien motivés, sinon par leur dimension
immédiatement émotionnelle.
Trois couples ont paru illustrer sans nuances cette direction au
travers de leurs choix chorégraphiques, à commencer par
Ilja Louwen et Leo Mujic, déjà invités du gala des
étoiles l'an dernier. Très habiles dans le style
athlétique qu'ils développent, les deux danseurs se
situent dans une recherche de physicalité ultime,
déclinant tous les lieux communs forsythiens - de
l'hyper-extension au décentrement -, mais qui semblent se
rejouer quasiment à l'identique dans les deux pièces
proposées, signées de Leo Mujic. On se lasse vite,
à vrai dire, de ces évolutions un brin
épileptiques, désincarnées à force de
sacraliser un corps extrême. Dans un registre plus
néo-classique, les danseurs du Ballet national de Pologne,
Alexandra Liaszenko et Egor Menshikov, offrent une prestation
attachante, dotée d'un souffle humain bienvenu, mais là
encore, les deux chorégraphies de Krzsysztof Pastor ne brillent
guère par leur originalité ou par leur caractère
mémorable – au-delà même des costumes,
particulièrement peu seyants, dont ils sont affublés dans
le pas de deux de Tristan. On
regrette enfin que le talent de Lucia Lacarra, accompagnée par
un Cyril Pierre absolument transparent, ait été
exploité cette année de manière aussi
monolithique. La chorégraphie de Terence Kohler, sur l'Adagio
de Barber, tout comme celle de Gérard Bohbot, sur une petite
musique d'Arvo Pärt, déjà mille fois entendue,
donnent en effet l'impression de ne chercher qu'à mettre en
valeur les formidables possibilités physiques de la danseuse,
sans jamais aller au-delà de la démonstration gymnique,
aussi spectaculaire soit-elle. Nul doute qu'on aurait
apprécié là un choix de pas de deux plus
contrasté et surtout moins stéréotypé.
Lucia Lacarra et Cyril Pierre
Face
à cet ensemble de prestations bien monocorde, les danseurs du
Ballet national de Chine, Zhang Jian et Hao Bin, ont le mérite
de proposer deux morceaux situés franchement aux antipodes l'un
de l'autre, que ce soit dans le style ou dans l'atmosphère. Ils
se montrent irréprochables dans le premier pas de deux,
celui de La Belle au bois dormant,
si terriblement soigné même, qu'il en perd un peu de vie.
Reconnaissons tout de même la part de défi qu'il y a
à ouvrir un gala avec un tel duo, délicat à
«jouer» déconnecté de son contexte, sous des
néons bleutés passablement incongrus, et
accompagné de surcroît par une bande enregistrée
ayant apparemment bien souffert... Leur pas de deux
«contemporain» est, malgré la grâce lumineuse
qui émane de Zhang Jian, aussi vite oublié que la chanson
de Linda Lemay qui lui sert de prétexte et d'illustration
musicale.
En contrepoint de la tonalité générale
imprimée au gala, les deux solistes du Bolchoï, Ekaterina
Krysanova et Andreï Merkuriev ont opté clairement, en
résistants ultimes, pour la grande tradition classique, avec le
morceau très virtuose d'Esmeralda et le pas de deux héroïque d'Assaf Messerer, Spring Waters.
Etrange sensation – proche du malaise - que de voir leurs
évolutions empreintes d'autorité et de classicisme, et
pour le coup très «gala», apparaître aussi
décalées dans le contexte ambiant, comme si elles
appartenaient à un autre temps, sinon à d'autre moeurs. Esmeralda
permet notamment d'apprécier le brio technique et le style
très élégant et soigné de Krysanova –
même modérément investie en cette occasion -, aux
côtés d'un Merkuriev pour le coup étonnamment
approximatif dans les réceptions de ses tours en l'air.
Peut-être en raison de sa brièveté, le
spectaculaire et intense Spring Waters
passe malheureusement un peu à côté de son effet
– extraordinaire -, malgré l'énergie grandiose
déployée par les danseurs et la perfection des sauts et
des portés réalisés, particulièrement
périlleux et athlétiques.
Vedette incontestée depuis quelques saisons du gala des
étoiles, Daniil Simkin n'aura pas déçu ses fans,
venus sans surprise l'applaudir une fois de plus en nombre. Au
programme de cette édition, une chorégraphie de son
père, Fallen Angel,
qui, à vrai dire, n'a d'autre intérêt que de faire
briller, sans pause aucune, les qualités acrobatiques du fils,
et le Tchaïkovsky - Pas de deux,
une démonstration de brio plus traditionnelle choisie comme
conclusion logique au spectacle. Nul doute, du côté de
chez Daniil, ça saute et ça tourne toujours
merveilleusement, même s'il faut bien le reconnaître aussi,
ça manque un peu de puissance et de contrôle dans le haut
du corps et les épaulements, pas toujours très
soignés, et de solidité dans le partenariat. Sa
partenaire, Yana Salenko, venue du Ballet de Berlin, on a bien envie
d'en parler également, car loin d'être une
danseuse-prétexte, sollicitée pour le seul pas de deux
final, elle s'affirme comme une personnalité lumineuse, pleine
de charme et de style, dont on aurait vraiment apprécié
de voir exposées davantage les excellentes qualités au
cours du spectacle. Ne faisons pas la fine bouche toutefois à
propos de notre héros du jour : au milieu du chaos ambiant, ce
sont bien ses prestations – les siennes et celles des danseurs du
Bolchoï -, que l'on s'est surpris à attendre avec le plus
d'impatience et à goûter avec le plus de joie. Pour
autant, il ne serait pas souhaitable qu'il devienne dans les prochaines
années la seule raison d'être de ce gala parisien, qui a
su régulièrement apporter par le passé son lot de
belles révélations.
B. Jarrasse © 2010, Dansomanie
Esmeralda, chor. Jules Perrot / Marius Petipa, mus. Cesare Pugni
Spring Waters, chor. Assaf Messerer, mus. Sergueï Rachmaninov
Ekaterina Krysanova et Andreï Merkuriev
Ballet du Bolchoï
Tchaïkovsky Pas de deux, chor. George Balanchine, mus. Piotr Ilitch Tchaïkovsky
Fallen Angel, chor. Dmitri Simkin, mus. Wolfgang Amadeus Mozart
Yana Salenko et Daniil Simkin
Staatsballett Berlin / American Ballet Theatre
Tristan Pas de deux, chor. Krzsysztof Pastor, mus. Richard Wagner
Berliner Requiem, chor. Krzsysztof Pastor, mus. Kurt Weill (création)
Alexandra Liaszenko et Egor Menshikov
Ballet National de Pologne
La Belle au bois dormant, chor. Marius Petipa, mus. Piotr Ilitch Tchaïkovsky
A l'heure qu'il est, chor. Fei Bo, mus. Lynda Lemay
Zhang Jian et Hao Bin
Ballet National de Chine
Tale of a lost moment, chor. Leo Mujic, mus. Giuseppe Torelli
Passacaglia, chor. Leo Mujic, mus. Heinrich Ignaz Franz von Biber
Ilja Louwen et Leo Mujic
Artistes Invités
Lost and Found, chor. Terence Kohler, mus. Philip Glass
Adagio for Strings, chor. Gérard. Bohbot, mus. Samuel Barber
Lucia Lacarra et Cyril Pierre
Staatsballett Munich
Musique enregistrée
Dimanche 19 septembre 2010, 15h00, Théâtre des Champs-Élysées, Paris
|
|
|