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Ballet de l'Opéra National de Bordeaux
04 juillet 2010 : Le Messie, de Mauricio Wainrot, au Grand Théâtre de
Bordeaux
Le Messie (chor. Mauricio Wainrot)
Cette
fin de millénaire, que nous avons eu la chance de vivre, nous a
permis d’être les témoins et les acteurs
privilégiés d’un événement
d’une singulière magnitude, lequel se trouvait sans doute
empli d’une charge émotive et mystique d’une grande
intensité. M’immerger dans l’univers musical du Messie
de Haendel pour créer une oeuvre de cette nature était en
adéquation avec mes plus profondes inquiétudes, avec ma
spiritualité et avec la nécessité d’aller
écouter mes silences intimes. La réalisation de cet
ouvrage a été une expérience personnelle
émouvante, que je désire pouvoir échanger avec
chacun ; elle m’a également donné la
possibilité de me rapprocher des êtres chers qui partagent
mon présent et mon histoire, êtres à qui je la
dédie.
C’est par ces mots que Mauricio Wainrot présente ce
ballet, créé en 1996 par le Ballet Royal des Flandres. Si
l’ «événement d’une singulière
magnitude» dont parle le chorégraphe est la chute de
régimes politiques qui a bouleversé nos visions du monde,
il faut reconnaître que le recul du temps nous a ouvert
d’autres perspectives. On a pu penser, à
l’époque de la conception de l’œuvre, que se
refermait la parenthèse d’un siècle où se
sont perpétrées les pires horreurs. Ce nouveau
millénaire nous fait voir d’autres menaces,
peut-être plus diffuses, mais tout aussi inquiétantes.
Le Messie (chor. Mauricio Wainrot)
Dans ce contexte, la charge émotive du Messie
du chorégraphe argentin n’est certainement pas la
même qu’au jour de sa création. Au-delà de
toute spéculation intellectuelle, l’œuvre ne nous en
apparaît pas moins pleine de ferveur et témoigne
d’une espérance touchante, portée par un langage
simple et intemporel, et bien éloignée d’une plate
illustration de la musique. Il faut préciser que Mauricio
Wainrot n’a pas retenu l’intégralité de
l’oratorio de Haendel, et a puisé dans les annonces
prophétiques des deux premières parties en
terminant par le célèbre Hallelujah.
Dans un décor d’une blancheur immaculée,
légèrement coloré ou assombri par instants, les
danseurs sont eux-mêmes vêtus de blanc. Les danseuses
ajouteront un tutu long dans la deuxième partie, à
l’évocation de la Résurrection. Ajout inutile, tant
le langage corporel se suffit à lui-même dans les simples
tuniques. Les mouvements, pour le corps de ballet ou pour un ensemble
de solistes, s’enchaînent de façon fluide et
naturelle, suivant le parcours musical de l’œuvre de
Haendel. Pendant les évolutions des solistes, une partie des
danseurs sont assis sur des bancs alignés au fond de la
scène, dans une attitude sobrement attentive.
Le Messie (chor. Mauricio Wainrot)
A aucun moment, la chorégraphie ne met en avant les solistes
pour les faire briller individuellement. Ils sont au service de
l’expression collective, et ce sentiment d’humilité
face au message transmis ne quittera jamais la scène. Dans cet
ordre d’idée, les portés ne sont jamais
démonstratifs mais restent dans la continuité du
discours. A quelques moments clés cependant, une pose
évoque tel tableau ou fresque renaissance. Seul le dernier pas
de deux, Thou art gone up on high,
ajouté lors de la dernière reprise pour Charles Jude
lui-même, semble se détacher du reste du ballet, comme un
moment suspendu. Il est cette fois-ci dansé par Vladimir
Ippolitov et Stéphanie Roublot qui y déploient une
technique déliée et une belle musicalité.
Le Messie (chor. Mauricio Wainrot)
L’ensemble du Ballet de Bordeaux est à louer tant il fait
preuve d’engagement et d’homogénéité
dans cette œuvre qu’il a faite sienne au fil des reprises.
On peut néanmoins distinguer certains danseurs qui ont
particulièrement attiré notre attention. Outre
Stéphanie Roublot et Vladimir Ippolitov déjà
cités, il faut mentionner la danseuse étoile Emmanuelle
Grizot, la soliste Juliane Bubl, les rayonnants Istvan Martin et
Vanessa Feuillatte, le très tonique Roman Mikhalev, mais aussi
Laure Lavisse, Stéphanie Gravouille, Viviana Franciosi, Alvaro
Rodriguez Piňera et Marc Emmanuel Zanoli aux bras très
expressifs.
Il faut noter que cette production sollicite toutes les forces vives de
l’Opéra National de Bordeaux, puisque, si le Ballet est
sur scène, l’Orchestre National de Bordeaux Aquitaine est
dans la fosse ainsi que le Chœur de l’Opéra.
L’orchestre, bien qu’en formation réduite joue dans
un style très traditionnel, presque routinier, qu’on
n’a plus l’habitude d’entendre dans les œuvres
de cette époque. La brillance des cuivres et la direction
énergique de Dominic Wheeler compensent ce petit handicap.
Le Messie (chor. Mauricio Wainrot)
Les quatre jeunes chanteurs solistes, rompus à la Royal Academy
of Music aux partie d’oratorios, sont excellents. Leur placement
idéal dans les loges d’avant-scène fait ressortir
la magnifique acoustique du Grand Théâtre. Mais
c’est surtout le chœur qui nous éblouit par sa
virtuosité de tous les instants. C’est lui le
véritable partenaire du ballet et les échanges de la
fosse à la scène sont fascinants.
Œuvre d’espérance, expérience spirituelle,
voire mystique, le ballet de Mauricio Wainrot a été
adopté par plusieurs compagnies à travers le monde. Nul
doute que le Ballet de l’Opéra national de Bordeaux, par
l’émotion qu’il en dégage, fait partie des
interprètes qui lui donnent la signification la plus riche.
Jean-Marc Jacquin © 2010, Dansomanie
Le Messie
Chorégraphie : Mauricio Wainrot
Musique : Georg Friedrich Haendel
Décors et costumes : Carlos Gallardo
Lumières : François Saint-Cyr
Avec : Emmanuelle Grizot, Stéphanie Roublot ,Darelia Bolivar , Juliane Bubl
Viviana Franciosi, Mika Yoneyama, Laure Lavisse, Emilie Cerruti, Darélia Bolivar, Aline Bellardi
Ludovic Dussarps, Vladimir Korec, Davit Gevorgyan, Marc Emmanuel Zanol,
Guido Sarno, Alvaro Rodriguez Piňera, Kase Craig, Felice Barra
Rebbeca Goulden, soprano
Kate Symonds-Joy, mezzo-soprano
Thomas Hobbs, ténor
George Humphreys, basse
Ballet de l'Opéra National de Bordeaux
Orchestre National de Bordeaux - Aquitaine, dir. Dominic Wheeler
Dimanche 4 juillet 2010, 15h00, Grand Théâtre de
Bordeaux
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