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Bayerisches Staatsballett (Munich)
05 juin 2010 : Artifact, de William Forsythe, par le Bayerisches Staatsballett
Artifact (chor. William Forsythe)
Le Ballet National de Bavière a déjà une belle
expérience des œuvres de William Forsythe : Limb’s Theorem avait été un
des spectacles phares des dernières années ; c’est désormais Artifact
qui, depuis sa première il y a un mois dans le cadre de la Semaine du
ballet, sert de fer de lance au versant contemporain de la troupe
bavaroise.
Silvia Confalonieri, Kate Strong et Nicolas Champion
Le public parisien avait pu (re)découvrir il y a peu Artifact Suite,
chef-d’œuvre austère qui avait autant interloqué que séduit le public
parisien – le public munichois n’est pas moins partagé : quelques huées
accueillent, en cette représentation de routine, la fin de certaines
parties. Artifact tout court, comme on s’en doute, comprend la plupart
des séquences de la pièce plus récente, mais autant le dire tout de
suite : même les moments où la chorégraphie est exactement identique
n’empêchent pas qu’il s’agit de deux pièces totalement différentes.
L’ambitieuse abstraction de la Suite est fortement atténuée dans la
version originale par la présence de deux personnages parlants et même
bavards, manipulant le langage avec une belle constance dans
l’absurdité, qui mènent le spectateur sur une de ces fausses pistes
chères à Forsythe : malheureux qui chercherait, à partir de ces
personnages, de leurs discours ou de leur apparence l’esquisse d’une
structure narrative!
Lucie Barthelemy et Nicolas Champion
La courte seconde partie, pourtant, est construite comme une parodie des
actes blancs du Lac des Cygnes : tandis qu’alternent deux couples sur
le devant de la scène, un corps de ballet strictement aligné en bord de
scène enchaîne des postures comme mécaniques. C’est d’ailleurs le seul
moment de la pièce où la convention opposant solistes et corps de ballet
est respectée, mais sans céder pour autant au star-system : si une
Lucia Lacarra sait briller dans toutes les conditions, rien n’est fait
pour mettre ces couples au centre du regard du spectateur, constamment
détourné par le corps de ballet ou par les deux «personnages»-leurres.
La dame, interprétée par une des danseuses fétiches de Forysthe, Dana
Caspersen, ne fait que renforcer la référence constance à l’univers du
ballet classique, d’une façon à vrai dire moins subtile que dans
d’autres pièces de Kylian.
Tigran Mikayelyan et Lucia Lacarra
Une fascination bien plus grande émane finalement du troisième
«personnage» de la pièce, dénommée simplement Other Person, qui semble
recueillir en lui toute l’ambiguïté d’Artifact Suite : figure de la
fragilité humaine, bon génie d’une humanité en mal d’inspiration, ou
plutôt manipulateur déshumanisé? Cette ambigüité est remarquablement
rendue par Emma Barrowman, qu’on suit avidement comme le vrai fil
conducteur de la soirée. Au terme du spectacle, on doit bien avouer
être plus convaincu par chacun des éléments présentés que par le
résultat d’ensemble : aussi bien Artifact Suite que Limb’s Theorem, dépouillés
des intentions trop pesantes de cette pièce désormais ancienne,
parviennent à dépasser la surface des choses qu’Artifact ne fait
qu’effleurer.
Dominique Adrian © 2010, Dansomanie
Artifact
Musique : Johann Sebastian Bach, Eva Crossmann-Hecht,
William Forsythe
Chorégraphie : William Forsythe
La Dame en costume historique – Dana Caspersen
L’Homme au mégaphone – Kevin Cregan
L’Autre personne – Emma Borrowman
Premier pas de deux – Lucia Lacarra, Tigran Mikayelyan
Second pas de deux – Ekaterina Petina, Maxim Shashkegorov
Bayerisches Staatsballett
Musique enregistrée
Samedi 05 juin 2010, National Theater, Munich
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