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Théâtre de la Ville (Paris)
23 mai 2010 : R. Lemon, T. Brown et M. Cunningham par le Ballet de l'Opéra de Lyon
Rescuing the Princess (chor. Ralph Lemon)
Quoi
de neuf sous le soleil de la danse américaine? Au terme de la
soirée proposée par le Ballet de Lyon pour son passage
parisien annuel, on aura plus envie de répondre «Merce
Cunningham» que «Ralph Lemon», dont la pièce a
pourtant été créée il y a quelques mois
seulement à Lyon. Sous un titre faussement narratif (qui cela
surprendra-t-il?), le chorégraphe né en 1952
enchaîne avec sérieux tous les poncifs de la danse
américaine, ce qui est d’autant plus douloureux que Beach Birds
de Merce Cunningham n’a pas cessé, depuis sa
création en 1991, d’enivrer les publics les plus divers
par sa liberté formelle.
Tout ce qui fait la puissance de la pièce de Cunningham est
aussi présent chez Lemon : spontanéité d’une
apparente improvisation, découplage de la musique et de la
danse, effacement des frontières de la scène, sans
compter quelques éléments qui rappellent
inévitablement Forsythe – lumières soulignant ou
effaçant les danseurs, passages brutaux d’une danse-transe
au repos… Mais Lemon ne dépasse pas ce niveau
référentiel, en complet décalage avec le
douloureux thème annoncé de la pièce, le
décès après une longue maladie de la compagne du
chorégraphe.
Beach Birds (chor. Merce Cunningham)
Merce Cunningham, lui, avance un thème beaucoup plus anodin, qui
pourrait même tomber facilement dans le ridicule d’une
plate illustration : la description d’oiseaux qui sautillent sur
la plage. Formant des groupes toujours changeants, les danseurs
réalisent le miracle bien connu des pièces de Cunningham
: de l’abstraction elle-même, de l’apparent
détachement de toute référence à ce qui
n’est pas la danse, naît une émotion, comme un
langage qui parle très directement au spectateur, quand bien
même celui-ci serait bien en peine de caractériser cette
émotion ou de rendre compte de ce langage. Qui sont, que sont
ces danseurs qui jouent à être des oiseaux? Sommes-nous
ces oiseaux, sont-il au contraire un idéal de détachement
et d’insouciance que nous ne pouvons qu’admirer sans espoir?
Set and reset / Reset (chor. Trisha Brown)
Autre grand classique du répertoire américain
contemporain, la pièce de Trisha Brown, réalisée
comme souvent en collaboration avec le plasticien Robert Rauschenberg,
est présentée dans une version particulière au
Ballet de l’Opéra de Lyon, de façon à faire
revivre la relation entre danseurs et chorégraphe qui avait
abouti à la création de Set and Reset en
1983. La musique de Laurie Anderson, figure de la scène musicale
new-yorkaise expérimentale depuis la fin des années 1960,
apparaît aujourd’hui terriblement datée,
contrairement à l’étonnant décor à
qui les premières minutes de la pièce sont
entièrement dédiées.
Set and reset / Reset (chor. Trisha Brown)
Quant à la chorégraphie elle-même, osera-t-on
penser qu’avec sa radicalité artsy elle apparaît
plus comme un document sur une époque révolue de
l’histoire de la danse que comme une œuvre vivante? La
fixation de Trisha Brown sur la circulation de l’énergie
dans le corps, le flux continu des gestes de l’individu autant
que du collectif, la spiritualité elle-même un peu
datée qui sous-tend ce travail tout autant que la valorisation
de l’improvisation comme moteur de création
résonnent aujourd’hui plus directement avec un produit de
série comme la pièce de Ralph Lemon qu’avec
l’entêtante liberté assistée par ordinateur
de Merce Cunningham.
Dominique Adrian © 2010, Dansomanie
Rescuing the Princess
Chorégraphie, costumes et création sonore : Ralph Lemon
Création vidéo : Jim Findley, Roderick Murray
Beach Birds
Musique : John Cage, Four3
Chorégraphie : Merce Cunningham
Costumes et lumières : Marsha Skinner
Set and reset / Reset
Musique : Laurie Anderson
Chorégraphie : Trisha Brown, d'après une idée de Robert Rauschenberg
Scénographie : Michael Meyers
Costumes : Adeline André
Lumières : Patrick Besombes
Percussions : Jean-Marie Paraire, Clément Ducol
Pianos : Sylvaine Carlier, Eric Dartel
Ballet de l'Opéra National de Lyon
Dimanche 23 mai 2010, Théâtre de la Ville, Paris
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