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Ballet du Capitole de Toulouse
14 / 16 mai 2010 : Carmen à Toulouse? De Bizet à Nougaro au Casino-Théâtre Barrière
Marina Lafargue et Valério Mangianti dans Carmen (chor. Davide Bombana)
Ce
dernier programme de la saison rassemblait trois œuvres
créées par le Ballet du Capitole dans les années
récentes. Deux chorégraphes «maison», Michel
Rahn, directeur adjoint, et Luca Masala, ancien premier soliste et
maître de ballet, voisinaient avec Davide Bombana, qui accumule
les succès et les récompenses à travers le monde.
Il était audacieux en 2006 de s’affronter à un argument aussi souvent visité que celui de Carmen.
C’est visiblement la violence de l’histoire et la soif de
liberté du personnage-titre, transgressive jusque devant la
mort, qui a attiré Davide Bombana et qu’il a voulu
transcrire dans sa danse. Largement inspiré par le récit
analytique et cruel de Mérimée pour les personnages de
Carmen et José, ainsi que Garcia, le «mari» de
Carmen, il a aussi repris de l’opéra de Bizet les
personnages de Micaëla et Escamillo. Celui-ci est toutefois
spectaculairement transformé en un monstrueux Minotaure, symbole
de puissance sexuelle.
Maria Gutierrez et Minh Pham dans Carmen (chor. Davide Bombana)
Toute l’histoire se déroule dans un lieu
indéterminé, un décor intemporel. Même si
les cigarières ou les contrebandiers sont bien présents,
la seule référence à l’Espagne réside
dans les robes à volants des «toreros», jouant de
l’éventail, et de la voix!
Sur un assemblage musical hétéroclite (et une bande-son
de qualité moyenne), Davide Bombana a réservé le
meilleur de son inspiration dans les solos et les duos.
L’œuvre devient plus intense à partir du meurtre de
Garcia par José et les derniers épisodes
s’enchaînent comme une catastrophe inévitable. Le
pas de deux final de Carmen et José est particulièrement
exigeant pour les deux interprètes et atteint un sommet
dramatique.
Kazbek Akhmedyarov et Paola Pagano dans Carmen (chor. Davide Bombana)
Les deux distributions sont tellement dissemblables que l'on a
l’impression d’avoir vu deux ballets
différents. Paola Pagano, créatrice du rôle
de Carmen, joue de sa séduction sans aucun effet
extérieur. Maria Gutierrez dépasse son apparence gracile
pour dégager une force incroyable. Valerio Mangianti peut
à nouveau démontrer son fort tempérament
dramatique. Mais c’est Minh Pham qui nous emporte
d’émotion dans le final de la deuxième
distribution, déclenchant un tonnerre d’applaudissements.
Ayant dû ralentir sa carrière sur une blessure, ce danseur
n’a jamais perdu ses qualités d’artiste. Il fait ses
adieux à la scène sur un moment d’anthologie et va
se consacrer en tant que maître de ballet à retransmettre
son art.
Maria Gutierrez et Minh Pham dans Carmen (chor. Davide Bombana)
Dans
les autres rôles, il faut citer Marina Lafargue et Nuria Arteaga,
toutes les deux très émouvantes dans la superbe variation
dévolue à Micaëla. En Escamillo-Minotaure, il est
intéressant de comparer l’inquiétant,
vipérin, Jérôme Buttazzoni, et le joyeux Fabien
Cicoletta, ivre de plaisir. Gaëlle Riou, Kazbek Akhmedyarov et
Davit Galstyan font également de brillantes apparitions.
Kazbek Akhmedyarov, Evelyne Spagnol et Davit Galstyan dans Chimère (chor. Michel Rahn)
A travers Chimère,
Michel Rahn rend un hommage ému à ses maîtres et en
premier lieu à Balanchine. Devant un cyclorama bleu, quatre
danseuses et cinq danseurs en sobres tenues harmonieusement
colorées, forment un cercle puis évoluent dans une
atmosphère éthérée au gré du 1er concerto de Chostakovitch ou de la Chaconne de Vitali (pastiche plus ou moins avoué).
Juliana Bastos et Takafumi Watanabe dans Chimère (chor. Michel Rahn)
L’œuvre culmine en un magnifique pas de trois où
Maria Gutierrez étincelle de mille feux, idéalement
accompagnées par Kazbek Akhmedyarov et Davit Galstyan. On se
sent en territoire connu car les réminiscences balanchiniennes
sont évidentes et d’ailleurs tous les danseurs sont
parfaitement dans leur élément. Ce regard vers le
passé laisse une tenace impression de mélancolie.
La deuxième distribution de Nougaro (chor. Luca Masala)
Le Ballet du Capitole possède à son répertoire
beaucoup d’œuvres inspirées par des chansons. Citons
par exemple Brel, de Ben van Cauwenbergh, Nine Sinatra Songs, de Twyla Tharp, sans oublier le célèbre Who cares?,
de Balanchine. Il est tout naturel qu’on y trouve aussi Claude
Nougaro, à qui les Toulousains vouent un véritable culte.
C’est au moment de la mort du chanteur en 2004 que Luca Masala
eut l’idée de cet hommage par la danse, et il s’est
plongé dans l’aventure avec un enthousiasme très
perceptible.
La première distribution de Nougaro (chor. Luca Masala)
Depuis la création en 2006, la scénographie s’est
épurée. Malgré des effets encore un peu
chargés par moments, elle restitue bien l’univers
foncièrement urbain et grouillant de vie du
chanteur-poète.
Les huit chansons retenues forment un ensemble cohérent. On
regrettera quand même la suppression des interventions vocales du
merveilleux Fabien Cicoletta, que le public aurait été
heureux d’entendre à nouveau.
La deuxième distribution de Nougaro (chor. Luca Masala)
Des moments de danse de la plus haute qualité, comme le superbe
pas de trois du Cinéma, alternent avec la plus pure
poésie, dans Armé d’amour,
admirablement dit par Michel Rahn, et traduit en langage des signes par
Gaëlle Riou et Pauline Borreau. Celles-ci font par ce biais leurs
adieux à la troupe toulousaine. Parmi les autres
interprètes, il faut absolument saluer une méconnaissable
Frédérique Vivan en blonde Marilyn, l’humour de
Maria Gutierrez, et Evelyne Spagnol dans Le Jazz et la Java, le touchant Takafumi Watanabe dans Une petite Fille.
Hugo Mbeng dans Nougaro (chor. Luca Masala)
Ce très jeune danseur, déjà remarquable dans
Chimère, a devant lui un avenir prometteur s’il se
consolide physiquement. Le spectacle se termine en apothéose,
grâce au punch ébouriffant de Hugo Mbeng dans Je
suis sous. Le public, venu nombreux malgré un week-end
prolongé, est aux anges. Cette saison de danse «hors les murs» s’achève
déjà. La prochaine s’annonce riche de six
spectacles différents. On en attendra au moins le même
niveau d’excellence.
Jean-Marc Jacquin © 2010, Dansomanie
Kazbek Akhmedyarov, Maria Gutierrez et Davit Galstyan dans Chimère (chor. Michel Rahn)
Carmen
Musique : Georges Bizet, Rodion Chédrine, les Tambours du Bronx, Meredith Monk
Chorégraphie : Davide Bombana
Costumes, décors et lumières : Dorin Gal
Carmen – Paola Pagano / Maria Gutierrez
Don José – Valerio Mangianti / Minh Pham
Garcia – Kazbek Akhmedyarov / Davit Galstyan
Escamillo – Jérôme Buttazzoni / Fabien Cicoletta
Micaëla – Marina Lafargue / Nuria Arteaga
La Cigarière – Gaëlle Riou
Toreros – Fabien Cicoletta / Demian Vargas, Frédéric Sellier, Thomas Bieszka , Henrik Victorin
Bandits – Takafumi Watanabe, Guillaume Ferran, Hugo Mbeng, Julian Ims, Henrik Victorin
Chimère
Musique : Dmitri Chostakovitch, Tommaso Antonio Vitali
Chorégraphie : Michel Rahn
Costumes : Nanette Glushak
Lumières : Patrick Méeüs
Pas de six – Gaëlle Riou / Paola Pagano, Juliana Bastos, Magali Guerry
Thomas Bieszka / Valerio Mangianti, Takafumi Watanabe, Henrik Victorin / Jérôme Buttazzoni
Pas de trois – Maria Gutierrez / Evelyne Spagnol, Kazbek Akhmedyarov, Davit Galstyan
Nougaro
Musique : Claude Nougaro, Arvo Pärt
Chorégraphie : Luca Masala
Décors : Farouk Ratib
Costumes : Marianne Rigal
Lumières : Paul Heitzmann
Vidéo : Rodolphe Lucas, David Herrero
Armstrong – Nuria Arteaga, Gaëlle Riou, Maki Matsuoka, Juliette Thelin, Ina Lesnakowski
Estelle Fournier, Pauline Borreau, Vanessa Spiteri
Kazbek Akhmedyarov, Jérôme Buttazzonin, Henrik Victorin ,Vladimir Bannikov
Demian Vargas, Guillaume Ferran, Thomas Bieszka
Le Jazz et la Java – Maria Gutierrez , Evelyne Spagnol / Pauline Borreau
Une petite fille – Kazbek Akhmedyarov / Takafumi Watanabe
Le Cinéma – Gaëlle Riou, Jérôme Buttazzoni, Henrik Victorin
Chanson pour Marilyn – Frédérique Vivan, Michel Rahn
Vie violence – Nuria Arteaga, Maria Gutierrez, Gaëlle Riou, Maki Matsuoka , Evelyne Spagnol
Kazbek Akhmedyarov, Jérôme Buttazzoni, Henrik Victorin, Vladimir Bannikov, Demian Vargas
Armé d’amour – Michel Rahn
Pauline Borreau, Gaëlle Riou, Ina Lesnakowski, Juliette Thelin, Estelle Fournier
Thomas Bieszka, Jérôme Buttazzoni, Julian Ims
Je suis sous – Maria Gutierrez, Nuria Arteaga, Evelyne Spagnol
Guillaume Ferran, Takafumi Watanabe, Demian Vargas, Vladimir Bannikov, Hugo Mbeng
Ballet du Capitole de Toulouse
Musique enregistrée
Vendredi 14 mai et dimanche 16 mai 2010, Théâtre du Casino Barrière, Toulouse
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