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critiques et comptes rendus
Ballet du Capitole de Toulouse

02 - 03 avril 2010 : Giselle (Nanette Glushak) au Casino-Théâtre Barrière


le ballet du capitole dans giselle
Giselle (chor. Nanette Glushak)

C’est dans le cadre cossu et un peu tape-à-l’œil du Casino-Théâtre Barrière que le Ballet du Capitole s’est déplacé pour nous présenter sa version de Giselle. Au répertoire de la troupe depuis de nombreuses années, ce ballet célèbre entre tous, tout en restant fidèle à la tradition, bénéficie au fil des reprises d’approfondissements constants, et résiste à tous les changements dans les effectifs de la compagnie.

Ce qui frappe avant tout dans cette production, c’est la science parfaite de la pantomime que Nanette Glushak et Michel Rahn ont transmise et inculquée à tous les danseurs. Cette pantomime, si importante au premier acte, n’est jamais laissée au hasard et retranscrit de manière intelligente et lisible le déroulement de la tragédie qui se noue. Les gestes sont toujours justes, précis, mais aussi élégants et surtout jamais prosaïques. Quelques exemples peuvent en témoigner: lors du premier affrontement entre Loys-Albrecht et Hilarion, celui-ci sort son couteau. Loys a alors le réflexe de mettre la main à l’épée, ce qui éveille les soupçons du garde-chasse. Un peu plus loin, Nanette Glushak a choisi de remplacer le récit de la Mère, par une expression plus sobre de son pressentiment, lié à une antique légende, que sa fille au cœur trop fragile est en danger.

kazbek akhmedyarov et maria gutierrez dans giselle
Kazbek Akhmedyarov (Loÿs) et Maria Gutierrez (Giselle)

Les aspects dramatiques sont toujours sous-jacents pendant la fête des vendanges, mais sans ostentation inutile. La tension ne cesse de monter jusqu’à la scène de la folie, puis la mort de Giselle. Toute cette fin du premier acte est à citer en exemple à beaucoup de compagnie de ballets, à l’heure où la juste expression théâtrale est parfois galvaudée.

Au lieu de gardes-chasse jouant aux dés, le deuxième acte commence par un détail touchant : Hilarion venu se recueillir sur la tombe de Giselle fabrique une croix sommaire avec des branches. L’atmosphère de ce deuxième acte est constamment lugubre. En effet, pour Nanette Glushak, les Wilis sont des êtres foncièrement maléfiques, à rapprocher des vampires. Le teint blafard, le maquillage cadavérique, le regard fixe, le tutu d’un vert végétal, les éclairages lunaires de Allain Vincent, le sombre décor de Farouk Ratib, tout concourt à cet aspect morbide.

kazbek akhmedyarov et maria gutierrez dans giselle
Kazbek Akhmedyarov (Albrecht) et Maria Gutierrez (Giselle)

Mais pour produire Giselle, il faut avant tout des danseuses capables d’interpréter ce «rôle des rôles», le plus difficile peut-être du répertoire. Maria Gutierrez, c’est peu de le dire,  est une Giselle idéale. Paysanne naïve au début du premier acte, elle se transforme en personnage de tragédie en réalisant son erreur. Elle est simplement bouleversante. Méconnaissable au deuxième acte, quand elle réapparaît fantomatique, elle semble ne jamais toucher terre tellement elle réussit à paraître immatérielle.

On attend davantage Evelyne Spagnol dans des rôles de comédie. Elle connaît pourtant à la perfection celui de Giselle. Elle a même créé la première version de Nanette Glushak pour le Ballet du Capitole. La qualité de ses ballottés, signature chorégraphique du personnage au premier acte, puis ses arabesques penchées et son moelleux infini dans le grand pas de deux du deuxième, sont dignes de tout éloge.

kazbek akhmedyarov et maria gutierrez dans giselle
Kazbek Akhmedyarov (Albrecht) et Maria Gutierrez (Giselle)

C’est Kazbek Akhmedyarov qui a été choisi pour partenaire de Maria Gutierrez. On ne sait pas toujours à quoi s’attendre avec ce danseur de grand talent, tant il fait preuve parfois d’inégalités dans ses prestations. Il est pourtant particulièrement inspiré dans le rôle d’Albrecht, et son potentiel technique fait merveille. Valerio Mangianti est un Albrecht tout aussi convaincant. Ce duc de Silésie, échappé de son château peut-être dans le dessein de se divertir d’une jeune paysanne, est dès le début sincèrement amoureux de Giselle. Son remords au deuxième acte n’en est que plus fort, et l’acharnement des Wilis contre lui plus cruel. Son châtiment culmine avec une impressionnante série de 26 entrechats, parfaitement exécutés.

On retrouve avec plaisir Minh Pham en Hilarion. Sa technique est toujours aussi précise et le personnage qu’il compose est d’une grande intelligence. En deuxième distribution, Henrik Victorin, plus instinctif, plus violent, présente une autre facette du personnage.

juliana bastos dans giselle
Juliana Bastos (Myrtha)

Paola Pagano et Juliana Bastos s’échangent les rôles de Bathilde et Myrtha. Très belle en princesse de Courlande, Juliana Bastos possède une technique rayonnante et l’autorité nécessaire pour la reine des Wilis. Paola Pagano la surpasse toutefois dans l’aspect désincarné du personnage, venu d'un au-delà. La grande scène des Wilis en devient véritablement hallucinante.

Le couple de vendangeurs du premier acte, au bonheur sans nuage, forme un parfait contrepoint au couple principal. Deux danseurs à la technique des plus brillantes, Magali Guerry et Davit Galstyan font assaut de virtuosité dans leur grand pas, elle avec ses pointes magnifiques, lui avec des sauts toujours plus réjouissants, agrémentés de brisés volés de haute tenue qu’on ne lui connaissait pas encore. Si Davit Galstyan assure bravement les quatre représentations, Magali Guerry alterne avec Maki Matsuoka. Cette danseuse qui effectue sa première saison à Toulouse est sur la voie de l'excellence et nous étonne à chaque prise de rôle par sa facilité et son naturel. Parmi les rôles secondaires, il faut souligner l'émouvante composition de Marina Lafargue en Berthe, la mère de Giselle.

maria gutierrez dans giselle
Maria Gutierrez (Giselle)

L’orchestre du Capitole, en formation réduite, est dirigé avec attention et allant par le chef suisse Philippe Béran. On peut féliciter particulièrement l’altiste solo pour sa prestation dans l’adage du deuxième acte.

Par les soins portés à mille détails dans la scénographie, par la qualité de ses solistes et du corps de ballet presque au grand complet, cette version de Giselle peut en remontrer à bien des compagnies qui semblent routinières ou communes dans la même œuvre. Elle se place en tout cas au premier rang des ballets classiques, à côté du Casse-Noisette de Michel Rahn, dans le répertoire du Ballet du Capitol
e.



Jean-Marc Jacquin © 2010, Dansomanie



evelyne spagnol et valerio mangianti dans giselle
Le croisement des Wilis


evelyne spagniol dans giselle
Evelyne Spagnol (Giselle)


paola pagano dans giselle
Paola Pagano (Myrtha)


henrik victorin dans giselle
Henrik Viktorin (Hilarion)


evelyne spagnol et valerio mangianti dans giselle
Evelyne Spagnol (Giselle) et Valerio Mangianti (Albrecht)


Giselle
Musique : Adolphe Adam

Chorégraphie : Nanette Glushak, d'après Jules Perrot, Jean Coralli et Marius Petipa
Décors : Farouk Ratib
Costumes : Joop Stokvis
Lumières : Allain Vincent

Giselle – Maria Gutierrez  (02/04) / Evelyne Spagnol (03/04)
Loÿs / Albrecht – Kazbek Akhmedyarov (02/04) / Valerio Mangianti (03/04)
Myrtha – Juliana Bastos (02/04) / Paola Pagano (03/04)
Hilarion – Minh Pham (02/04) / Henrik Victorin (03/04)
Berthe – Marina Lafargue
Bathilde – Paola Pagano (02/04) / Juliana Bastos (03/04)
Le Prince de Courlande – Jérôme Buttazzoni
Wilfried – Frédérik Sellier
Vendangeurs – Magali Guerry, Davit Galstyan (02/04) / Maki Matsuoka, Davit Galstyan (03/04)


Ballet du Capitole de Toulouse
Orchestre National du Capitole, dir. Philippe Béran

Vendredi  02 et samedi 03 avril 2010,  Casino-Théâtre Barrière, Toulouse


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