|
|
|
|
|
Compagnie Julien Lestel
07 janvier 2010 : Constance, de Julien Lestel, à l'Espace Cardin (Paris)
Julien Lestel au maquillage, quelques minutes avant la représentation
Questions brèves à Julien Lestel :
Dansomanie : Pourquoi le choix de L'Amant de Lady Chatterley comme support ou prétexte littéraire à Constance?
Julien Lestel :
Quand j'ai relu ce roman, je l'ai immédiatement imaginé en
mouvement, et les thèmes principaux qui s'en dégageaient
m'ont tout de suite inspiré pour en faire une
chorégraphie ; je trouvais interessant de donner à cet
ouvrage qui date du début du siècle un côté
moderne et actuel.
Dansomanie : Comment
en avez-vous réalisé la transposition
chorégraphique? S'agit-t-il d'une adaptation sous forme de
ballet narratif (comparable, toutes proportions gardées,
à La Dame aux camélias de Neumeier ou à Onéguine de Cranko, ou avez-vous préféré n'en retenir que des impressions, une atmosphère?
Julien Lestel : Je
n'ai pas voulu en faire une adaptation chorégraphique ni une
oeuvre narrative mais seulement traiter les thèmes majeurs qui
se dégagent de cette histoire tout en utilisant les trois
personnages principaux. C'est ainsi que je parle du parcours possible
de l'être humain, de l'isolement à l'ouverture vers soi et
vers autrui et qui par là revêt une dimension universelle.
Dansomanie : Pour
l'Espace Cardin, vous avez ramené - en raison des
dimensions de la scène - l'effectif de 8 à 4 danseurs.
Est-ce que lors de la conception du ballet, vous aviez d'emblée
prévu une certaine "modularité" en fonction de conditions
de répresentations spécifiques, ou bien avez-vous
été obligé de réaliser un arrangement
particulier pour l'Espace Cardin?
Julien Lestel : Dès
le départ, j'ai créé ce ballet pour 8 ou pour 4
danseurs en fonction des scènes que nous allions rencontrer, la
scène de l'Espace Pierre Cardin étant assez
réduite et les danseurs de l'Opéra de Paris n'ayant pas
le droit de danser à Paris en dehors de l'Opéra Garnier
et de l'Opéra Bastille, la version à 4 s'est très
vite imposée.
Dansomanie : L'Espace Cardin est lié à la genèse des Âmes frères, qui est un ouvrage très personnel. Aviez-vous Les Âmes frères encore à l'esprit en revenant dans les lieux pour y monter Constance?
Julien Lestel : Oui bien sûr. J'ai créé les Âmes frères
à l'Espace Pierre Cardin que nous avons déjà
donné quatre fois dans ce lieu et quand nous sommes revenus danser
Constance, l'atmosphère propre aux Âmes frères
était encore présente. C'est le duo qui a fait
connaître ma compagnie où avec mon frère
d'âme, Gilles Porte, nous exprimons notre fraternité dans
nos corps et dans nos âmes. Nous redonnerons d'ailleurs Les Âmes Frères le 28 janvier à Aix-les-Bains au Théâtre du Casino Grand Cercle.
Dansomanie : D'autres chorégraphies sont-elles en préparation pour les mois à venir?
Julien Lestel : Je travaille sur une nouvelle création, Anastylose, pour Cinthia Labaronne, Gilles Porte et moi même avec le
célèbre pianiste François-René Duchable ;
la Première aura lieu le 30 juin 2010 sur la scène de
l'Opéra de Marseille.
Agnès Lascombes (Constance II)
Après un
pas de deux au Théâtre du Casino d'Enghien, le 7 janvier
dernier, c'est l'intégralité du ballet Constance
que Julien Lestel est venu présenter au public parisien, dans le
cadre, chargé de symboles pour le danseur-chorégraphe du
Ballet National de Marseille, de l'Espace Cardin. Compte tenu de
l'exiguïté de la scène, l'effectif de l'ouvrage a
néanmoins dû être ramené de huit à quatre
interprètes. Par ailleurs, l'équipement technique de
l'Espace Cardin est sensiblement moins performant que celui du
Théâtre du Casino d'Enghien, et, a fortiori, de
l'Opéra de Marseille, où Constance
fut créé en juin 2009. Cela s'est ressenti au niveau de
la sonorisation et, surtout, des éclairages ; ils ne rendaient
ici pas totalement justice au travail de Max Haas, qui avait
conçu les lumières avec beaucoup de soin.
Cinthia Labaronne (Constance I) et Gilles Porte (Clifford)
Evocation plus que narration, Constance, inspiré par l'Amant de Lady Chatterley,
de David Herbert Lawrence, vaut, tout particulièrement dans cette
version pour quatre danseurs, par les pas de deux, d'une grande
fluidité et réussis sur le plan de la plastique,
alternant efficacement sensualité et violence. Le propos perd en
revanche un peu de son impact dans les ensembles, plus conventionnels.
Cinthia Labaronne (Constance I)
Les "doubles", ou plus exactement les deux incarnations de
Constance - épouse et maîtresse -, sont bien
différenciées tant physiquement que du point de vue du
style. A Agnès Lascombes, plus reservée, plus
introvertie, s'oppose Cinthia Labaronne, au tempérament
incandescent. La femme soumise à Clifford s'efface devant la
maîtresse passionnée, qui se consume pour Mellors. De
fait, Mlle Labaronne, qui a l'étoffe d'une soliste de niveau
international, domine la distribution : qualités artistiques
évidentes, forte présence scénique et technique
irreprochable. Le même contraste distingue les deux
interprètes masculins, Gilles Porte (Clifford, le mari) et
Julien Lestel (Mellors, l'amant). A l'opposition - voulue - entre le
couple Constance / Clifford (A. Lascombes - G. Porte), marqué
par l'indifférence, l'incompréhension réciproque
et la paire Constance / Mellors (C. Labaronne / J. Lestel),
placée sous le signe de l'emportement amoureux, se superpose une
seconde ligne de fracture, entre personnages du même sexe.
Gilles Porte (Clifford) et Agnès Lascombes (Constance II)
L'antinomie masculin / féminin se retrouve ainsi
également entre les deux incarnations de Lady Chatterley d'une
part, et entre Mellors et Clifford : des rapports de dominant(e)
à dominé(e), de contrainte et de séduction,
s'instaurent imperceptiblement, et l'ombre des Âmes frères en vient à planer sur cette Constance.
Nous ne pouvons ici déterminer s'il s'agit d'un choix artistique
délibéré, mais la présence de Julien Lestel
en tant qu'interprète unique de Mellors vient
indéniablement légitimer une telle lecture, propre
d'ailleurs à rendre plus complexe et plus intéressante la
psychologie des protagonistes.
Gilles Porte (Clifford), Agnès Lascombes (Constance II) et Julien Lestel (Mellors)
Cette première parisienne de Constance
aura, en tout état de cause, été un succès
pour M. Lestel et sa compagnie, d'autant que nombre de
personnalités artistiques et politiques de premier plan
s'étaient déplacées pour assister au spectacle.
R. F. © 2010, Dansomanie
Constance
Musique : Philip Glass
Chorégraphie : Julien Lestel
Constance Chatterley : Cinthia Labaronne (I), Agnès Lascombes (II)
Mellors : Julien Lestel
Clifford : Gilles Porte
Jeudi 7 janvier 2010, Espace Cardin, Paris
|
|
|