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Ballet du Capitole de Toulouse
23 décembre 2009 : "Saison russe" à la Halle aux grains
Valerio Mangianti et Maria Gutierrez dans Roméo et Juliette (chor. N. Glushak)
A rebours de la plupart des autres grandes compagnies de danse, le
Ballet du Capitole ne célèbre pas avec ce spectacle le
centenaire des fameux Ballets russes de Serge de Diaghilev. Il
s’agit de s’inscrire dans le cadre de l’année
2010, année de la Russie en France, en rendant hommage à
la tradition du ballet pétersbourgeois, perpétuée
et amoureusement entretenue jusqu’à nos jours, y compris
pendant la période soviétique.
L’enjeu était aussi de proposer au public toulousain un
spectacle de fête en cette fin d’année. Les
structures techniques de la Halle aux grains rendant impossible la
présentation d’un ballet en plusieurs actes, Nanette
Glushak a opté pour cet ambitieux programme de gala,
composé de pas de deux et de pas d’ensembles
célèbres. C’est en outre une occasion assez
exceptionnelle pour le Capitole de faire briller nombre de ses
individualités, dans un répertoire
régulièrement visité par les plus grandes
étoiles de la danse.
Paola Pagano dans Raymonda (chor. M. Rahn)
La soirée débute par une suite d’extraits de
Raymonda, pour la plupart de l’acte III, acte du mariage.
Malgré le cadre peu chaleureux de la Halle aux grains, le
décorateur Joop Stokvis, créateur également des
costumes, réussit tant bien que mal à donner
l’illusion d’une salle d’apparat. Bien en
évidence au fond, une grande peinture encadrée
représente le théâtre Mariinski, lieu de
création et de référence de la plupart des
œuvres du programme. La chorégraphie de Michel Rahn
s’inspire de celle de Petipa, fidèlement en ce qui
concerne la célèbre variation de « la Claque
», ainsi que la variation pour 4 danseurs.
Valerio Mangianti dans Raymonda (chor. M. Rahn)
Paola Pagano et Juliana Bastos en alternance incarnent deux Raymonda
très différentes. Juliana Bastos, radieuse, est la
Raymonda conquérante, ayant triomphé de ses tourments de
jeune fille. Paola Pagano est d’emblée un personnage de
légende, poétique et tendre, parfois nostalgique. Elle
enchaîne les arabesques ou les équilibres avec une
certaine «morbidezza», comme on chante une aria de Bellini.
La variation de la claque est dansée «à la
russe», c’est-à-dire sans bruit. Comme un clin
d’œil, une claque bien sonore intervient pourtant à
la fin de la variation pour 4 danseuses. La variation des 4 danseurs
est empreinte également d’un humour de bon aloi, bien dans
la veine de Michel Rahn.Valerio Mangianti est un solide Jean de
Brienne, prenant de l’assurance au fil des représentations.
Les quelques imprécisions lors de la première seront
rapidement gommées les jours suivants. Toutefois on reste un peu
sur sa faim. Ce «Raymonda digest» paraît trop court
et manque du faste nécessaire. Mais le meilleur est à
venir. Espérons simplement que le très beau et
très pur Raymonda Variations de Balanchine ne soit pas retiré du répertoire du Capitole.
Magali Guerry et Kazbek Akhmedyarov dans Le Corsaire (chor. N. Glushak)
Les trois pas de deux qui composent la suite du programme nous
présentent des talents confirmés, mais aussi de belles
révélations. Magali Guerry dans le Corsaire nous fait admirer sa technique exemplaire. Sa variation, qui n’est autre que celle de la Reine des Dryades de Don Quichotte,
est un véritable enchantement. A ses côtés Kazbek
Akhmedyarov peut déployer toutes les qualités qu’il
avait laissé entrevoir jusqu’à présent. Sa
puissance, sa précision n’ont aucun mal à
«dévorer» l’espace pourtant immense de la
salle. De plus ce personnage à la fois farouche et soumis
à sa partenaire lui convient tout à fait.
Kazbek Akhmedyarov et Magali Guerry dans Le Corsaire (chor. N. Glushak)
En deuxième distribution, Gaëlle Riou forme un couple
très glamour avec Raphaël Paratte. Proportions
idéales, lignes pures, elle présente un visage lumineux,
des ports de bras et de tête toujours expressifs, mais qu'elle
semble pouvoir encore améliorer. Lui surmonte à la
perfection les difficultés techniques de sa variation et de la
coda. Tous les deux nous promettent de belles soirées à
venir au Capitole. Le public ne s’y trompe d’ailleurs pas
en les ovationnant.
Valerio Mangianti et Maria Gutierrez dans Roméo et Juliette (chor. N. Glushak)
La scène du balcon (ici sans balcon!) de Roméo et Juliette
est un des duos d’amour les plus intenses de l’art
dansé. Après les multiples versions de ce ballet, celle
de Lavroski est passablement datée. Maria Gutierrez y
déploie néanmoins des dons de comédienne
accomplie et une souplesse souveraine. Malheureusement, malgré
de beaux portés, l’harmonie avec Valerio Mangianti
n’est pas idéale. Avec leurs costumes ornés de
cocardes tricolores, le couple suivant nous fait brutalement changer
d’atmosphère.
Maki Matsuoka et Davit Galstyan dans Flammes de Paris (chor. V. Vaïnonen)
Le pas de deux des Flammes de Paris
est un véritable feu d’artifice de joie et
d’exubérance populaire. Maki Matsuoka y ajoute un charme
naturel ravissant. Cette danseuse japonaise, qui nous vient de
l’Alberta Ballet, effectue sa première saison au Ballet du
Capitole. On avait déjà pu admirer sa virtuosité
dans The vertiginous thrill of exactitude
de Forsythe. Elle se joue des pirouettes et des fouettés avec
une facilité déconcertante. Davit Galstyan aborde un
rôle qui semble fait pour lui, tellement il peut faire valoir la
fougue et le bonheur de danser qui le caractérisent.Marina
Lafargue témoigne d'une belle énergie et Hugo Mbeng
déploie une puissance et une élévation hors du
commun. Assurément il est bientôt prêt pour aborder
les rôles de soliste.
Davit Galstyan dans Flammes de Paris (chor. V. Vaïnonen)
Le Grand Pas classique de Paquita
est l’un des plus brillants et représente peut-être
la quintessence de l’art de Petipa, en dehors de tout support
dramatique. La présentation qui en est faite à Toulouse
est digne du grand maître et forme une sorte
d’apothéose au spectacle. Maria Gutierrez y est plus
éblouissante que jamais. Kazbek Akhmedyarov est
littéralement transfiguré dans ce répertoire on ne
peut plus classique. Davit Galstyan danse grand et fier avec beaucoup
d’élégance et de style. Grâce à un
travail rigoureux avec ses professeurs, celui dont Nanette Glushak aime
à dire qu’il possède un «talent
sauvage» a consolidé son haut du corps, qui était
naguère son point faible. De plus l'entente avec Maria
Gutierrez est parfaite. Ils semblent toujours danser l'un pour l'autre
lors du pas de deux.
Maria Gutierrez et Kazbek Akhmedyarov dans le Grand pas de Paquita (chor. N. Glushak)
Les trois variations féminines intercalées (sans la variation de Cupidon de Don Quichotte)
sont interprétées notamment par Juliana Bastos, à
la technique moelleuse, la très romantique Lucille Robert, et
surtout Gaëlle Riou. Cette dernière nous gratifie
d’un travail de bras qui semblent redessiner l’espace et
nous raconter une histoire.
C’est en grand spécialiste qu’il est que le chef
David Coleman dirige l’Orchestre du Capitole. Toujours attentif
à la scène, il fait vivre avec autant de conviction les
riches diaprures de Glazounov, compositeur de première valeur
trop oublié des programmes de concerts, ou les joyeux flonflons
de Minkus ou Drigo. Avec un tel soutien, les danseurs peuvent exprimer
le meilleur d'eux-mêmes.
Le Ballet du Capitole s’était lancé un défi
de grande ampleur, toute la compagnie l'a relevé
fièrement avec enthousiasme, volonté de gagner, et
même bravoure et panache. Ce sont justement ces qualités
que les Toulousains savent ô combien reconnaître et
applaudir.
Jean-Marc Jacquin © 2009, Dansomanie
Raymonda (Extraits du 3ème acte)
Musique : Alexandre Glazounov
Chorégraphie : Michel Rahn, d'après Marius Petipa
Costumes : Joop Stokvis
Avec :
Paola Pagano (1ère distribution) / Juliana Bastos (2ème distribution)
Valerio Mangianti
Isabelle Brusson / Maki Matsuoka, Lucille Robert / Magali Guerry, Gaëlle Riou / Marina Lafargue,
Evelyne Spagnol
Jérôme Buttazzoni / Takafumi Watanabe, Hugo Mbeng / Henrik Victorin, Raphaël Paratte, Davit Galstyan
Flammes de Paris (Pas de deux du 4ème acte)
Musique : Boris Assafiev
Chorégraphie : Vassili Vaïnonen
Costumes : Joop Stokvis
Avec :
Maki Matsuoka, Davit Galstyan (1ère distribution)
Marina Lafargue et Hugo Mbeng (2ème distribution)
Roméo et Juliette (Scène du balcon, pas de deux)
Musique : Serge Prokofiev
Chorégraphie : Nanette Glushak d’après Leonid Lavrovski
Costumes : Joop Stokvis
Avec : Maria Gutierrez, Valerio Mangianti
Le Corsaire (Pas de deux)
Musique : Riccardo Drigo, Yuli Gerber, Boris Vietinghoff-Schell
Chorégraphie : Nanette Glushak d’après Marius Petipa
Costumes : Joop Stokvis
Avec :
Magali Guerry, Kazbek Akhmedyarov (1ère distribution)
Gaëlle Riou, Raphaël Paratte (2ème distribution)
Paquita (Grand pas)
Musique : Ludwig Minkus
Chorégraphie : Nanette Glushak d’après Marius Petipa
Décors : Farouk Ratib
Costumes : Joke Visser
Avec :
Maria Gutierrez
Kazbek Akhmedyarov (1ère distribution) / Davit Galstyan (2ème distribution)
Juliana Bastos, Marina Lafargue, Gaëlle Riou, Magali Guerry, Lucille Robert, Maki Matsuoka
1ere variation: Juliana Bastos (1ère distribution) / Marina Lafargue (2ème distribution)
2eme variation: Gaëlle Riou (1ère distribution) / Maki Matsuoka (2ème distribution)
3eme variation: Lucille Robert
Ballet du Capitole de Toulouse
Orchestre national du Capitole, dir. David Coleman
Mercredi 23 décembre 2009, Halle aux grains, Toulouse
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