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critiques et comptes rendus
Royal Ballet (Londres)

14 décembre 2009 : Les Patineurs (F. Ashton) - Tales of Beatrix Potter (A. Dowell)


laura mcculloch et cindy jourdain dans les patineurs
Laura McCulloch et Cindy Jourdain dans Les Patineurs

Toutes les alternatives à Casse-Noisette sont presque les bienvenues au mois de décembre, et le Royal Ballet reprenait cette année une soirée mixte à la popularité éprouvée. Sur le papier, la présence de Frederick Ashton et les thèmes respectifs des Patineurs et de Tales of Beatrix Potter donnent par ailleurs une identité typiquement anglaise à l'ensemble, loin des grands ballets hybrides auxquels chaque culture cherche à apporter sa marque – mais si la première partie est un délice hivernal qui se suffit à lui-même, Beatrix Potter marque une forme de retour en enfance dont on se passerait volontiers.

ryoichi hirano et tara-brigitte bhavnani dans les patineurs
Ryoichi Hirano et Tara-Brigitte Bhavnani dans Les Patineurs


Un charme à la fois suranné et amusé émane des Patineurs, l'une des oeuvres de jeunesse d'Ashton, chorégraphiée en 1937. Les protagonistes, élégamment vêtus, se succèdent sur une « glace » entourée de légers portiques blancs, sous des lampions d'hiver multicolores. Créé si peu de temps avant la Seconde Guerre Mondiale, Les Patineurs célèbre une certaine carte du Tendre, à la légèreté éphémère, déjà nostalgique - fourrures et socquettes ont quelque chose d'adorablement décalé, et le tout ressemble à un calendrier de l'Avent enneigé, dont la nature n’est pas de durer.

La chorégraphie n'est pas en reste, musicale, légère, parsemée de touches d'humour que les danseurs soulignent à plaisir. Ainsi de l'entrée entre patinage et ski de fond des deux Filles en Bleu, avec leur sourire en coin, ou des sorties « chassées » et des chutes mises en scène des uns et des autres, délicieusement ridicules. Même l'unique couple de l'oeuvre, en blanc, joue une partition aux dissonances pleines de grâce – Sarah Lamb, éblouissante en blanc, possède le glamour d’une star de cinéma de l’entre-deux-guerres, tandis que Rupert Pennefather adopte le rôle de son fidèle miroir. Le duo de demoiselles en bleu est quant à lui dansé avec un esprit tout anglais par Yuhui Choe (sourire malicieux et fouettés d'acier) et Laura Morera, pour qui les difficultés techniques sont une promenade au parc d’à côté.

steven mcrae en blue boy dans les patineurs
Steven McRae en Blue boy dans Les Patineurs

Et Les Patineurs, truffé de passages d'une virtuosité éblouissante, vient en effet nous rappeler la puissance des solistes d'une autre époque – auxquels Steven McRae, aux allures de Fred Astaire, fait honneur dans le rôle principal. En bleu lui aussi, il propose une danse d'une perfection technique et d'un raffinement de moyens que l'on serait en droit de n'exiger que d’étoiles expérimentées. Les jeux musicaux les plus spirituels d'Ashton sont retranscrits avec un naturel déconcertant, et lorsque le rideau est tombé sur une série de pirouettes à la seconde à la vitesse démoniaque, une vitesse de patineur sur glace, le public lui a réservé une ovation à la mesure du lien qu'il sait créer.


ludovic ondiviela tom thumb et iohna loots hunka munka dans the tales of beatrix pottter
Ludovic Ondiviela (Tom Thumb) et Iohna Loots (Hunka Munka) dans  The Tales of Beatrix Pottter

The Tales of Beatrix Potter est aux Patineurs ce qu'une série pour enfants est à une oeuvre d'art, et malgré la légèreté de saison des deux oeuvres, le spectateur de plus de dix ans ne peut que rester sur sa faim. Soit une série de scènes inspirées des célèbres histoires pour enfants de Beatrix Potter, tout droit venues d'une Angleterre victorienne, et dansées sur fond de mélodies du XIXe siècle arrangées par John Lanchbery. Les décors ont été réalisés avec soin par Christine Edzard, de la maison de poupées géante à un étang, et les danseurs disparaissent sous les traits de Pierre Lapin, Noisette l’écureuil ou de Sophie Canétang, pour reprendre les traductions françaises. Le tout est charmant, mais la chorégraphie est logiquement limitée à un exercice d’illustration par les très lourds costumes. A soixante-cinq minutes, l’amusement se transforme rapidement en impatience.

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Samantha Raine (Jemima Puddleduck) et Gary Avis (The Fox) dans The Tales of Beatrix Pottter

De minuscules parodies du répertoire classique viennent heureusement insuffler de temps à autre un air de second degré à l’ensemble, en réalité une adaptation réalisée par Anthony Dowell de passages créés pour la télévision. Mr. Jeremy Fisher, la grenouille du zoo, se lance dans des sauts à califourchon sur son parapluie qui rappellent irrésistiblement Alain et La Fille mal gardée – d’autres entament une parodie d’adage à la rose ou d’Oiseau bleu, tandis que l’air du Cupidon de Don Quichotte revient comme un leitmotiv.

kenta kura mr jeremy fisher dans the tales of beatrix pottter
Kenta Kura (Mr. Jeremy Fisher) dans  The Tales of Beatrix Pottter

Laura Morera et Bennet Gartside brillent particulièrement dans les rôles de deux cochons amoureux, Bennet Gartside trottinant allègrement sur pointe autour de sa partenaire. L’engagement des danseurs est évident de bout en bout, les enfants dans l’assistance sont enchantés, et c’est normal : ce Tales of Beatrix Potter n’a sans doute été créé que pour eux.



Laura Cappelle © 2009, Dansomanie



ricardo cervera johnny townmouse dans the tales of beatrix pottter
Ricardo Cervera (Johnny Townmouse ) dans  The Tales of Beatrix Pottter


james hay squirrel nutkin dans the tales of beatrix pottter
James Hay  (Squirrel Nutkin) dans  The Tales of Beatrix Pottter



Les Patineurs
Musique : Giacomo Meyerbeer
Chorégraphie : Frederick Ashton, remontée par  Christoper Carr et Grant Coyle
Décors : William Chappell

Lumières : John B. Read

Avec : Steven McRae, Laura Morera, Mara Galeazzi
Sarah Lamb, Rupert Pennefather


The Tales of Beatrix Potter
Musique : John Lanchbery
Chorégraphie : Anthony Dowell d'après Frederick Ashton, remontée par  Christoper Carr et Grant Coyle
Décors : Christine Edzard - Catherine Goodley
Masques : Rostislav Doboujinsky
Lumières : Mark Jonathan

Avec : le Corps de ballet

The Royal Ballet
Orchestra of the Royal Opera House, Covent Garden
Dir. Paul Murphy


Lundi 14 décembre 2009,  Royal Opera House, Londres


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