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Royal Ballet (Londres)
26 novembre 2009 : Casse-noisette (chor. Peter Wright)
Iohna Loots (Clara)
Le Casse-noisette
de Peter Wright est presque devenu synonyme de Noël dans le monde de la
danse anglaise, tant il est omniprésent pendant les fêtes – au Royal
Opera House, évidemment, mais également à Birmingham dans une version
modifiée pour le Birmingham Royal Ballet qui a souvent les faveurs du
public. Le Royal Ballet fête cette année le vingt-cinquième
anniversaire de ce pilier du répertoire, déjà dansé plus de trois cents
fois, mais dont l'histoire retravaillée conserve une candeur joyeuse.
Miyako Yoshida (la Fée dragée)
Cette version a le mérite d'aller au bout d'une idée reçue – celle que Casse-noisette
est un charmant ballet familial destiné à divertir pendant l'hiver,
avec sa magie, ses flocons virevoltants et ses improbables batailles de
soldats et de souris. Peter Wright a corrigé le livret originel pour
donner plus de consistance au personnage du Casse-noisette, devenu
Hans-Peter, le neveu de Drosselmeyer, emprisonné dans un jouet par une
impitoyable Reine des Souris. Clara le délivre donc, et le deuxième
acte, au Royaume des Sucreries, est un divertissement donné en leur
honneur par Drosselmeyer. Ces ajouts narratifs rendent parfois
l'histoire plus cohérente, mais ont aussi tendance à mettre en évidence
les ficelles dramatiques quelque peu lâches du ballet – si Balanchine a
dit un jour qu'il n'y avait pas de belles-mères dans cet art, il n'est
pas certain non plus qu'il y ait des oncles.
Gary Avis (Drosselmeyer)
Mais Casse-noisette vaut rarement pour la force de sa narration,
et Peter Wright joue avec art la carte du grand divertissement. De
l'atelier de Drosselmeyer, sur lequel s'ouvre et se ferme le ballet, au
royaume de la Fée Dragée, en passant par l'impressionnante
transformation d'un rutilant sapin, le Royal Ballet a poli tous les
détails de la production. Les intérieurs et les costumes de la fête
apportent une touche victorienne qui contraste avec l'explosion de
sucre du second acte, et rappelle les valeurs d'ancien régime qui
prévalaient à l'époque de la nouvelle d'Hoffmann. Quant au merveilleux,
il est traité sans détours, avec une candeur qui autorise également le
public à suspendre le doute et entrer dans le rêve – la chaleur qui
émane de l'interprétation explique sans doute la réaction enchantée de
la salle, même si certains détails provoquent un amusement inattendu
(l'armée d'anges de Noël, notamment).
Iohna Loots (Clara)
Clara mène logiquement les festivités dans ce ballet, et si elle
doit ici céder le grand pas de deux final à la Fée Dragée, Peter Wright
la fait intervenir dans la plupart des danses de caractère du second
acte aux côtés de Hans-Peter. Si le divertissement est donné en son
honneur, après tout, pourquoi n'y prendrait-elle pas part ? Iohna Loots
danse le rôle depuis des années et le maîtrise à merveille, mais elle
semble désormais en avoir dépassé l'âge, et l'innocence supposée du
personnage s'en ressent. Il est assez étonnant par ailleurs de voir
Clara dotée d'un partenaire auquel elle n'est pas insensible pendant la
fête du premier acte, là où Peter Wright développe ensuite sa relation
avec Hans-Peter (dansé par Ricardo Cervera, excellent). L'assistant de
Drosselmeyer, joué par Jonathan Howells, est par contre un ajout
judicieux à la mise en scène des tours de magie, et les poupées
mécaniques deviennent dans ce Casse-noisette Harlequin, Colombine, un soldat et une vivandière, tous dansés par des solistes expérimentés.
Un Rat
Le premier acte se termine sur une Valse des flocons qui va en
s'améliorant et connaît quelques moments féériques sous la neige.
Drosselmeyer fait ici le lien avec le second acte en introduisant Clara
et Hans-Peter dans le Royaume des Sucreries – l'un des points forts en
est peut-être la scène de mime par laquelle le neveu du magicien
explique à la Fée Dragée et à son Prince comment il a été délivré,
monologue qui donne du sens à l'improbable rencontre entre les deux
couples. La suite de l'acte est composée d'un divertissement tel que
les ballets classiques en ont le secret, Laura McCulloch proposant
notamment une danse arabe d'une féminité et d'une sensualité affirmées,
entravée seulement par les quelques difficultés de ses partenaires
masculins. Les objections à la participation de Clara et Hans-Peter,
qui modifie les danses de caractère, sont compréhensibles, mais les
deux personnages ont contribué au succès festif des danses russe ou
chinoise. Quant à la Valse des fleurs, si le corps de ballet semble à
son aise, le remplacement de Laura Morera par Helen Crawford n'a pas
été très heureux, et la Fée des Roses a connu quelques chutes de pointe
et dérapages.
Steven McRae (le Prince) et Miyako Yoshida (la Fée dragée)
Avouons cependant que l'un des attraits principaux de cette
représentation était la présence dans le rôle de la Fée Dragée de
Miyako Yoshida. La ballerine japonaise ayant annoncé il y a quelques
jours qu'elle prendrait sa retraite à la fin de la saison, ces Casse-noisette
sont un premier au revoir, dans un rôle qu'elle a marqué ; immortalisée
en DVD avec Jonathan Cope, elle a par ailleurs dansé la plupart des
premières de cette version de Peter Wright ces dix dernières années. Sa
biographie ne s'arrête pas là, mais peu importe ; elle montre sur scène
à quel point sa danse a gardé une délicatesse et une fraîcheur
surannées. La technique n'est là qu'à demi-mot, implicite, mais les
années semblent ne jamais l'avoir altérée. Ses lignes, dominées par une
impressionnante sérénité du haut du corps, sont d'une perfection
ancienne et modeste. C'est une ballerine radieuse qui prend
discrètement possession de la scène, et la voir, cette année, est un
privilège.
Steven McRae (le Prince)
Steven McRae, visiblement très heureux d'être à ses côtés, la
seconde avec galanterie dans le rôle du Prince. Il survole
littéralement sa variation et la coda avec son panache habituel, mais
surtout – McRae fait partie de ces rares jeunes prodiges qui imprègnent
leur technique d'un style impeccable. Le couple assorti qu'il a formé
avec Miyako Yoshida, autrement plus expérimentée et d'un autre
tempérament, suffit à impressionner. Gary Avis, quant à lui, a
l'expérience nécessaire pour le rôle de Drosselmeyer, et se joue des
tours de magie et de l'aura de mystère du personnage. Le ballet se
termine sur Clara rencontrant dans la rue, par hasard, le Hans-Peter
qu'elle a délivré – mais c'est la boîte à musique ciselée du grand pas
de deux que l'on aurait souhaité ne pas avoir à refermer.
Laura Cappelle © 2009, Dansomanie
Casse-noisette
Musique : Piotr Ilitch Tchaïkovsky
Chorégraphie : Peter Wright, d'après Lev Ivanov
Scénographie : Julia Trevelyan Oman
Lumières : Mark Henderson
Clara : Iohna Loots
Le Neveu / Casse-noisette : Ricardo Cervera
Drosselmeyer : Gary Avis
La Fée dragée : Miyako Yoshida
Le Prince : Steven McRae
The Royal Ballet
Orchestra of the Royal Opera House, Covent Garden
Dir. Koen Kessels
Jeudi 26 novembre 2009, Royal Opera House, Londres
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