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Ballet du Capitole de Toulouse
04 novembre 2009 : "Maîtres du XXème siècle" à la Halle aux grains
Nathalie Sawinow et Vanessa Spiteri dans Thème et variations (chor. George Balanchine)
A
l’orée de cette nouvelle saison de ballet à
Toulouse, comment ne pas avoir encore une pensée pour celui qui
est parti poursuivre sa carrière à Essen ? Nous voulons
bien sûr parler de Breno Bittencourt dont de superbes photos en
couleurs ornent les premières pages du livret-programme. La
programmation de cette saison semblait construite en partie pour lui.
Souhaitons-lui qu’une reconnaissance internationale le conduise
vers les sommets, …et le ramène de temps en temps
à Toulouse.
En raison de lourds travaux de mise en conformité au
Théâtre du Capitole, toute la saison se déroulera
«hors les murs». Nous voilà donc de retour à
la Halle aux grains pour le premier spectacle, «Maîtres du
XXe siècle», malheureusement sans la présence de
l’orchestre. Si cette salle à la superbe architecture de
forme hexagonale est à juste titre réputée pour
ses concerts, et peut donner lieu à d’ingénieuses
mises en scène d’opéras, elle ne s’adapte
qu’imparfaitement au spectacle de danse, à moins bien
sûr d’œuvres conçues expressément pour
elle.
Thème et variations,
de Balanchine, hommage au grand ballet pétersbourgeois, en perd
quelque peu de sa majesté dans ce vaste espace.
L’apparition du corps de ballet dans les costumes
étincelants de Joop Skotvis n’en suscite pas moins des
murmures d’admiration. Depuis son entrée au
répertoire en 2004, cette œuvre est devenue une
pièce maîtresse du Ballet du Capitole. La troupe peut y
démontrer toute sa valeur, et sa connaissance parfaite du style
balanchinien.
Davit Galstyan et Magaly Guerry dans Thème et variations (chor. George Balanchine)
C’est à Magali Guerry et Davit Galstyan
qu’échoit l’honneur d’être les solistes
pour la première. Elle est fine et précise, lui montre
tout l'enthousiasme dont il est coutumier. Tous deux font preuve de
toute la musicalité voulue.
La deuxième distribution nous fait retrouver avec plaisir la
vive Maria Gutierrez, avec Kazbek Akhmediarov, danseur noble par
excellence. Dans le pas de deux, les deux couples rappellent avec
bonheur l'image d'une Princesse Aurore et d'un Prince
Désiré, d’une manière plus distanciée
et amusée pour Magali Guerry, plus émerveillée et
au premier degré pour Maria Gutierrez.
Falling Angels (chor. Jiří Kylián)
Avant de parler de Falling Angels de Jiří Kylián, il faut évoquer d’abord l’extraordinaire musique de Steve Reich. Drumming,
du moins sa première section, jouée par quatre
percussionnistes virtuoses placés au bord de la scène,
combine la musique répétitive, et l'influence de la
musique traditionnelle d'Afrique de l'ouest. Des rythmes subtilement
déphasés et superposés, de plus en plus complexes,
se poursuivent sans jamais se rejoindre tout à fait, et
finissent par suggérer des mélodies de rythmes et de
timbres sans cesse fluctuantes.
Frédérique Vivan dans Falling Angels (chor. Jiří Kylián)
Sur cette musique huit danseuses enchaînent sans aucun
répit les mouvements les plus divers, du plus sublime au plus
trivial, du plus primitif au plus sophistiqué, du plus
angoissant au plus grotesque. Les expressions du visage sont partie
intégrante de la chorégraphie. L’ensemble est
littéralement époustouflant. La tension ne cesse de
monter jusqu'à l'arrêt brutal.
Ina Lesnakowski dans Falling Angels (chor. Jiří Kylián)
Les interprètes, musiciens ou danseuses, sont parfaitement
à l'unisson. Citons notamment Pauline Borreau, petit animal pris
au piège, Nuria Arteaga, possédée par la musique,
ou Frédérique Vivan, vamp déjantée.
Avec The Vertiginous Thrill of Exactitude
("Le vertigineux frisson de l’exactitude"), ballet pour trois
danseuses et deux danseurs, William Forsythe nous pose un
problème sur la démarche artistique du
chorégraphe. La chorégraphie, en poussant à
l'extrême le langage néoclassique issu de Balanchine, est
d’une difficulté terrifiante tant les enchaînements
de pas, comportant beaucoup d'hyper-extensions, sont rapides et
éprouvants.

Valerio Mangianti dans The Vertiginous Thrill of Exactitude (chor. William Forsythe)
Le dernier mouvement de la Grande symphonie de Schubert, en forme de perpetuum mobile,
sonne tout d’un coup comme une course à
l’abîme. Les costumes de Stephen Galloway sont comme un
défi au bon goût et semblent sortis, probablement à
dessein, d'un vieil épisode oublié de Star Trek, surtout
les drôles de tutus jaunes des danseuses. Est-ce un point
d’aboutissement du style néo-classique ? Un point limite?
Ou bien un point de non-retour ? La question reste ouverte tant on est
parfois proche de la performance sportive.
Valerio Mangianti et Isabelle Brusson dans The Vertiginous Thrill of Exactitude (chor. William Forsythe)
Davit Galstyan, ainsi que Thomas Bieszka, qui se révèle
dans ce rôle, savent déjouer cet écueil. Mais
c’est surtout Gaëlle Riou qui domine la distribution. Cette
splendide danseuse a de toute évidence acquis une nouvelle
dimension depuis son élévation au grade de demi-soliste.
Elle transcende les difficultés sans jamais se départir
d’une grâce infinie. On a hâte de retrouver son
tempérament artistique dans le prochain spectacle où elle
dansera les grands pas de deux classiques de la tradition russe.
Thomas Bieszka, Jérôme Buttazzoni et Valerio Mangianti dans Symphony in D (chor. Jiří Kylián)
La soirée se clôt avec un des ballets les plus burlesques
du répertoire. Comme en écho à la première
partie de la soirée, Symphony in D
de Kylián décortique le ballet classique de la
manière la plus facétieuse. Ce «Balanchine chez les
Marx Brothers» combine la musicalité la plus accomplie aux
facéties les plus hilarantes . Les danseurs s’en
donnent visiblement à cœur joie, sans toutefois souligner
outre mesure les innombrables effets comiques. Frédérique
Vivan et Valerio Mangianti se font particulièrement remarquer,
mais toute la troupe est dans le ton juste et on rit beaucoup.
Thomas Bieszka et Paola Pagano dans Symphony in D (chor. Jiří Kylián)
Ne
nous y trompons pas. A travers ces fausses entrées, ces
malentendus, ces appariements malheureux, Kylián dénonce
en sourdine les conventions de façade, les faux-semblants et les
frustrations en tout genre. Il reste le plaisir des sauts et des
pirouettes, l’amour du mouvement, et le rire. N’est-ce pas
l’essentiel au fond?
Jean-Marc Jacquin © 2009, Dansomanie
Thème et variations
Musique : Piotr Ilitch TchaÏkovsky
Chorégraphie : George Balanchine
Costumes : Joop Stokvis
Lumières : Paul Heitzmann
Avec :
Magali Guerry - Davit Galstyan
Maria Gutierrez - Kazbek Akhmedyarov
Falling Angels
Musique : Steve Reich
Chorégraphie : Jiří Kylián
Costumes : Joke Visser
Lumières : Kees Tjebbes
Avec : Nuria Arteaga ou Vanessa Spiteri, Pauline Borreau, Ina Lesnakowski,
Maki
Matsuoka ou Estelle Fournier, Paola Pagano, Lucille Robertou Maria
Gutierrez,
Juliette Thélin, Frédérique Vivan.
The Vertiginous Thrill of exactitude
Musique : Franz Schubert
Chorégraphie : William Forsythe
Costumes : Stephen Galloway
Lumières - Scénographie : William Forsythe
Avec : Isabelle Brusson, Maria Gutierrez ou Maki Matsuoka, Gaëlle Riou
Kazbek Akhmediarov ou Thomas Bieszka, Valerio Mangianti ou Davit Galstyan
Symphony in D
Musique : Joseph Ha ydn
Chorégraphie : Jiří Kylián
Costumes : Joke Visser
Lumières : Kees Tjebbes
Avec : Isabelle Brusson, Paola Pagano, Vanessa Spiteri, Frédérique Vivan,
Fabien Cicoletta ou Raphaël Paratte, Dmitry
Leshchinskiy, Valerio Mangianti,
Frédérik Sellier, Henrik Victorin,
Thomas Bieszka, Jerôme Butazzoni.
Ballet du Capitole de Toulouse
Musique enregistrée
Percussions : Michael de Roo, Arthur Cune, Jacob Goud, Hans Zonderop
Mercredi 04 novembre 2009, Halle aux grains, Toulouse
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