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critiques et comptes rendus
Le Temps d'aimer, Biarritz 11 09 2009 - 20 09 2009


affiche temps d aimer 2009

Thierry Malandain a repris, cette année, la direction du Festival de Danse de Biarritz, «Le Temps d'Aimer», qu'il avait abandonnée pendant quelques années.

«Une pause», dit il... «Un directeur de festival, c'est quelqu'un qui rejette des œuvres et cette fonction devient parfois très lourde. Mais la Mairie m'a demandé de reprendre et j'ai accepté...»
«Quand le diable mène la danse!», c'est le sujet qu'il a choisi pour ce 19e Festival et il invoque, dans son introduction, la première édition du Festival du Film Maudit, lancée à Biarritz par Jean Cocteau, il y a 60 ans...

«Ce qui m'a séduit à nouveau c'est la possibilité d'ouverture qui m'a été donnée. En effet ma première volonté en 2000 avait été d'aller à la rencontre d'un public pas forcément passionné, l'interpeler, lui donner le temps d'aimer la danse en quelque sorte. Traversant le jardin public face à la «Gare du midi», qui est notre lieu de représentations et de répétitions, j'ai été frappé par une petite scène qui servait à des groupes de danses folkloriques ; j'ai voulu que mes danseurs viennent répéter là, de temps en temps, au contact des enfants, des passants, des promeneurs. Je choisis mes danseurs avec cette optique, ils doivent aimer transmettre une passion.

affiche temps d aimer 2009

La «Gigabarre», maintenant copiée à Montpellier, a été ma deuxième volonté. Sur la plage, devant le Casino de Biarritz, est donné un cours de danse qui rassemble tous les âges, du débutant au professionnel, «les apprentis sorciers».

Mais votre rêve à vous, quel est il?

«Bien sûr, c'est de diriger une grande compagnie..., et je gère ce Festival comme le directeur d'une énorme compagnie. J'ai la possibilité d'inviter de très grandes troupes européennes, de celles qu'on voit finalement assez peu en France : le Ballet Royal de l'Opéra de Suède qui est dirigée depuis peu par un Français, Marc Ribaud, le Nederlands Dans Theater1 dont Jiri Kylian est le conseiller artistique et le chorégraphe résident, Carlotta Ikeda, Angel Corella et sa nouvelle compagnie, le Dansk Danse Teater du Danemark et de plus, je peux donner des chances à des formations encore peu connues. Ce tour d'Europe me permet non seulement de programmer du «néo-classique», mais aussi de quitter le goût officiel pour m'aventurer dans d'autres directions.»

Renouveler son œil, y puiser des forces vives pour de nouveaux échanges, pour de nouvelles créations, la danse européenne est sans doute l'une des plus prometteuses dans cette voie et Thierry Malandain l'invite et nous invite au temps d'aimer... 



12 septembre 2009 : Dansk Danse Teater


shadowland par le dansk danse teater
Shadowland, chor. Tim Rushton

Le Dansk dance theater du Danemark a présenté 2 pièces écrites par Tim Rushton qui, né à Birmingham, a été formé au Ballet Royal de Londres, puis a intégré les compagnies du Nord de l'Europe.

La première, Shadowland, écrite en 2001 sur une musique et des textes de la Beat Generation, Ken Nordine, Jack Kerouac..., a un petit coté sulfureux. Le ballet commence par la voix si particulière d'Allen Ginsberg lisant Howl, un scandale littéraire à son époque en raison de son langage cru : «The world is holy! The soul is holy! The skin is holy! The nose is holy! The tongue and cock and hand and asshole are holy! ... Everybody's holy! Everywhere is holy! Every day is an eternity! Everyman is an angel». Les textes sont projetés au sol et les lumières en tuyaux d'orgues sculptent une atmosphère de temple ou dansent de curieuses vestales en pantalon de cuir. La danse est suggestive, avec une sorte de profond détachement, métabolisant des dynamismes soudains. Elle pose assez bien ce que pouvait être la création à ce moment là.

kridt par le dansk danse teater
Kridt, chor. Tim Rushton

Kridt
, écrit en 2005 est à mon avis plus intéressant et exprime la fascination du chorégraphe pour les mots et l'écriture du mot. Le geste ne traduit plus une musique. Il traduit le mot, et même le silence de la découpe et l'émotion qui se dégage de la lecture.
La pièce est très applaudie, elle a reçu un Danish Theatre Award en 1985.


13 septembre 2009 : Compagnie Vilcanota - Bruno Pradet


pousse toi par la compagnie vilcanota
Pousse-toi!, chor. Bruno Pradet

Pousse-toi! de la compagnie Vilcanota créée par Bruno Pradet est une sorte de petite parenthèse comique, et l'on y rit beaucoup. Elle engage fermement le corps, mais aussi l'esprit. C'est une pièce qui cherche ses ressorts dans la vision clownesque du monde, dans une danse de l'absurde dont la justesse dans le miroir, l'asymétrie ou l'opposition, est d'une précision diabolique. Caricature interne du pouvoir et de la soumission, c'est à la fois tendre et impitoyable...


13 septembre 2009 : Gotra Ballet - Joss Vrouenraets


mb moon boards par le gotra ballet
MB / Moon Boards, chor.  Joost Vrouenraets

Le Gotra ballet vient des Pays Bas. Joost Vrouenraets a été formé à l'Ecole-Atelier Rudra et au Béjart Ballet de Lausanne. Gotra signifie en sanscrit force déployée pour atteindre son but et Joost Vrouenraest est fortement convaincu que seule une attitude respectueuse envers les choses et les êtres peut engendrer la beauté.

Moon boards est un ballet de 30 minutes qui met en scène des jeunes gens aux prises avec en quelque sorte le hasard, «le coup de lune». Il explore corporellement dans un premier temps une relation humaine avec ses conflits et ses moments amoureux dans une chorégraphie expressive. La deuxième partie de ce ballet est une sorte de lutte entre l'homme et la nature avec la description des angoisses que peut provoquer la solitude dans ce milieu et l'apparition de visions reliées à la pensée magique. La scène est occupée par deux murs évoquant un paysage de haute montagne avec ses précipices. La jeune danseuse s'invente un double pour répondre à sa solitude et à sa peur qui va la conduire à la chute. La danse est très imagée et physique comme les tenues sportives des danseurs: short, tee-shirt, chaussures de marche.

5 / five par le gotra ballet
5 / Five, chor.  Joost Vrouenraets

Dans la deuxième pièce, «5», beaucoup plus abstraite, le chorégraphe a voulu montrer l'emprise du rituel symbolisé par 5 tables à roulettes qui servent d'appui aux danseurs. La vision est un peu cauchemardesque et le propos se désagrège assez rapidement.


13 septembre 2009 : Ballet Royal de Suède


radis noir par le ballet royal de suede
Radis noir, chor. Christian Spuck

Le Ballet Royal de l'Opéra de Suède... ce nom laisse rêveur... des dates anciennes, le premier ballet reconnu, des maitres de ballet mythiques... avec un Français pour ouvrir... Louis Gallodier, et puis Antoine Bournonville, le père d'Auguste, Charles Louis Didelot, Filippo Taglioni, le père de Marie, Michel Fokine, Anthony Tudor, Erik Bruhn... et puis aujourd'hui, Marc Ribaud, un autre Français... des chorégraphes invités inégalés... Jerome Robins, José Limon, Rudolf Noureev, John Cranko, Jiri Kylian... Il danse au Festival de Biarritz deux ballets, commandés par Marc Ribaud, deux ballets créés en 2007 par Christian Spuck, sur la Symphonie Italienne de Mendelssohn, et en 2008 par Mats Ek, sur le Concerto pour violon de Brahms interprété par Anne Sophie Mutter.

Ces deux ballets ont en commun d'avoir comme point de départ une œuvre musicale, l'une des possibilités employées par les chorégraphes travaillant sur la musique comme point d'appui. Ce qu'on appelle dans le jargon médical «la synesthésie», c'est à dire la possibilité de traduire autrement... «A noir, E blanc... ». Or, tous les deux, dans des styles complètement différents, ont, il me semble, une caractéristique : c'est que le mouvement n'est jamais redondant par rapport à la musique. L'imaginaire du spectateur est laissé ainsi dans une grande liberté...

radis noir par le ballet royal de suede
Tableau perdu, chor. Christian Spuck

Tableau perdu, de Christian Spuck dure 20 minutes. C'est un ballet «classique» pour 19 danseurs, inspiré, dit il, par les œuvres de Watteau. La scène et les costumes en noir et blanc sont dans la même esthétique que l'épisode des courses dans le film My Fair Lady : une étude du mouvement suspendu..., comme d'ailleurs L'Enseigne de Gersaint, tableau de Watteau avec ses sujets «en pose» fixés pour l'éternité. Entre l'éphémère de la danse et l'éternité du tableau, toute une échappée...

Les costumes réalisés par Emma Ryott sont étonnants. Dans une étude des noirs, ils évoquent non seulement le ballet par des tutus parfois vernissés sous des vestes courtes et sur des pantalons, mais aussi le temps «autre», celui de la photographie en noir et blanc, la couleur d'un paysage sans en donner l'exacte vérité mais simplement l'émotion... l'émotion élégante dans la justesse que rend merveilleusement bien ce bel ensemble de danseurs et de danseuses...



De la découverte de ces 48 heures restera dans mon souvenir la pièce de Mats Ek, commandée par le nouveau directeur du Ballet de Suède, Marc Ribaud : «Radis noir», dont le nom intriguant et saugrenu pour un ballet, est, de plus, traité très concrètement - les radis noirs défilent suspendus dans les airs au début du deuxième mouvement du Concerto pour violon de Brahms, un peu comme les sylphides... Un radis noir finira serré amoureusement dans les bras du danseur, lors d'un dernier et très beau solo.

Ce Concerto pour violon, joué par Anne Sophie Mutter a passionné Mats Ek. Il en parle comme d'une musique puissante, vivante, sans être romantique, «en équilibre au bord d'un ravin». Entre ce violon et cet orchestre, il place la danse, comme une sorte de tiers séparateur qui nous fait voir la musique.

La scénographie est simple, des costumes colorés, jupettes en godets pour les filles, redingotes pour les garçons. La danse est «acide, décalée, ironique», presque en opposition, comme un autre parcours, un autre déchiffrement, riche de potentialités et en tout cas fascinant. «Radis noir», comme beaucoup de ballet de Mats Ek, pose son unité chorégraphique par l'appropriation et l'actualisation que s'en fait le spectateur.





Laurence Guez © 2009, Dansomanie


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