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Northern Ballet Theatre
10 octobre 2009 : Wuthering Heights (chor. David Nixon)
Georgina May dans le rôle de Cathy
Le rêve d'une alliance parfaite entre danse et
théâtre n'est pas nouveau ; l'importance constante du ballet narratif
et sa popularité le rappellent assez, mais les compagnies classiques
continuent pourtant à n'attribuer qu'une importance toute relative aux
qualités dramatiques de leurs danseurs. Le Northern Ballet Theatre,
dont le nom réunit les deux arts, est en quête de l'équilibre parfait,
et s'attaque saison après saison à des adaptations de romans, de Dracula aux en passant par Trois MousquetairesPeter Pan. A Woking, au sud de Londres, ce sont Les Hauts de Hurlevent qui revivaient sur scène, portés par des artistes à la frontières des genres.
Soit les landes du Yorkshire et ses mythiques occupants, une
histoire que chacun des spectateurs au Royaume-Uni connaît à l'évidence
par coeur. L'approche de David Nixon, directeur et chorégraphe
principal du Northern Ballet Theatre, est absolument littérale, et
après un prologue nous montrant le désespoir final d'Heathcliff,
l'histoire se déroule sans anicroche, en forme de long flash-back.
Cette fluidité est l'une des caractéristiques les plus admirables du
ballet – chaque geste sert à faire avancer la narration avec cohérence,
deux actes suffisant ainsi à dérouler le fil complexe tissé par Emily
Brontë. Deux mondes alternent visuellement, comme il se doit : d'un
côté les landes et par extension le domaine de l'enfance, de l'autre le
décor policé des Linton. David Nixon n'utilise que la première partie
du roman, laissant de côté les descendances d'Heathcliff et de Cathy,
mais sa fidélité au reste des personnages est remarquable.
Georgina May (Cathy) et Tobias Batley (Heathcliff)
Le tout en semblerait presque trop simple –
manque peut-être, lorsque l'on a assisté à la version de l'Opéra de
Paris, le lyrisme si particulier que Kader Belarbi avait su insuffler à
son Hurlevent. Mais les
moyens des deux compagnies sont incomparables, et le Northern Ballet
Theatre, qui comporte une quarantaine de danseurs et tourne dans tout
le Royaume-Uni, réalise un travail étonnant. Combien de compagnies de
cette taille peuvent se targuer de commander régulièrement des
partitions taillées sur mesure pour leurs productions, tout en
possédant leur propre orchestre ? La musique composée par Claude-Michel
Schönberg, efficace et de qualité, est l'un des piliers de l'harmonie
d'ensemble, même si l'on y cherche en vain une réelle touche de
romantisme sombre.
Chorégraphiquement, là encore, une forme de simplicité qui sied à
la troupe est de mise. David Nixon utilise un vocabulaire néo-classique
théâtral et efficace, qui force parfois le trait dans le domaine des
portés et des sauts masculins, mais qui ne manque pas de moments
poignants. La relation tumultueuse de Cathy et Heathcliff culmine
lorsqu'il la retrouve mariée, dans un pas de deux en équilibre entre
sauvagerie et lyrisme ; Heathcliff, encore, domine des scènes
terrifiantes lorsqu'Isabella tente de le séduire. De manière
intéressante, les héros enfants utilisent plusieurs fois un geste
présent dans la création de Kader Belarbi – cette manière de poser la
tête l'un sur l'épaule de l'autre, cou contre cou, comme pour se
découvrir. Le contraste entre cette simplicité et la danse sophistiquée
d'Edgar et de sa maison reste l'un des intérêts principaux de la
transposition scénique du roman, et David Nixon l'utilise tout au long
du ballet.
Georgina May (Cathy) et Tobias Batley (Heathcliff)
Le mouvement, complètement intégré à l'histoire,
donne surtout la part belle à des danseurs-acteurs dont la technique
est adéquate, mais qui utilisent surtout leurs dons pour porter chaque
personnage. Le travail est minutieux jusqu'aux détails du jeu des
servantes ; Hannah Bateman, notamment, propose une Isabella miraculeuse
de clarté, entre effroi et sentiment qu'elle peut encore séduire
Heathcliff. Seul Hironao Takahashi, dans le rôle d'Edgar, effectue les
pas de manière quelque peu laborieuse. Dans les rôles de Cathy et
Heathcliff enfants, dont l'image revient régulièrement hanter le héros,
Pippa Moore et Ashley Dixon incarnent le paradis perdu sans mièvrerie.
Le couple principal, enfin, monte en puissance au fil des scènes et
s'abandonne complètement dans le deuxième acte. Martha Leebolt, un peu
effacée dans le monde d'Edgar, se montre déchirante lorsqu'elle réalise
enfin qu'elle est passée à côté de l'objet réel de ses désirs –
Christopher Hinton-Lewis a la puissance brute d'un Heathcliff, et sa
violence n'est jamais si tangible que lorsque son apparence se police,
chacune de ses entrées provoquant son propre frisson. Ces Hauts de Hurlevent sont une composition de groupe magistrale, celle d'une réelle troupe de théâtre.
Azulynn © 2009, Dansomanie
Wuthering Heights
Musique : Claude-Michel Schönberg
Chorégraphie : David Nixon
Décors : Ali Allen
Costumes : David Nixon
Lumières : David Grill
Northern Ballet
Musique enregistrée
Samedi 10 octobre 2009, Woking, New Victoria Theatre
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