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critiques et comptes rendus
Bayerisches Staatsballett (Munich)

03 mai 2009 : Zugvögel, de 
Jiří Kylián (Ballettfestwoche #1)


explosion nationaltheater
Le Nationaltheater "en flammes"

Que faire quand, après plus de trente ans de carrière comme chorégraphe, un bon nombre de chefs-d’œuvre incontestables du répertoire contemporain, on se retrouve face à la demande considérable d’institutions toujours plus nombreuses qui vous supplient de créer une pièce pour ses danseurs? Pour Jiří Kylián, la solution, semble-t-il, se trouvait dans le travail en collaboration, comme le montre sa toute dernière création, pour les danseurs du Ballet National de Bavière en ouverture de la Semaine du Ballet 2009. À le voir présenter par gestes, avec beaucoup d’esprit, les nombreux participants de cet ambitieux projet artistique lors des saluts, on sent le plaisir qu’il a eu à travailler avec eux, vieux complices comme le décorateur Michael Simon ou le compositeur Dirk Haubrich, nouveaux venus comme le designer japonais Yoshiki Hishinuma.

Reliquaire de l’éphémère : deux thèmes ont inspiré Kylián comme maître de cérémonie de ce projet. Le premier est le Théâtre National lui-même, l’impressionnante architecture qui abrite la plupart des spectacles de l’Opéra et du Ballet Nationaux de Bavière. La soirée débute donc par un parcours souterrain dans les tréfonds de la maison, comme Kylián l’avait déjà fait – ou fait faire, comme ici, par ses anciens interprètes Karine Guizzo et Yvan Dubreuil – pour Arcimboldo joué à Paris en 2000, parcours peuplé de créatures plus anecdotiques que porteurs d’une grande force poétique. Les oiseaux, fil conducteur de la pièce, sont ainsi tous les artistes et techniciens qui, depuis deux siècles, sont venus, plus ou moins longtemps, animer cette architecture solennelle.

caroline geiger, peter jolesch
Caroline Geiger et Peter Jolesch 

Le second, celui du vieillissement, s’y surajoute, en particulier à la suite de la regrettable dissolution du NDT III, la troupe de danseurs au-delà de quarante ans que 
Kylián avait créée lorsqu’il était directeur du Nederlands Dans Theater : les quatre films qui rythment la soirée mettent en miroir les évolutions de Sabine Kupferberg et d’une petite fille, des plages de la Mer du Nord au Théâtre National qui surgit de la plage, simple modèle réduit d’abord, puis dans toute sa majesté. L’enfant chante une comptine tandis que l’adulte la regarde. Là se rejoignent les deux thèmes : la petite fille ouvre le toit-couvercle du modèle réduit, et elle y trouve, comme en un écrin... une plume, qui incarne la force et la fragilité du spectacle vivant, qui n'existe jamais que le temps d'une représentation (le Théâtre National lui-même, reconstruit plusieurs fois au fil des destructions, n'est-il pas, lui-même, un Phénix?).

ballons bleus zugvoegel
Les ballons de Zugvögel

Lourdeurs : ces très beaux films, hélas, constituent la partie la plus intéressante de la soirée, plombée par les nécessités d’un travail en commun dont on sent qu’il n’a pas été de tout repos – certains éléments annoncés, comme la présence d’installations dans les espaces publics, ayant disparu dans l’intervalle. Les contributions des partenaires, elles, sont d’une très inégale qualité : la maîtrise de l’espace scénique par Michael Simon laisse toujours pantois ; mais si la musique (enregistrée) de Dirk Haubrich ne sort pas de l’ordinaire un peu plat de la musique de danse contemporaine, les costumes et surtout les sculptures de tissu de Yoshiki Hishinuma plombent le spectacle dès qu'ils apparaissent : qui aurait cru que quelques mètres carrés de tissus gonflés de quelques litres d'hélium pouvaient se révéler aussi lourds?

Une dernière malchance a frappé cette soirée avec la disparition de Sabine Kupferberg de la distribution, pour laquelle aucune explication n’est donnée : le lien entre les films et le spectacle vivant, malgré tout le talent de sa remplaçante Caroline Geiger, se trouve ainsi irrémédiablement perdu. Le couple qu’elle forme avec le vétéran Peter Jolesch, qui devait être le fil conducteur de la soirée, est alors remédié au second plan, ne parvenant jamais véritablement à retenir l'attention des spectateurs.

ballons bleus zugvoegel
Zuzana Zahradníková et Lukáš Slavický 

Que dire, dans ces conditions, du travail de Jiří Kylián lui-même? On pourrait se contenter de répondre, ce qui ne serait pas faux, qu’il est bien difficile de s’y attacher, tant sont nombreuses les diversions imposées au spectateur. Le regard intérieur, l’ambiguïté du plaisir et de la souffrance, tout ce qui faisait la force de tant de chefs-d'œuvre tout au long de sa carrière n'est ici plus qu'un souvenir, tant la danse manque de construction, de progression, de sens même. Les thèmes essentiels du ballet, présents dans les films ou dans le parcours initial, sont presque absents des évolutions des danseurs, que la pièce ne met guère en valeur, et surtout pas dans leur individualité : on peut être séduit, par exemple, par la jeune Emma Barrowman, dont le talent est évident dans son duo avec Cyril Pierre, mais on ne doute pas qu'elle aura bien d'autres occasions de se révéler dans un cadre plus valorisant. 



Dominique Adrian © 2009, Dansomanie



Zugvögel
Musique : Dirk Haubrich
Chorégraphie : Jiří Kylián
Décors :
Michael Simon
Costumes :
Yoshiki Hishinuma

Avec : Caroline Geiger, Peter Jolesch


Bayerisches Staatsballett
Dimanche 3 mai 2009,  Nationaltheater, Munich


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