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critiques et comptes rendus
Le Ballet de l'Opéra de Lyon danse Forsythe au Théâtre de la Ville (Paris)

09 avril 2009 : Soirée William Forsythe, au Théâtre de la Ville


william forsythe second detail
Second Detail, chor. William Forsythe

Pour le Ballet de l’Opéra de Lyon, les pièces de William Forsythe sont plus qu’un univers familier, comme une gymnastique quotidienne qui, en maintenant l’acuité physique et intellectuelle des danseurs au plus haut point, leur offre un point de vue idéal sur le vaste répertoire contemporain qu’il interprète tout au long des saisons. Après les avoir présentées à Lyon en septembre, c’est au Théâtre de la Ville à Paris d’accueillir la troupe pour trois pièces créées entre 1991 et 2000.

La saison passée, déjà, Forsythe était au programme de la tournée parisienne des Lyonnais, avec le mouvement central de Limb’s Theorem, grand enchantement ; le programme présenté cette année, d’une brièveté difficilement acceptable qui plus est, ne convainc pas totalement, malgré le soin visible pris à le composer : une première pièce sur l’espace principal de la scène, toute de gris vêtue, est suivie par une pièce très sombre dansée essentiellement sur un vaste proscenium, tandis que la dernière offre enfin la couleur, se déroule sur toute la profondeur de la scène et fait du proscenium un espace à peine effleuré, presque interdit et pour cela désirable. Chronologiquement, les trois pièces, créées entre 1991 et 2000, sont rentrées au répertoire de la troupe lyonnaise entre 1995 et 2004 : peu de temps donc après leur création, et depuis assez longtemps pour qu’ils soient véritablement devenus familiers aux danseurs.

C’est dans Second Detail qu’on retrouve sans doute le plus clairement le Forsythe des origines, vampire de la danse classique soumise un questionnement d’autant plus impitoyable qu’il n’est rien d’autre que prise de possession amoureuse. Aussi bien dans sa structure opposant constamment variations solistes et corps de ballet que dans sa gestuelle où la pointe s’allie harmonieusement aux mouvements anguleux de Forsythe, c’est bien le sens du geste classique qui est ici au cœur du ballet, à l’opposé de toute idée de parodie, mais d’une façon souvent un peu appliquée, loin de la liberté formelle de In the middle ou de Limb’s Theorem, que le Ballet possède également à son répertoire mais n’a jamais présenté intégralement à Paris.

william forsythe duo
Duo, chor. William Forsythe

On n’est guère plus éclairé, c’est le cas de le dire, par Duo, interprété avec une grande concentration par Amandine François et Dorothée Delabie. Sur un proscenium toujours laissé dans la pénombre, les évolutions des danseuses peinent à laisser émerger un sens, et même un style : très vite, l’indifférence gagne, tant le travail formel cette fois un peu paresseux de Forsythe peine à quitter le domaine de l’arbitraire.

william forsythe one flat thing
One flat thing, reproduced, chor. William Forsythe

Il faudra attendre la dernière pièce pour que les danseurs reçoivent du public plus que les applaudissements plus bienveillants qu’enthousiastes de la salle : One flat thing, reproduced, l’un des rares travaux de Forsythe à avoir trouvé le chemin du DVD*. La scène, en pleine lumière cette fois, est quadrillée par les tables que les danseurs amènent avec fracas au début de la pièce : tout se passe donc, très vite, sur, sous ou entre ces tables parfois fugitivement remises en place par les danseurs. Jeu sur la rapidité, invention d’une nouvelle forme de virtuosité en milieu contraint : tout cela n’étonne guère chez Forsythe, qui retrouve là ses qualités premières. Les évolutions des quatorze interprètes, dans leur vitesse, dans leurs imbrications aussi apparemment désordonnées que savamment orchestrées, ont ceci de particulièrement remarquables qu’elles n’en font que mieux ressortir la personnalité de chaque danseur. On ressort de la représentation avec l’image tenace d’un sourire fugace, de l’intensité d’un regard : le chaos du monde, sans doute, mais avec l’humanité de danseurs jamais réduits au statut de machines.

Pour ces moments-là, malgré la faiblesse des deux premières pièces et le programme avare, on ne sort donc pas trop frustré de cette soirée inégale.




Dominique Adrian © 2009, Dansomanie


* One flat thing, reproduced, réalisé par Thierry de Mey, 1 DVD MK2 (avec partie documentaire).



Second Detail
Musique : Thom Willems
Chorégraphie :
William Forsythe

Duo
Musique : Thom Willems
Chorégraphie :
William Forsythe


One flat thing, reproduced
Musique : Thom Willems
Chorégraphie :
William Forsythe

Ballet de l'Opéra de Lyon

Jeudi 9 avril 2009,  
Théâtre de la Ville, Paris


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