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Jan Fabre et la compagne Troubleyn au Théâtre de la Ville (Paris)
02 avril 2009 : L'Orgie de la tolérance, de Jan Fabre, au Théâtre de la Ville
L'orgie de la tolérance, chor. Jan Fabre
Il
y a au moins un point commun entre les spectacles de Jan Fabre et un
ballet classique au Palais Garnier. Dans les deux cas en effet, la
salle est pleine à craquer, le public vient en connaissant
parfaitement ce qu'il va voir, et il est conquis d'avance - et
finalement, Jan Fabre, reconnu et médiatique. Hors deux ou trois
dizaines de spectateurs qui partent en cours de spectacle, la
réaction du public du Théâtre de la Ville à
l'issue des deux petites heures de L'Orgie de la tolérance
est plus qu'enthousiaste, pour une pièce d'où la danse
est toujours très minoritaire face à l'impact de
saynètes jouées avec jubilation par une troupe
modelée par l'artiste autant qu'elle-même contribue
à déterminer les formes prises par la pièce.
Mais que veut dire Jan Fabre avec un pareil spectacle, qui fait son
miel des violences physiques, sexuelles, économiques, sociales,
racistes ou politiques? Un premier niveau de lecture, qui est sans
doute celle d'une majorité du public, conduit à prendre
au premier degré cette violence : en représentant
l'horreur sous toutes ses formes, l'artiste flamand donne à ses
fidèles le plaisir de se sentir du bon côté face
aux sévérités du monde contemporain. Certainement,
Fabre est un moraliste, qui fait du corps et de l'argent les
thèmes centraux de sa réflexion, tout comme il le fait
dans ses autres activités artistiques.
L'orgie de la tolérance, chor. Jan Fabre
Pourtant, au fil de la pièce, des interrogations naissent devant
le manichéisme de ces dénonciations, qui culminent dans
une scène paroxystique où sont invectivés,
à la fin de la pièce, victimes et bourreaux, des
minorités et ceux qui les rejettent, artistes et spectateurs. Il
y a là une forme de jubilation du jeu de massacre, qui pousse
à ne pas prendre toujours au premier degré cette
violence, mais n’y voir qu’un simple défouloir :
qui, dans notre monde, peut affirmer n’avoir jamais eu ces
mauvaises pensées dont l’expression est une
libération malsaine? Mais il y a sans doute plus, et le titre de
la pièce donne ici sans doute une des clefs essentielles du
spectacle : que se passe-t-il quand la tolérance devient
jouissance orgiaque? En jouant ainsi, devant un public conquis,
à repousser toujours plus loin les limites du supportable, c'est
certainement, à travers ce public précis, sur les
côtés troubles de cette tolérance si
fièrement affichée de toutes parts qu’elle devient
comme une seconde peau qui peut devenir elle-même matrice de
nouvelles exclusions.
L'orgie de la tolérance, chor. Jan Fabre
La
réflexion de Jan Fabre, armé d’une sorte
d’humour triste, est ainsi d’autant plus riche et
intéressante qu’elle oblige le spectateur à
chercher en lui les points de repère réflexifs
qu’il n’entend pas lui souffler à trop bon compte.
Osera-t-on dire, cependant, que parmi tous ces excès, ce bruit
et ces agitations si soigneusement orchestrés, on se surprend
parfois à regretter une forme de manque de rythme, qui laisse
penser que Jan Fabre le performer manque du souffle que Jan Fabre le
plasticien sait communiquer à ses projets, telle la grande
exposition récente au Musée du Louvre?
Dominique Adrian © 2009, Dansomanie
L'Orgie de la tolérance
Musique : Dag Taeldeman
Chorégraphie : Jan Fabre
Compagnie Troubleyn
Jeudi 2 avril 2009, Théâtre de la Ville, Paris
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