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Théâtre Mikhaïlovsky (Saint-Pétersbourg)
15 mars
2009 : Le Corsaire (chor. Faroukh Ruzimatov) au Théâtre Mikhaïlovsky
Irina Perren (Médora) et Victor Ishchuk (Ali)
Faroukh Ruzimatov, directeur actuel du Théâtre
Mikhaïlovsky, n'a sans doute pas choisi par hasard la date de la
première de sa nouvelle production du Corsaire – juste
avant l'ouverture du Festival International du Mariinsky, un peu plus
à l'est de la ville, elle a donné l'occasion aux
visiteurs de passage de découvrir la seconde troupe de
Saint-Pétersbourg. L'histoire récente de cette
dernière n'a pas été sans remous, notamment avec
le départ impromptu de deux de ses stars, Denis et Anastasia
Matvienko, pour le Mariinsky. Les distributions du Corsaire
s'en sont ressenties, mais la troisième distribution, le 15
mars, n'en a pas moins montré un travail très honorable.
La scène de la grotte
Contrairement à la récente reconstruction du ballet au
Bolchoï, cette production opte pour une action très
resserrée, répartie sur deux actes seulement. Le naufrage
est placé en ouverture, et l'on assiste donc au
débarquement des corsaires sur une plage où s'amusent
Médora, Gulnare et leurs amies, rapidement capturées
comme esclaves par Lankedem. Dans la scène suivante, au
marché, le pas de deux de l'Esclave tel qu'on le connaît
à Moscou est confié à Gulnare, ainsi offerte
à la vente, et Lankedem, qui n'est plus un rôle de mime.
Gulnare est vendue au pacha, tandis que Médora est sauvée
de ce sort par Conrad et ses compères. L'ensemble se tient
dramatiquement parlant, ce qui n'est pas une mince tâche avec le Corsaire,
et la suppression des saluts après chaque variation, pourtant
une grande tradition russe, ajoute encore au rythme. Le deuxième
acte n'est cependant pas une réussite ; les coupes y sont si
abondantes que l'affaire est pliée en une demi-heure, là
où la plupart des productions proposent un deuxième et un
troisième acte. Le Jardin animé est ainsi tellement court
qu'un sentiment d'incomplétude domine, le rideau tombant peu
après sans la moindre allusion au Pas des éventails,
après une fin évidemment téléphonée.
Le tout a quelque chose d'un bâtiment abandonné au milieu
de travaux.
Le Jardin animé
On y retrouve du moins une théâtralité à la
russe susceptible de dérouter les spectateurs étrangers.
Les gestes sont extrêmes, lisibles de loin, et la débauche
de couleurs font des décors et costumes une bonbonnière
à l'ancienne, à la fois absurde et vive. Ces
paramètres ne sont pas toujours synonymes de bon goût, et
on s'explique mal pourquoi Médora porte exactement le même
costume blanc que ses amies au début du premier acte, tandis que
Gulnare est en vert turquoise (sans doute parce que les unes sont
censées être grecques et l'autre turque, selon le
synopsis, mais la confusion règne). La scène du
marché est surréaliste, avec une armée de pachas
tous plus caricaturaux les uns que les autres ; quant au Jardin
animé, les costumes y sont si kitsch (tutus roses
réminiscents de la Marie-Antoinette de Sofia Coppola, chapeaux
étrange) que des ressources d'indulgence n'y suffisent pas. La
production, sans être dépourvue d'intérêt, en
reste ainsi malheureusement au stade du grand divertissement
coloré.
Alexander Omar (Lankedem)
Le corps de ballet brille du moins par son
homogénéité, malgré une danse des esclaves
visiblement trop peu répétée au premier acte. Les
danseurs principaux, quant à eux, font honneur à
l'école russe, capable année après année de
fournir de solides solistes aux compagnies locales. Alexander Omar, en
particulier, donne du poids au personnage de Lankedem, techniquement
assuré dans le pas de deux de l'Esclave et très
présent dramatiquement parlant face aux pèlerins du
second acte. Mikhaïl Sivakov (Conrad) et Aydos Zakan (Ali) se sont
tous deux montré à la hauteur de leurs rôles,
malgré une coda chaotique dans le célèbre pas de
trois avec Médora – Sivakov a quoi qu'il en soit
planté son personnage avec force, Aydos Zakan passant à
ses côtés l'épreuve du feu, à seulement
dix-neuf ans, et avec succès.

Irina Perren (Médora)
Les intentions dramatiques des dames sont apparues moins claires au fil
des scènes, Gulnare passant de la tristesse à un sourire
béat lors de la scène où elle est vendue (!), les
esclaves paraissant heureuses de se trouver chez les corsaires avant de
supplier Medora de les faire libérer... Irina Kosheleva, soliste
de la compagnie depuis plus de dix ans, offre une Médora solide,
sans erreurs majeures, mais caractérisée de
manière parfaitement anodine – sa danse manque ainsi de
texture au premier acte, mais elle se montre ensuite
particulièrement à son aise dans le Jardin Animé,
d'un classicisme sobre et net. Yulia Tikka propose le cheminement
inverse dans le rôle de Gulnare. Cette très jeune
danseuse, sortie en juin dernier de l'Académie Vaganova, n'avait
peut-être pas le physique requis pour rejoindre le corps de
ballet du Mariinsky, mais ses qualités devraient faire le
bonheur du Théâtre Mikhaïlovsky ; petite et blonde,
elle est dotée d'une technique vive que même le pas de
deux de l'Esclave ne prend pas en défaut. Elle ne maîtrise
pas encore tout à fait les enchaînement dramatiques ni
l'atmosphère particulière du Jardin Animé, mais sa
présence reste charmante.

Irina Kosheleva (une Odalisque)
Dans
le pas de trois des Odalisques brillaient particulièrement
Viktoria Kutepova, transfuge du Mariinsky au naturel expressif en
scène, et Valeria Zhuravlyova, avec des ports de bras
magnifiquement détendus de bout en bout. Le trio lui-même
s'est montré musicalement impeccable – preuve des
ressources de la compagnie menée par Ruzimatov, que l'on devrait
retrouver à Londres dans un futur proche après une
tournée 2008 particulièrement bien reçue. Des
productions autres que ce Corsaire seraient toutefois les bienvenues.
Azulynn © 2009,
Dansomanie
Le Corsaire
Musique : Adolphe Adam, Cesare Pugni, Leo Delibes, Riccardo Drigo, Peter von Oldenburg
Chorégraphie : Faroukh Ruzimatov, d'après Marius Petipa et Pyotr Gusev
Médora : Irina Kosheleva
Birbanto : Andreï Kasyanenko
Conrad : Mikhaïl Sivakov
Ali : Aydos Zakan
Lankedem : Alexander Omar
Gulnare : Yulia Tikka
Ballet du Théâtre Mikhaïlovsky
Orchestre du Théâtre Mikhaïlovsky
Dir. Andreï Danilov
Dimanche 15 mars
2009, Théâtre Mikhaïlovsky, Saint-Pétersbourg
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