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Ballett der Wiener Staatsoper und Volksoper
28 octobre 2008 : Mayerling, de Kenneth MacMillan, à l'Opéra de Vienne
L’un
des événements majeurs de la saison chorégraphique
2008-2009 à l’Opéra de Vienne était
l’entrée au répertoire de la compagnie nationale,
le 28 octobre, du célèbre ouvrage de Kenneth
MacMillan, Mayerling.
Compte tenu des liens intimes qu’entretient l’argument de
ce ballet, créé à Londres en 1978, avec
l’histoire autrichienne, on peut même
s’étonner qu’il ait fallu attendre trente ans pour
que Mayerling figure à l’affiche de la Staatsoper.
La narration retenue par Kenneth MacMillan pour son Mayerling
s’en tient pour l’essentiel à la version
«officielle» de la disparition de l’archiduc
Rodolphe, fils de François-Joseph 1er et d’Elisabeth, dite
«Sissi» : l’héritier de la couronne
d’Autriche, miné par la syphilis, et en proie à des
crises de démence, aurait assassiné, le 30 janvier 1889,
sa maîtresse, Mary Vetsera, puis se serait lui-même
donné la mort. Les motivations politiques supposées de
cette sinistre affaire – il aurait pu s’agir en fait
d’un meurtre commandité par Bismarck ou par les services
secrets autrichiens – sont délibérément
ignorées, et MacMillan ne veut y voir qu’un drame
privé, où les pulsions morbides, les passions
incontrôlées et les jalousies exacerbées sont les
moteurs de l’action. MacMillan transforme ainsi l’archiduc
en une sorte de héros romantique, prisonnier consentant de son
destin tragique ; les références shakespeariennes
explicites – Rodolphe est montré contemplant, tel
Marcellus, un crâne humain, en s’exclamant in petto
: «there’s something rotten in the state of Denmark»
- viennent conforter cette vision très littéraire et
irrationnelle du drame de Mayerling.
Irina Tsymbal (Mary Vetsera) et Robert Tewsley (Rodolphe)
La chorégraphie de Kenneth MacMillan préserve de
nombreux personnages secondaires, comme Mizzi Caspar, demi-mondaine et
maîtresse occasionnelle de Rodolphe, Bratfisch, le «Leibfiaker» («major
d’homme»), ou le colonel Middleton, amant de l’impératrice Sissi. A contrario,
certains rôles principaux sont volontairement sacrifiés : Stéphanie,
l’épouse légitime de Rodolphe, en est ainsi réduite à jouer les utilités. Ces
parti-pris ne nuisent cependant pas à la bonne lisibilité de l’action, soutenue
par la scénographie somptueuse de Nicholas Georgiadis – que le public français
connaît grâce à ses réalisations de
Casse-noisette et de la première version du Don Quichotte de
Rudolf Nouréev à l’Opéra de Paris. Seule ombre au tableau, l’accompagnement
musical, une orchestration pompeuse d’œuvres de Liszt réalisée par l’inévitable
John Lanchbery ; le chef officiant dans la fosse de la Staatsoper, András
Déri, qui n’y pouvait évidemment rien, fut d’ailleurs hué par une partie du
public à l’issue de la représentation. Mais il est vrai que mener la vie dure
aux Kapellmeister est une ancienne et solide tradition viennoise…
Irina Tsymbal (Mary Vetsera) et Robert Tewsley (Rodolphe)
Si la figure centrale de Mayerling est bien
évidemment Rodolphe, cette première autrichienne aura surtout mis en vedette
l’ex-favorite du prince héritier, la comtesse Larisch, en raison de la
personnalité hors norme de son interprète, Ketevan Papava. Transfuge du Mariinsky,
arrivée en 2006 au ballet de l’Opéra de Vienne, elle domine, et de loin, toute
la distribution : technique souveraine, et surtout, une incroyable
présence scénique qui tend un peu à écraser ses partenaires. Face à elle,
Robert Tewsley se défend comme il peut, mais s’avère parfois un peu juste dans
les portés. Cet élégant danseur, ancienne vedette du Ballet de Stuttgart et du
New York City Ballet, se trouve bien plus à l’aise dans les pas de deux qui le
mettent aux prises avec la Mary Vetsera d’Irina Tsymbal, une artiste au gabarit
plus compatible avec ses moyens physiques.
Mlle Tsymbal paraît, de prime abord, elle aussi un peu effacée, en
regard de la volcanique Ketevan Papava, mais cette impression s’évanouit au
troisième acte, où elle explose véritablement dans une confrontation
d’anthologie avec Larisch, lors de la seconde scène de la Hofburg – le Palais
impérial.
Robert Tewsley (Rodolphe)
La
belle et stylée Marija Kicevska s’est pour sa part
acquittée avec les honneurs du rôle peu valorisant de
Stéphanie ; en revanche, la Sissi trop primesautière de
Brenda Saleh manquait, en dépit de réelles
qualités artistiques, de crédibilité dans le
personnage d’une impératrice présumée
quinquagénaire, mais qui en paraissait la moitié. Il
convient par ailleurs de souligner les mérites respectifs de la
pétillante Karina Sarkissova, dans le rôle de Mizzi
Caspar, cocotte dévergondée, et de Mihail Sosnovschi, qui
sait faire de l’interlope Bratfisch un factotum très
théâtral. Le corps de ballet, peu gâté par
MacMillan en matière de danse pure, se signale également
par une gestuelle et un mime soigné, qualités qui
paraissent caractériser de manière générale
la troupe de l’Opéra de Vienne.
Enfin, le Mayerling de Kenneth
MacMillan présente l’originalité de comporter une
partie chantée, celle de Katharina Schratt, l’opulente
favorite du Kaiser François Joseph 1er. Elle a été
tenue avec beaucoup de réussite par l’excellente
mezzo-soprano allemande Janina Baechle : timbre clair et charnu et
justesse irréprochable avaient de quoi satisfaire les
balletomanes-mélomanes les plus exigeants.
R. F. © 2008,
Dansomanie
Mayerling
Chorégraphie : Kenneth MacMillan
Argument : Gillian Freeman
Musique : Franz Liszt, orchestration de John Lanchbery
Décors et costumes : Nicholas Georgiadis
Eclairages : John B. Read
Rodolphe : Robert Tewsley
Mary Vetsera : Irina Tsymbal
Stéphanie : Marija Kicevska
François-Joseph 1er : Lukas Gaudernak
Sissi : Brenda Saleh
Hélène Vetsera : Gerit Schwenk
Bratfisch : Mihail Sosnovschi
Sophie : Karina Sarkissova
Middleton : Eno Peci
Quatre officiers hongrois : András Lukács - Alexandru Tcacenco - Andrej Teterin - Shane A. Wuerthner
Katharina Schratt : Janina Baechle
Alfred Grünfeld (pianiste) : Lucas Mais
Eduard Taaffe : Wolfgang Grascher
Hoyos : Thomas Mayerhofer
Louise : Iliana Chivarova
Phillip von Coburg : Christoph Wenzel
Gisela : Kiyoka Hashimoto
Marie Valérie : Emilie Drexler
Marie Vetsera enfant : Emilia Baranowicz
Loschek : Marek Ackermann
Le Comte Larisch : István Bernáth
Ballett der Wiener Staatsoper und Volksoper
Orchester der Wiener Staatsoper
Direction musicale : András Déri
Mardi 28 octobre 2008, 19h00, Wiener Staatsoper
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