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critiques et comptes rendus
Biennale de la danse 2008 à Lyon (2)

08 septembre 2008 :
Entity - Wayne McGregor

Wayne McGregor est le nom d'une des sensations chorégraphiques du XXIe siècle – l'homme qui viendrait réconcilier des milieux radicalement opposés, celui qui chorégraphie comédies musicales, films et opéra et que l'on retrouve chorégraphe résident du Royal Ballet de Londres le lendemain. En France, c'est l'Opéra de Paris qui l'a intronisé en 2007 ; pour la Biennale de la danse de Lyon, il revient avec sa propre compagnie, Random Dance, déjà âgée d'une dizaine d'années. Dans ce contexte familier, Entity a tout d'une étape pour le chorégraphe anglais : somme et synthèse de ses recherches sur le mouvement, mais également mise en lumière des limites d'un propos scientifique qu'on aimerait voir dépassé.

Entity réunit des éléments déjà résolument identifiés au travail de Wayne McGregor – costumes minimalistes (culottes noires et débardeurs blancs sur lesquels on retrouve le code ADN de chaque danseur), décor blanc et austère au design soigné et vidéo, ici sur trois écrans de forme allongée, qui délimitent l'espace scénique et se déplacent en hauteur au cours du spectacle. Le chorégraphe lui-même a souvent refusé l'adjectif futuriste, préférant parler d'un travail résolument ancré dans le présent – un présent fasciné par la technologie et par une science presque morbide, comme l'indiquent toutes les projections, entre semblants de bactéries et défilés de chiffres. La pièce s'ouvre et s'achève sur une même image : la course enregistrée d'un lévrier, sur place, infiniment répétitive.

wayne mcgregor random dance entity

Cette succession de projections dont on connaît désormais le jeu moderniste serait hors de propos sans la chorégraphie, et le fait est que McGregor semble créer du mouvement comme il respire. Le nombre seul de ses oeuvres le prouverait presque. La première partie du diptyque Entity se sert de cette étrange fluidité en se penchant sur des danseurs presque monstrueux, au service d'une désarticulation constante, méthodique ; le cou est projeté à des angles étranges, les bras se convulsent et se tordent comme des machines devenues folles, les corps se nouent les uns aux autres. On sait que Wayne McGregor travaille dans un premier temps sans musique, et la chorégraphie n'est effectivement pas musicale ; elle n'écoute pas la partition électronique de Joby Talbot, qui devient au contraire dans la première moitié du spectacle un bruit de fond constant, entêtant et obsessif, contre lequel les danseurs inventent leur propre rythme. Ajoutée à cela, la neutralité des expressions donne l'impression d'assister à un spectacle de freaks, de corps fermés au monde qui chercheraient à recréer leurs propres moyens de communication par cette danse à l'étrange violence. L'effet est particulièrement intéressant dans les duos ou trios, dans lesquels les danseurs semblent chercher un moyen de se rencontrer, de se projeter hors d'eux-mêmes par le mouvement seul, comme on cherche la sortie d'une prison mentale.

La chorégraphie joue moins sur l'effet de vitesse que les précédentes pièces de McGregor, mais elle reste excessivement chargée, et les danseurs sont inégalement armés pour s'y glisser. On pourrait reprocher au chorégraphe de créer pour lui-même, c'est-à-dire pour son corps étrange, sinueux, capable de toutes les désarticulations - là où certains des interprètes de sa compagnie atteignent à l'évidence leurs limites physiques, plus évidentes que lorsqu'il travaille avec les grandes compagnies de tradition classique. Certains se jettent pourtant férocement dans leur rôle, imbriquant calmement les formes les plus étranges les unes dans les autres. Cet Entity s'avère cependant rapidement lassant. Le mouvement jaillit, mais Wayne McGregor le file sans le structurer ; si ses recherches en font un créateur à part, la deuxième partie du triptyque finit par ressembler à une étrange soirée avec musique techno à la mode, fuite en avant à la clé. La pièce revient sur ses pas à force de se précipiter, et l'étrange émotion dégagée par les danseurs se dilue dans la performance physique pure.

wayne mcgregor random dance entity

Le chorégraphe anglais n'a à l'évidence pas peur du mouvement, organisé en tourbillon virtuose, mais il ne ménage pas ses effets ; l'ensemble manque d'une structure qui ferait appel à l'intelligence du spectateur, au lieu de jouer sur un ton unique, sans répit, auquel le fond musical se contente de fournir un vague miroir. Le propos technologique, au centre de la pièce, finit par surclasser le mouvement et le laisser piétiner ; il faudra peut-être attendre la conclusion des recherches scientifiques de Wayne McGregor pour que la danse vienne les dépasser, enfin.





Azulynn © 2008, Dansomanie


Entity
Chorégraphie : Wayne McGregor
Biennale de la danse de Lyon
Lundi 8 septembre 2008,  Transbordeur, Lyon


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