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Compania Nacional de Danza - Nacho Duato - Nuits de Fourvière 2008, Lyon
22 juillet
2008 : La Compania Nacional de Danza au Théâtre romain de Fourvière
Nacho Duato dirige la Compania Nacional de Danza depuis 1990, succédant à ce poste à Maia Plissetskaya.
Né à Valence en Espagne, formé à la Rambert School de Londres,
puis chez Mudra - l'école de Maurice Béjart - à Bruxelles et enfin au Alvin Ailey American
Dance Center à New York, il est appelé par Jiri Kylian en 1981 et
sera nommé chorégraphe résident du Nederlands Dans Theater 5 ans
plus tard.
Au programme de cette soirée trois pièces qui ont été créées à des
dates différentes. Elles permettent de suivre l'évolution des sonorités
de son mouvement esthétique et l'importance, je dirais presque
politique, donnée au choix des pièces musicales.
Gnawa, chorégraphié en 2005, porte le nom de musiciens marocains qui ont
gardé de leurs racines africaines le rythme des percussions et la
présence d'éléments vocaux. 14 danseurs, sur un plateau nu, vont, à
partir de l'entrée symétrique de deux couples, construire des
variations de pas de deux. Entrecoupées par l'évolution d'un groupe de
danseurs, ces variations retrouvent quelque chose de «calligraphique».
Cette forme des corps, arrondie, inclinée, parfois cassée par
l'angulation d'un pied ou d'une main, nous entraîne dans ce qu'elle a
de rituel et de profondément esthétique. Des bruits de gouttes d'eau se
mêlant à un chant de flûte évoquent la fraîcheur et le calme des jardins
de mosquées tandis qu'un couple semble raconter l'éveil d'une jeune
fille dans une danse mutine.

Le deuxième ballet est une création mondiale : O Domina Nostra. Il
porte le nom d'une partition d'un auteur polonais : Henryk Gorecki. qui
mêle l'orgue à une voix de soprano. Composée entre 1982 et 1985, cette
méditation est celle d'un homme profondément croyant sur un sanctuaire
qui protège l'icône d'une Vierge noire symbole d'indépendance.
C'est donc une pièce du «maintenant de la maturité» où l'âme est
mise à nu. Le mouvement de la «femme essentielle» créé pour une
danseuse de la compagnie, Ana Tereza Gonzaga, se perd dans une jupe
ample et volantée que le souffle mystique de la danseuse fait vivre et
respirer avec une vive élégance. Ceci n'est pas sans rappeler certaines
toiles de El Greco où la brisure des mains longues et silencieuses
apporte la spiritualité...
A cette femme protégée ou enfermée par la représentation
symbolique d'une croix asymétrique s'oppose un groupe d'hommes en
collants chair que Nacho Duato fait travailler dans une souffrance de
corps compactés. Il s'en échappe parfois une silhouette asymétrique où
la vision christique d'un homme terriblement blanc transcende un
pas de deux.
Des citations corporelles de Jiri Kylian: des vibrations ponctuent
cette très belle étude des mouvements du haut du corps dans les
arrondis et les ralentis. Ils donnent à cette chorégraphie une grande
richesse dans le mouvement dansé.

Por Vos Muero est une pièce plus ancienne qui date de 1996. Inspirée
par les vers de Garcilaso de la Véga, poète et homme de cour de la
Renaissance espagnole, Miguel Bosé en fait la lecture de sa voix chaude
sur des musiques des 15ème et 16 ème siècles.
Cette pièce baroque empruntant une gestuelle contemporaine avec
beaucoup de finesse montre la douceur du regard au monde du
chorégraphe et l'importance du geste et du motif dansés qui peuvent
parfois se teinter d'humour devant les Temps modernes d'hier et
d'aujourd'hui...
Les coussins ont volé dans le théâtre de Fourvière en hommage à un
grand chorégraphe, qui sait, grâce à l'appui d'une très belle
compagnie, imprimer en creux dans sa vision esthétique et par
l'intermédiaire du mouvement l'émotion contemporaine du temps éprouvé...
Laurence Guez © 2008,
Dansomanie
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