Dansomanie : critiques : Swan Lake (Derek Deane)
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Swan Lake (Derek Deane)

01 - 03 avril 2008 : Swan Lake, de Derek Deane, au Grand Theatre, Leeds (English National Ballet)

 

L’English National Ballet présentait le Lac des Cygnes à Leeds, angle nordique du triangle industriel du centre de l’Angleterre, où il ne s’était pas produit depuis dix ans. Cela aurait pu justifier la présence sur scène de ses partenariats phares mais la compagnie poursuit sa politique de regard vers l’avenir en alignant les artistes qu’elle avait préparés ces derniers mois mais le public ne s'est pas trouvé lésé, les représentations étant d'un niveau excellent, parfois même exceptionnel.

La petite scène du Grand Théâtre de Leeds n’est peut-être pas tout à fait adaptée aux grands ballets comme Le Lac et a posé quelques problèmes dans les scènes qui demandent de l’espace pour le corps de ballet notamment mais certaines ballerines ont aussi souffert de l’absence de maîtrise de ce manque d’espace. Les danseurs, moins novices il est vrai, s’en sont mieux sortis. Dans sa variation du premier acte, Siegfried fleurtant avec les bords de scène, en particulier la grille d’entrée du château comme les garçons du Pas de quatre de Frederick Ashton alors que les grands cygnes, les couples extérieurs de la polonaise du premier acte et de la mazurka du troisième étaient parfois dans les dégagements.
Pierre angulaire du répertoire de l’English National Ballet, Le Lac des cygnes est cependant sans cesse renouvelé, la compagnie s’astreignant à un important turnover, tant dans les danses de caractères que dans les rôles titres. Ainsi Leeds, outre la présentation de partenariats inédits, parfois imprévus, et une prise de rôle très réussie pour Adela Ramirez, révéla dans les danses annexes, les débuts de Daniel Kraus dans le pas de quatre d’Ashton.

Le Pas de Quatre d’Ashton arrive dans Swan Lake heureusement au début, comme un raffinement ultime qui rend parfois perplexe. Il souffre un peu de la petitesse de la scène car la composition très raffinée de Frederick Ashton prend en compte l’espace dans son parti pris esthétique, notamment dans les parties dévouées aux garçons qui ont des positionnements très précis dans leur jeu entre symétrie et asymétrie et dans les diagonales croisées du final en quatuor. Les quatre danseurs ont cependant bien maîtrisé l’espace, très coordonnés et ce moment très technique dans le premier acte joue tout son rôle de "cadeau" au prince.

Malgré les débuts très attendus de Daniel Kraus, c’est le quatuor formé de Kei Akahoshi, James Forbat, Anton Lukovkin et Erina Takahashi qui a frappé, ayant réussi le jeudi soir à atteindre un niveau où l’on ne se pose plus la question de son incongrue présence, où l’on ne s’attarde plus sur les difficultés techniques pour apprécier des mouvements d’ensemble, surtout dans les variations des garçons et le final. Certes, les traits ashtoniens sont très perceptibles dans la chorégraphie féminine et se singularisent totalement de ce que propose Derek Deane dans son œuvre, mais l’exécution précise assortie d’une légèreté pas facile à rendre par les deux jeunes femmes est très agréable. Les garçons de leur côté sont parfaitement synchros et semblent avoir définitivement compris l’esprit d’Ashton, alors que Daniel Kraus s’est peut-être un peu trop laissé entraîner par la musique, dévoilant des postures un peu moins académiques que souhaitées. Ce n’est évidemment qu’un début et les ressources demandées de technique parfaitement coordonnée sont assez importantes pour qu’il faille beaucoup les travailler avant d’arriver à l’exécution parfaite du point de vue artistique. Les couples du jeudi soir étaient donc harmonieux, les garçons parfaits dans leur exercice aérien. On retrouvait chez Erina Takahashi mais aussi chez Kei Akahoshi, une certaine grâce dans des moments parfois un peu trop précieux… Parmi les individualités, les lignes de James Forbat sont toujours assez impressionnantes, très élégant danseur, tout comme Adela Ramirez le premier soir, des danseurs très à l’aise dans Ashton.

La danse espagnole s’est révélée source de surprises, hésitation continuelle entre un ou deux couples (nombre inscrit dans la chorégraphie de Derek Deane), mais la compagnie se résignant à un simple duo, qui rend la danse peut-être un peu moins spectaculaire, même si elle met plus en valeur la virtuosité et la fougue des danseurs, on pense notamment à Begoña Cao et Fabian Reimair le deuxième soir qui ont fait montre d’un beau tempérament.

Dans la danse napolitaine, c’est Yat-Sen Chang et Crystal Costa qui ont encore brillé alors que Medhi Angot et Lisa Probert, lors de la matinée de jeudi, ont également enchanté dans cette chorégraphie qui convient bien aux danseurs de petites tailles très véloces et techniques, l’efficacité étant requise dans la coordination bras (jeu d’entremêlement de bras assez complexe) et pieds.

Au delà de celles communiquées par les principaux acteurs de l’histoire, les émotions sont de tout ordre dans le Swan Lake de Derek Deane qui ne laisse jamais indifférent. On peut même rire un peu sans que cela soit déplacé, et le petit théâtre de Leeds a fait raisonner le public se moquant comme les amies de Siegfried du précepteur un peu trop intéressé par elles, même lorsque Arionel Vargas a raté la réception du valeureux Michael Coleman qui a chuté un peu plus brutalement que prévu. Rothbart, quant à lui, suscite chez le public britannique une haine bruyante. Dans Le Lac des Cygnes de Derek Deane, Rothbart ne danse pas. C’est donc un rôle un peu particulier pour les danseurs. Il faut cependant un sacré physique, et une technique certaine pour les portés d’Odette dans des conditions pas faciles, avec les ailes gigantesques de la bête, et son interprétation est donc confiée à des danseurs expérimentés. André Portásio, grimé à outrance, s’est plutôt éclaté jeudi soir, grandiloquent et férocement animal dans le deuxième acte, pervers dans le troisième et fou furieux dans le dernier. Très impliqué dans l’histoire, il surveille ses cygnes avec agressivité et campe un personnage d’une présence majestueuse, tant est si bien qu’il est hué aux saluts, ce qui est peut-être le seul cas dans la danse où cela tient d’un grand honneur… mais il faut dire qu’il excelle dans ce type de rôle (sa Carabosse notamment est d’anthologie).

Fernanda Oliveira en Odette

D’habitude, Dmitri Gruzdyev et César Morales survolent Le Lac en imposant une interprétation de Siegfried très personnelle qui teinte l’histoire, mais aussi parce que leur efficacité technique émerveille dans les parties spectaculaires du ballet.

A Leeds, Dmitri Gruzdyev s’est un peu mis en retrait. Son prince est certes dominé par une personnalité à part, un côté moderne qui a beaucoup plu à Leeds. Toujours très relax dans le premier acte, on le voit assez souriant, un peu las dans son fauteuil mais aimable avec ses amis, très à l’aise dans la danse avec les jeunes femmes et plutôt pas inhibé par sa mère. Il lui offre des fleurs par l’intermédiaire de ses amies en souriant mais lorsqu’elle lui parle de mariage, il lui fait signe que ce n’est pas dans son programme, soupirant lourdement. Bref, elle l’énerve et cela se voit. Il s’est cependant moins impliqué dans les parties lyriques notamment dans la variation lente du premier acte, un peu tendu et plus concentré techniquement, les bras un peu plus mécaniques, un peu moins musicaux que d’habitude. La chorégraphie est très exigeante pour le haut du corps au début de la variation et c’est toujours un challenge. Dans cette variation, seul César Morales, transpose dans ses gestes une interprétation de l’histoire, il dessine alors l’esprit de Siegfried, romantique et poétique qui est esthétiquement très abouti. César Morales a également un fini qui est phénoménal. Sa danse est précise et esthétique jusqu’au bout des doigts. Le prince de Dmitri Gruzdyev est un prince plus mûr que celui de César Morales, plus ancré dans une fin d’adolescence, et les gestes sont éloignés des rêveries, plus secs et rapides. Dans le deuxième acte, Dmitri Gruzdyev est très "raccord" avec le premier car il ne comprend rien à ce qui lui arrive. Il a comme le coup de foudre pour Odette au moment où elle émerge de son cercle de cygnes et s’efface plus facilement que d’habitude dans le pas de deux du deuxième acte. Son personnage est alors définitivement transformé car on ne retrouve pas sa nonchalance dans le troisième acte lorsqu’il s’agit de trouver une épouse. Là, il est plutôt tendu et résigné. C’est seulement dans le dernier acte qu’il retrouve son allure tragique qui caractérise son Siegfried désespéré.

Fernanda Oliveira est une Odette très calme qui s’impose par une certaine beauté plastique, des mouvements parfaits dans le deuxième acte mais sans réel pouvoir émotionnel. C’est une très belle Odette, très précise à la danse légère et gracieuse mais elle n’arrive pas à faire parler ses bras qui s’ils sont esthétiquement irréprochables ne rendent pas les différents états de sa relation avec Siegfried comme peuvent le faire ceux de Daria Klimentová ou Erina Takahashi. Pourtant sa variation est excellente et le style est somptueux mais elle manque un peu de sensibilité musicale, de réponse aux micro-variations de tempo. Ceci d’ailleurs se voit dans le pas de deux du troisième acte où elle excelle par ailleurs mais où elle est quelquefois un peu décalée par rapport au tempo et dans ses fouettés, mais il faut dire que les Odile de l’English National Ballet ont souvent un problème avec la musique à ce moment là qui ne tient pas à leur technique personnelle, et seule Adela Ramirez a presque réussi à dompter l’orchestre à Leeds. L’Odile de Fernanda Oliveira est beaucoup plus sophistiquée que son Odette, très recherchée dans les rapports avec Siegfried mais aussi ceux avec Rothbart auprès duquel elle vient chercher ses conseils. Sa danse est très carrée et contraste bien avec son Odette plutôt figée. Pour la Première, c’était déjà un très beau spectacle.

La paire inédite formée de Zhanat Atymtayev et Elena Glurdjidze, qui remplaçait à la dernière minute Asta Bazevičiũte est très intéressante, ne serait-ce que parce que le changement de partenaire, et malgré les inévitables problèmes inhérents, apporte une fermeté au Siegfried de Zhanat Atymtayev qui manque un peu de relief dans son partenariat avec Asta Bazevičiũte. Il a trouvé sa place face à la forte personnalité d’Elena Glurdjidze sans paraître inexistant, même si elle mène le jeu dans les trois actes où elle apparaît. Zhanat Atymtayev est donc un prince discret et effacé, plutôt élégant et ornemental, la vision traditionnelle d’un Siegfried un peu inhibé par sa mère, mais présent pour servir sa ballerine, ce qu’il fait admirablement malgré les circonstances. Sa variation du premier acte est un peu affectée par un manque de stabilité dans les fameux tours en arabesque mais les autres difficultés techniques sont assez bien maîtrisées. Il joue très bien avec une ampleur de saut pour impressionner et, par extension, quand même faire exister visuellement son Siegfried face à une ballerine de caractère. En revanche, il échoue à créer un univers dramaturgique, à construire une ambiance, laissant l’histoire le conduire au terme de sa danse.

Le partenariat avec Elena Glurdjidze est donc perturbé par des petits soucis qui restent cependant au niveau micro même si l’on sent parfois que l’improvisation est de mise. Un pied qui tape le jeune homme, une main qui cherche désespérément l’autre, des alignements de jambes pas tout à fait parfaits, des petits ajustements qu’ils n’ont pas eu le temps de régler.

L’Odette/Odile d’Elena Glurdjidze s’inscrit dans une tradition de ballerina absoluta. Elle a beaucoup de charisme et de force, peut-être un peu trop dans le deuxième acte d’ailleurs. Son Odette est intense, les bras sont puissants et bien marqués mais pas disgracieux, ils campent cependant une Odette qu’on a du mal à croire complètement victime. Malgré un visage très dramatique dans le pas de deux du deuxième acte, elle ne paraît vulnérable à aucun moment. C’est un peu le défaut de l’Odette de Begoña Cao, expressionniste au comble de la souffrance dès le deuxième acte, alors que le pire est à venir, mais la comparaison s’arrête là entre les deux ballerines car Elena Glurdjidze apporte une profondeur à son personnage, par une richesse technique qui sert tout autant le pas de deux que sa variation du deuxième acte. Dans le quatrième acte, elle est d’ailleurs beaucoup plus convaincante et son choix de mourir s’impose autant par son jeu que par ses gestes, toujours en accord avec sa personnalité très forte. Le final est très émouvant, lisible dans les mouvements et compréhensible lorsque qu’Odette décide de se suicider et que Siegfried la suit immédiatement. Son Odile est sublime, dynamique et enthousiaste, elle utilise alors sa puissance et sa technicité à plein, notamment dans la variation du coda même si elle s’est laissée emporter trop en avant de la scène dans les fouettés, elle laisse une forte impression dans la salle. Elle pose alors son emprise sur le ballet, quels que soient les visages qu’elle présente par la suite, et devient démoniaque dans la fin de l’acte.

Begoña Cao est plus en difficulté le jeudi soir, notamment parce qu’elle est techniquement plus limitée, et parce qu’elle n’arrive pas à capturer la magie du rôle, ou tout du moins à la rendre. Elle n’a pas le port de bras et la grâce de Fernanda Oliveira ni l’autorité précise d’Elena Glurdjidze et son interprétation laisse sceptique, même si on prend en considération que le couple qu’elle forme avec Arionel Vargas prenait la scène après César Morales et Adela Ramirez et qu’il était assez difficile de faire naître plus d’émotion et d’admiration.

Elena Glurdjidze en Odile

Il est impossible de ne pas souligner encore une fois l’impressionnante interprétation de César Morales qui domine, tant au point de vue technique, que dramatique, l’interprétation de Siegfried actuellement. D’aucun diront qu’il en vole la vedette à la ballerine, mais est-ce vraiment important ? Les spectateurs sont là pour voir une histoire "merveilleuse" et merveilleux, le Lac des Cygnes de César Morales l’est. C’est un véritable enchantement de regarder le danseur évoluer et lorsqu’on a l’occasion de voir quatre Siegfried de suite, et même si chacun apporte quelque chose qui peut toucher plus personnellement un spectateur qu’un autre, il n’y a aucun doute qu’au point de vue technique, César Morales écarte tout danseur de la comparaison. Elévation, saltation, ballon, équilibre, précision, ce n’est même plus du domaine de la pure technique, c’est autre chose qu’on ne remarque (presque) plus pour se plonger dans le récit qu’il construit et qui disparaît sous le personnage qu’il crée. Ce niveau de sérénité est assez rare. C’est pourquoi, à Leeds, c’est dans la représentation de la veille, dominée par la présence scénique d’Elena Glurdjidze -et malgré ses petites imperfections- qui restitue un ballet complètement différent ne se prêtant pas à la comparaison, qu’on trouve l'autre moment très fort de la semaine. 

Bien sûr, l’English National Ballet a beaucoup dansé le Lac des cygnes ces derniers mois et César Morales aussi, ce qui lui a permis d’atteindre cette maturité artistique, qui semble pourtant s’enrichir à chaque représentation. Elle s’appuie sur une perfection technique qui sert de base à toutes ses émotions dans l’interprétation. Il imprègne le ballet d’une atmosphère qu’il sait rendre autant par sa danse très narrative que par son jeu d’acteur. Ainsi le Siegfried très mélancolique du premier acte participe d’une douceur et d’une bonhomie lors de la fête d’anniversaire alors que sa transfiguration amoureuse est saisissante dans le deuxième acte, culmine dans l’acte noir où il est un autre lui aussi. La cohérence dramatique est assurée par la danse avec les princesses qu’il touche du bout des doigts et qui le retrouve désemparé, cherchant appui près de ses amis courtisans qui assistent à la danse, repoussant le regard de sa mère. Dès l’apparition d’Odile, il est sûr de lui, gestes plus denses, plus marqués sans être brusques, très en phase avec Odile, il est heureux, un bonheur serein qui confère une plénitude au pas de deux. Pourtant, il regarde déjà Rothbart avec anxiété, lorsqu’Odette s’approche un peu trop de l’inquiétant mentor. Les variations du coda sont époustouflantes et servent d’autant plus le propos, d’autant plus qu’Adela Ramirez n’est pas en reste. Enfin, dans l’acte quatre, au comble du malheur, il n’est que souffrance, le regard douloureux se transformant selon qu’il se porte sur Rothbart qu’il combat, ou Odette.

Ceci dit, sa force est de pouvoir s’imposer dès la fin du premier acte dans la variation lente, un peu cauchemar de tous les danseurs, notamment en raison des tours en arabesque qui la ponctuent. Celle de César Morales est exceptionnelle, grâce a un équilibre infaillible bien sûr qui souligne ses lignes très pures, mais aussi par la poésie de sa danse soutenue par un port de bras délicat, jamais sec ou désordonné et un délié dans les enchaînements qui font que la multitude de petits mouvements qui forment la variation deviennent non seulement cohérents mais naturels, une certaine manière aussi de placer des temps d’arrêt en suspension presque imperceptibles mais qui enrichissent le moelleux de la danse. Enfin, il termine toujours très élégamment ses pirouettes est aussi une de ses marques de distinction car toutes ses fins de mouvement sont très propres et élégantes. Le geste est ample, il impressionne et la fin est parfaite de précision…

Arionel Vargas, excellent Siegfried à Leeds, très impliqué dans le drame, n’est pas à ce niveau, même si techniquement, il apparaît de plus en plus sûr mais il reste justement toujours ces petits calages finaux qui lui font défaut. Cependant, on peut admirer chez lui un port de bras très élégant, justement dans cette variation qui peut tourner à la gymnastique lorsque les gestes ne sont pas musicaux, et une douceur dans la réception de ses sauts. Malgré sa taille, c’est un danseur très souple et il sait utiliser sa flexibilité. Après le Siegfried très lyrique de César Morales, celui d’Arionel est assez naïf et bien construit, également très cohérent et correspond à la simplicité du personnage candide qu’il a commencé à créer au début de l’acte et qu’il continue à alimenter par la suite. Il est cependant un peu plus en porte-à-faux avec sa ballerine, Begoña Cao, qui est très expressionniste.

César Morales contamine-t-il son talent par proximité ou sa perfection donne-t-elle l’impression que ce talent existe chez les autres ? Il est certain que son incroyable sérénité et douceur ne peuvent que se communiquer car c’est aussi un excellent partenaire. Il est plus difficile de se positionner face à un Siegfried comme celui de Dmitri Gruzdyev, très volontaire et fantasque, par exemple.

L’excellence de la prestation d’Adela Ramirez qui faisait donc ses débuts dans le ballet entier est éclatante. Très impressionnante de sérénité et de poésie, elle a enchanté. Adela Ramirez est un cygne très élégant et très émouvant et surtout très musical. Son style est fluide et elle communique à ses bras des émotions. Elle sait être triste sans être martyr, désespérée sans être outrancière en Odette, une Odette, réservée et précise, très noble qui correspond totalement au style de son partenaire. Dans le pas de deux du deuxième acte par exemple, elle a juste ce qu’il faut d’abandon pour témoigner de son inclinaison pour Siegfried, sans nuire à la cohérence de sa condition de cygne. Sa variation lente est lumineuse et émouvante à l’extrême. Elle mène ses cygnes avec sensibilité, notamment au début du quatrième acte lorsqu’ils errent sur le lac, un des moments les plus impressionnants du ballet.

Son Odile est à la fois flamboyante et incisive mais très noble. Elle s’impose tout en nuance par rapport à son Odette, jamais vulgaire, seulement joueuse et impérieuse, dominatrice. Son style est alors très marqué et très dynamique, léger et rapide. Son geste de la main pour conduire Siegfried à ses genoux est indescriptible de beauté et sans être grandiloquent, assez autoritaire pour être indiscutable. Cette utilisation des nuances dans l’interprétation de l’histoire à travers des gammes de mouvements très élégants est également en action dans le quatrième acte, où lorsqu’Odette se confronte à Rothbart, elle se transforme alors de nouveau pour signifier la panique, mais une panique esthétiquement ordonnée, maîtrisant complètement ses gestes à un moment où le tempo de la musique s’accélère et où les portés d’André Portásio sont étourdissants, ceux de César Morales impressionnants. Elle peut ainsi rendre la terreur sans apparaître disgracieuse et incontrôlée.

Adela Ramirez et César Morales forment un très beau couple, très crédible, tant au point de vue du style très fluide que de l’interprétation. L’harmonie dans le partenariat est déjà apparente, d’un haut niveau, les regards, l’alignement des jambes et des bras notamment dans le pas de deux du deuxième acte est des plus esthétique. Les contacts sont riches de signification. A Leeds, la magie était au rendez-vous et Adela Ramirez a réussi son entrée dans le cercle des grandes ballerines.

 

 

 Maraxan © 2008, Dansomanie

 

 

Begoña Cao




01 avril 2008

Siegfried : Dmitri Gruzdyev
Odette/Odile: Fernanda Oliveira
Rothbart: Fabian Reimair
Pas de Quatre : Crystal Costa, Adela Ramirez, James Forbat, Anton Lukovkin


02 avril 2008

Siegfried : Zhanat Atymtayev
Odette/Odile : Elena Glurdjidze
Rothbart : Daniel Jones
Pas de Quatre: Begoña Cao, Sarah McIllroy, Fernando Bufalá, Daniel Kraus


03 avril 2008 (matinée)

Siegfried: César Morales
Odette/Odile: Adela Ramiez
Rothbart: André Portásio
Pas de Quatre: Kei Akahoshi, Fernanda Oliveira, Fernando Bufalá, Daniel Kraus


03 avril 2008 (soirée)

Siegfried : Arionel Vargas
Odette/Odile : Begoña Cao
Rothbart : André Portásio
Pas de Quatre: Kei Akahoshi, Erina Takahashi, James Forbat, Anton Lukovkin