Dansomanie : critiques : Coppélia (Ronald Hynd)
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Coppélia (Ronald Hynd)

14 mars 2008 : Coppélia, de Ronald Hynd, au Mayflower, Southampton (English National Ballet)

 

A l’occasion de ces premiers Coppélia de l’année, l’English National Ballet, en tournée en province, a décidé de tester quelques nouveaux solistes dans les rôles principaux. Ce vendredi voyait donc le retour de Venus Villa dans la compagnie après un - plus que bref - passage au Ballet de l’Opéra de Vienne : elle était associée en matinée à Fernando Bufalá, alors que la soirée présentait à la fois un couple bien rôdé, Elena Glurdjidze, familière du rôle, mais avec un Arionel Vargas dont c’était les débuts dans le rôle de Franz.

Le ballet de Ronald Hynd, chorégraphié assez près de l’histoire originale, est plutôt bien composé et s’il comporte beaucoup de mime, celui-ci est clair et toujours bref, n’alourdissant pas l’œuvre. Il prend cependant place dans les deux premiers actes surtout dans une narration assez bavarde dont la transposition dans l’histoire fantastique repose beaucoup sur la personnalité des danseurs principaux, Franz au premier acte et Swanilda / Coppélia au second.

Le rôle de Swanilda est très exigeant techniquement et il faut se détacher de ces difficultés pour pouvoir exhaler ce charisme scénique nécessaire au rythme du ballet et à la cohésion dramatique de l’histoire. C’est évidemment un peu injuste de comparer Venus Villa à Elena Glurdjidze mais c’est aussi la loi du genre même si la démonstration de cette dernière a de quoi renvoyer plus d’une danseuse expérimentée à ses exercices de base, mais, si Fernando Bufalá est apparu en état de grâce, Venus Villa n’est peut-être pas encore tout à fait prête pour le rôle, rendant la matinée surtout intéressante par la prestation du danseur.

Elena Glurdjidze

Les débuts de Fernando Bufalá ont donc été assez flamboyants mais somme toute conformes à ce qu’on pouvait attendre de sa part, car il poursuit avec confiance et sûreté une progression technique et artistique très régulière et sa distribution dans des rôles de solistes où il est toujours marquant, confirme cette dominante. Dans le rôle de Franz, il est apparu très à l’aise, dynamique et aérien dans sa danse, charmeur et drôle dans le mime. Sa variation dans le troisième acte s’est déroulée comme dans un rêve, une musicalité parfaite dans des gestes très précis et une relance très remarquée, même dans les moments les plus rapides, en particulier dans la série de sauts.

La version de Ronald Hynd met d’évidence l’accent sur le grotesque de cette histoire incohérente, presque un comique de l’absurde, et Fernando Bufalá a livré un Franz irrésistible de drôlerie aux côtés d’un Michael Coleman en Coppélius, gentil savant fou très affûté dans son mime et d’un Francisco Bosch métamorphosé spectaculairement en tavernier bon vivant pour animer ou maîtriser les beuveries (relativement sages) de sa taverne et s’occuper de la fête, sans oublier le débonnaire bourgmestre Daniel Jones, père de Swanilda.

Arionel Vargas, le soir est apparu également très gouailleur, un Franz un peu moins dynamique dans ses mouvements, jouant plus sur le moelleux de sa danse dans les parties techniques mais très crédible également. Même si dans l’esprit du ballet, Fernando Bufalá s’est révélé exceptionnellement juste, il faut admettre au profit d’Arionel Vargas que simplement paraître aux côtés de la Swanilda d’Elena Glurdjidze n’est pas une mince affaire car la danseuse a fait montre d’une certaine perfection dans tous les domaines et il était difficile de lui contester la vedette.

En effet, après le Coppélia plutôt "franzien" de la matinée, le tempérament de feu d’Elena Glurdjidze a changé toute la perspective du ballet : une envergure dans sa danse très mordante, une précision dans le travail des pieds, notamment dans un deuxième acte avec une danse espagnole explosive, porte l’histoire comme un train à grande vitesse, un peu au delà de la simple représentation théâtrale. Elle incarne une Swanilda coquine et sûre d’elle qui s’oppose à son Franz plutôt joli cœur et détaché avec un naturel qui efface les difficultés techniques et les petits pas parfois un peu laborieux de la chorégraphie. Elle imprime notamment une qualité de finition dans tous ses mouvements, même les plus difficiles qui rend tous ses enchaînements très souples et visuellement merveilleux. Enfin, elle avait l’air de tellement s’amuser avec la complicité de son partenaire que cette joie s’exhalait dans la salle.

Elena Glurdjidze et Michael Coleman

En petite formation, le corps de ballet s’est illustré par sa cohésion, la mazurka ou la valse des heures enlevées avec grâce et perfection. Dans les deux représentations, Adela Ramirez s’est encore une fois illustrée parmi les amies de Swanilda mais surtout dans l’Aurore du troisième acte, jeu de jambes précis et épaulement particulièrement bien senti alors que Begoña Cao s’est mieux sortie de la Prière l’après-midi que le soir, mais il est vrai que la tension est très forte sur cette partie du troisième acte et que l’ombre et surtout l’ambiance de feu d’Elena Glurdjidze planait encore sur scène à son entrée.
Les garçons sont moins sollicités dans Coppélia que dans d’autres ballets, mais le quatuor des amis de Franz, James Forbat, Daniel Kraus, Anton Lukovkin et Juan Rodriguez mérite d’être mentionné par sa danse claire et une élévation particulièrement bien synchronisée dans leur variation très physique du troisième acte qui dévoile les grands moments de danse du ballet.

Les premières représentations de Coppélia à Southampton ont encore une fois consacré Elena Glurdjidze comme la formidable ballerine qu’on n’oublie jamais qu’elle est. Charisme, brio technique, légèreté et dynamisme, subtilité et tendresse, sa Swanilda/Coppélia est un modèle du genre.

 

 

 Maraxan © 2008, Dansomanie

 

 

Dmitri Gruzdyev et Elena Glurdjidze




14 mars 2008 (matinée)

Coppélia : Venus Villa
Franz : Fernando Bufalá


14 mars 2008 (soirée)

Coppélia : Elena Glurdjidze
Franz : Arionel Vargas