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Lyon : «Corps rebelles» au Musée des Confluences
13 septembre 2016 - 05 mars 2017 : «Corps rebelles» au Musée des Confluences
En écho à l'ouverture de la Biennale de la
Danse, le Musée des Confluences de Lyon présente «Corps rebelles», une
exposition née au Québec et imaginée par la journaliste et critique
Agnès Izrine, en forme d'immersion dans l'univers de la danse du XXe
siècle.

L'immersion n'est pas ici simple métaphore. Plus
qu'une exposition, au sens classique du terme, «Corps rebelles» se
présente comme une véritable installation, dotée d'une scénographie
interactive. Plongé dans un clair-(très)obscur intimiste, presque
troublant même, le visiteur est invité à parcourir une pièce circulaire
unique, muni d'un casque audio (un peu fatigant à dire vrai au bout
d'une heure trente de promenade...), dont le son se synchronise selon
l'endroit où il se trouve et lui donne accès de la sorte à des vidéos.

L'intitulé «Corps Rebelles» renvoie à une
double problématique, frappée en quelque sorte du sceau de l'évidence :
celle du corps, véritablement obsessionnelle dans le discours
contemporain sur la danse, et celle de l'affranchissement : la danse
moderne, puis la danse contemporaine, se veulent, quelles qu'en soient
les déclinaisons, rupture, plus ou moins consommée, avec les codes et
les contraintes attachés à la danse académique.
Aussi sophistiquée soit-elle dans sa forme,
l'exposition se donne un objectif ouvertement pédagogique. De l'aveu
même de sa commissaire, Agnès Izrine, il s'agit de rendre la danse – une
certaine danse - accessible à un public qui ne la connaît pas forcément
– voire peut-être s'en méfie ? Le parcours est ainsi articulé autour de
six grandes thématiques, illustrées chacune par des photos, des textes
et des vidéos, qui sont comme des clés ou des portes d'entrée dans
l'univers parfois crypté de la danse moderne et contemporaine : «Danse
virtuose», «Danse vulnérable», «Danse savante, danse populaire»,
«Danse politique», «Danse d’ailleurs» et «Lyon, terre de danses».
Toutes ces pistes n'ont pas, en soi, la même pertinence ni la même force
réflexive («Lyon, terre de danses», adaptée pour le Musée des
Confluences, fait quand même un peu «placement produit», quand
l'articulation virtuosité/vulnérabilité, savant/populaire s'avère
essentielle et aussi riche que passionnante), mais toutes ont cependant
quelque chose à nous dire de cette danse du XXe siècle, une danse qui se
fait toujours, consciemment ou non, le sismographe de son temps – de
l'air du temps et du monde tel qu'il est.

Situés au cœur du dispositif scénographique, les
témoignages filmés d'interprètes ou de chorégraphes, reliés chacun à
l'une des thématiques de l'exposition, sont ainsi chargés de souligner
les liens profonds et pérennes entre le champ chorégraphique et le champ
politique, à tout le moins social. Cette interaction, constamment mise
en exergue, si elle est réelle, est-elle toutefois une exclusivité du
XXe siècle? Portés par une histoire et une actualité, les propos que
tiennent ces artistes ont en tout cas souvent une résonance bien plus
universelle qu'on ne pourrait s'y attendre, remuant là des questions
centrales qui parcourent toutes les époques. Parmi eux, Louise
Lecavalier, interprète fétiche d'Edouard Lock, évoque la virtuosité à
l'ère moderne, tandis que Raimund Hoghe, chorégraphe allemand, parle,
non sans susciter un certain trouble, de sa volonté de faire d'un
handicap physique – une malformation du dos – un art de questionner ses
semblables. François Chaignaud, adepte, avec Cecilia Bengolea, du
mélange - et de la subversion - des genres et des styles (danse sur
pointes, chant géorgien, voguing, dub jamaïcain et autres danses
urbaines), parle de son côté, avec une magnifique éloquence, de ce
moment cathartique où la danse parvient à se faire matière
«bouleversante» - entre «l'obsession de la maîtrise et l'excès, les
déséquilibres, les abandons».

Raphaëlle Delaunay, danseuse métisse sise
entre deux mondes (monde blanc/monde noir, monde du ballet
classique/monde de la danse contemporaine), explique quant à elle, sans
pathos, comment elle se réapproprie certaines danses, comme le
charleston, associées à une mémoire douloureuse. Aussi différents
soient-ils, les corps modernes ou contemporains sont, sinon «rebelles»
- le terme est peut-être un peu trop chargé et convenu -, du moins dans
une relation de questionnement renouvelé à la norme.
Le parcours proposé est beaucoup plus dense qu'il
n'y paraît à première vue. En complément du dispositif vidéographique
principal, quatre petits films, spécialement réalisés pour l'exposition,
évoquent l'évolution du regard sur le corps dansant au XXe siècle au
travers de nombreuses images d'archives. Ils mériteraient, sans nul
doute, d'exister bien au-delà du musée. L'exposition se prolonge par une
réflexion autour de la mémoire et de la conservation de la danse. Une
petite salle est ainsi consacrée à la question, fort ancienne, de la
notation chorégraphique, qui peut toutefois laisser un peu sur sa faim :
Feuillet, Benesh, Laban, soit, mais entre le premier et les deux
autres, rien? Nous n'avons pu voir en revanche l'installation autour du
Sacre du printemps, laquelle
met en perspective, dans un espace à 360°, huit versions d'un même
extrait musical de cette œuvre majeure, manifeste fondateur de la
modernité.
Bénédicte Jarrasse
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Exposition «Corps rebelles»
Commissariat : Agnès Izrine
Du 13 septembre 2016 au 05 mars 2017
Musée des Confluences
86 quai Perrache
69002 LYON
www.museedesconfluences.fr
Mardi, mercredi et vendredi : de 11h à 19h
jeudi : de 11h à 22h
samedi, dimanche et jours fériés : de 10h à 19h, sauf le 14 juillet 2016 : de 11h à 22h
Plein tarif : 9€
Tarif réduit : 6€
Tarif pour tous à partir de 17h00 : 6€
Tarif 18 – 25 ans : 5€
Reportage réalisé le 12 septembre 2016 ©
Dansomanie
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