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giuseppe chaivaro Miyuki Kanei angelito lozano


portrait giuseppe chiavaro

Depuis 1994, je travaille avec Thierry Malandain. Auparavant, j’étais membre de la compagnie aujourd’hui disparue Sinopia-Ensemble de danse, à la Chaux-de-Fonds, en Suisse. J’y suis resté de 1992 à 1994. Ensuite, j’ai donc rejoint Thierry Malandain, dont la compagnie, Temps présent, était installée à l’époque à Saint-Etienne, et est devenue le Ballet Biarritz en 1998.

J’ai commencé la danse en Italie à l’âge de douze ans dans une école privée ; en 1986, j’ai obtenu une bourse d’étude pour l’Ecole de danse de l’Opéra de Paris, à la suite d’un concours organisé par la marque de vêtements Benetton. 

J’ai passé un an à Nanterre ; c’était la toute première année ou les petits rats étaient installés là-bas, dans les nouveaux bâtiments, et non plus au Palais Garnier. A l’époque, en 1ère division, il y avait un certain nombre de futures célébrités, Aurélie Dupont, José Martinez et Nicolas Le Riche entre autres!

giuseppe chiavaro

Après, j’ai poursuivi ma formation chez Rosella Hightower, à Cannes. L’Opéra a été pour moi une sorte de parenthèse, assez vite refermée, et ce qui a vraiment compté, c’est l’enseignement que j’ai reçu à l’école de Rosella Hightower.  J’y ai surtout été marqué par les cours de José Ferran, un professeur magnifique. C’est lui qui m’a inculqué les valeurs fondamentales de la danse.

Je suis resté quatre ans à Cannes, puis, comme tous les danseurs en fin de cursus, j’ai auditionné un peu partout, et j’ai fini par être pris chez Sinopia. Le répertoire y était essentiellement «néoclassique», même si je n’aime pas beaucoup ce terme. Lorsque j’ai décidé de quitter cette compagnie, j’ai été contacté par un ami avec qui j’étais à l’école Hightower, et qui dansait alors chez Thierry Malandain ; il m’a dit qu’un poste était vacant à Temps Présent, et comme j’avais envie de rentrer en France, j’ai sauté sur l’occasion. J’ai auditionné deux jours durant, et à l’issue d’un entretien avec Thierry Malandain, j’ai été engagé.

Ma première année au sein de la compagnie Temps présent fut une période d’adaptation au chorégraphe et à ses méthodes de travail. Cela n’a pas été facile immédiatement. Tout en étant également «néoclassique», le style de Thierry Malandain était très différent de ce que j’avais fait en Suisse. Il faut une année pour se rendre compte que  l'on a vraiment envie de travailler avec un chorégraphe ; comme cela me convenait, je suis resté.

Thierry Malandain est très exigeant. Il vient de la danse classique, académique, et cela se sent dans le travail quotidien ; c’est un perfectionniste, mais il a confiance dans ses danseurs et sait aussi leur laisser une certaine liberté.

L’organisation de la journée est très simple. Le matin à dix heures, il y a le cours classique, avec barre et milieu, puis viennent les répétitions des spectacles en cours. A Biarritz, la journée s’achève vers 17h30. En tournée, on commence généralement plus tard, vers treize heures, mais il y a le spectacle le soir en plus.

Le répertoire du Ballet Biarritz est exclusivement composé des chorégraphies de Thierry Malandain. Evidemment, on a parfois la tentation de danser un grand ballet classique, juste pour le plaisir, mais cela m’arrive moins aujourd’hui qu’il y a dix ans. De toute façon, il n’est pas dans les habitudes de la compagnie que les danseurs se produisent ailleurs en artistes invités.

Lorsque je suis arrivé à Saint-Etienne, j’ai dû très vite me «mettre dans le bain» et apprendre une grande partie du répertoire ; quand on entre dans une compagnie, quelle qu’elle soit, on travaille dans l’urgence, car il faut être opérationnel tout de suite. Il n’y avait pas de système de tutorat, par exemple, il fallait se fondre au mieux dans l’ensemble. Mais c’est avant tout le travail du maître de ballet que d’intégrer les nouveaux dans la troupe, et de leur enseigner les chorégraphies.

Aujourd’hui, nous faisons environ quatre-vingt dix spectacles par an. A l’époque, c’était plutôt de l’ordre de la cinquantaine, ce qui m’a facilité le travail d’apprentissage. Je ne peux pas dire qu’un spectacle particulier m’ait marqué plus que les autres. En fait, cela dépend de l’état d’esprit dans lequel je me trouve au moment de la représentation. On peut être extrêmement touché par une œuvre un jour, et y demeurer indifférent le lendemain. J’essaye toujours de m’investir à cent pour cent dans chaque spectacle, mais évidemment, on ne maîtrise pas toujours le résultat. Maintenant, c’est vrai, je pourrais peut-être tout de même mettre en exergue Casse-noisette, qui m’avait apporté une très grande émotion.

Au sein de la compagnie, il n’y a pas de hiérarchie, et donc, on ne recherche pas à tout prix le succès personnel. C’est le travail collectif qui prime, même si, par exemple, lorsque nous avons fait des tournées à New York ou à Moscou, j’ai pu ressentir une euphorie particulière. Le déménagement de Saint-Etienne à Biarritz s’est étalé sur plusieurs mois. Nous avons pris la décision de nous installer sur la côte Basque, car la ville de Biarritz avait manifesté le souhait de créer un Centre Chorégraphique National. Pour nous c’était très important. Jusqu’alors, nous étions une compagnie privée, et ce n’était pas toujours facile de trouver des spectacles. De ce point de vue, notre sort s’est bien amélioré maintenant ; nous sommes salariés, alors qu’auparavant nous étions intermittents du spectacle, un statut nettement moins confortable. La contrepartie, ce sont évidemment des contraintes administratives plus lourdes.

Je suis le plus ancien danseur de la compagnie, mais beaucoup d’artistes font partie de la troupe depuis assez longtemps aussi. Je considère le fait de travailler avec un chorégraphe unique comme une sorte de privilège. Ce fut pour moi un choix délibéré, même si au bout d’un certain nombre d’années on peut être enté de voir autre chose. Mais ici, en général, les danseurs restent… Thierry Malandain possède un style qui lui est propre, mais qui évolue dans le temps, et l’on ne ressent pas de monotonie. Evidemment, la «patte» de Thierry Malandain est immédiatement reconnaissable, et on s’en imprègne très vite. Aujourd’hui, si on me demandait de composer une chorégraphie, je pourrais difficilement me défaire de cette influence… J’avoue ne pas me sentir du tout une âme de créateur!

En ce qui me concerne, j’ai atteint l’âge où on commence à se poser la question de sa reconversion, mais je ne suis pas encore assez vieux pour m’arrêter de danser. Devenir enseignant, assistant de chorégraphe sont des possibilités auxquelles je réfléchis, mais il n’y a pour l’heure rien de concret. Au Ballet Biarritz, il n’y a pas de limite d’âge fixée de manière autoritaire, administrative. C’est au danseur de décider lui-même, lorsqu’il sent que cela ne va plus. Dans certains cas, la compagnie peut proposer un autre poste aux artistes en fin de carrière, mais cela n’a rien d’automatique. En tout état de cause, je compte passer le Diplôme d’Etat de professeur de danse. Cela me paraît indispensable, quel que soit la carrière qu’on envisage par la suite. Mais on ne peut pas non plus se lancer trop tôt dans la préparation de cet examen. Il faut du temps pour se former sérieusement, et du temps, lorsqu’on est danseur et que l’on doit assurer les spectacles, on n'en a pas forcément beaucoup à sa disposition.



portrait miyuki kanei

J’ai rejoint le Ballet Biarritz en 2006, et je fais donc partie des «nouvelles» de la troupe. J’ai débuté la danse à l’âge de sept ans à Hiroshima, avec un professeur japonais. A dix-huit ans, je suis venue en France. J’ai d’abord suivi une formation classique, puis j’ai pris des cours de danse contemporaine et de danse de caractère.

Au Japon, les cours classiques ont à peu près le même contenu qu’en France ; on y enseigne d’ailleurs la technique française, tout comme la russe. 

En 1999 - j’avais quatorze ans -j’ai passé une audition pour le Prix de Lausanne. Je suis parvenue jusqu’aux quarts de finale.  Cela m’a donné envie de venir m’installer en Europe. Mon professeur m’a conseillé d’aller en France. L’idée m’a plu, car pour moi, la France représentait la culture artistique, et surtout c’était le berceau de la danse académique.

miyuki kanei

A mon arrivée en France, j’ai été prise au Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Lyon. J’y ai travaillé avec Philippe Cohen, qui en était alors le directeur. J’y suis restée deux ans. Je faisais partie du «Ballet Junior», qui fonctionnait déjà un peu comme une «vraie» compagnie, avec des séances de répétition tous les jours. 

En France, la plupart des professeurs ont eux-mêmes déjà travaillé au sein d’une compagnie, et sont plus attentifs à l’anatomie et au placement qu’au Japon, où il n’existe d’ailleurs pas de diplôme pour être professeur de danse. 

A l’issue de ma formation au Conservatoire, j'ai passé des auditions un peu partout, aussi bien en France qu’au Japon. J’ai été prise à l’école de Pascale Courdioux, à Villeurbanne ; la directrice montait à ce moment sa compagnie, «Lyon-Ballet». Cela m’a donné l’occasion de collaborer à des spectacles ; par ailleurs, le répertoire de la troupe, essentiellement classique et néo-classique, me permettait aussi de continuer de travailler sur pointes. Je suis restée deux ans chez Pascale Courdioux, en alternant avec des périodes de six mois au Japon, car j’avais aussi repris des cours à Hiroshima. 

C’est ensuite Pascale Courdioux elle-même qui m’a présentée au Ballet Biarritz. Là encore, il s’agit d’une compagnie au répertoire relativement «classique», ce qui correspondait à mes propres envies. Ils recherchaient une danseuse, mais au début, ils ont un peu hésité à retenir ma candidature. Puis, en avril 2006, il y a eu un départ dans la troupe, et j’ai finalement été engagée. J’ai pris mes fonctions officiellement en juillet 2006, mais, au cours des deux premiers mois, je n’ai pas véritablement participé aux spectacles, hormis en tant que figurante. Ce n’est qu’à partir du mois de septembre que j’ai réellement fait de la scène. 

Chaque chorégraphe est différent : c’était la première fois que je dansais du Malandain, et, évidemment, un certain temps d’adaptation est nécessaire. Mais après quelques semaines, cela vient naturellement. Certes, on ne travaille pratiquement pas sur pointes, mais le style de Thierry Malandain reste néanmoins assez académique. 

Mes premiers «vrais» spectacles avec le Ballet Biarritz furent Les Petits riens et Don Juan, sur des musiques de Mozart et de Gluck, à Cadix, en Espagne. Le Ballet Biarritz se produit beaucoup en tournée, et cela me plaît beaucoup : on y découvre des gens et des cultures différentes, et pour le moment, je ne ressens pas de fatigue particulière en raison de tous ces déplacements. J’espère surtout qu’un jour la troupe pourra se produire chez moi au Japon. C’est vrai, parfois mon pays me manque un peu, mais c’était mon rêve de venir en France, et je me sens bien à Biarritz.



portrait angelito lozano

J’ai débuté la danse avec Martine Olivier, au Raincy, dans la banlieue parisienne. Elle m’a présenté au Conservatoire et à l’Ecole de danse de l’Opéra de Paris. En raison de ma trop petite taille, je n’ai pas été pris à l’Opéra, mais j’ai tout de même eu la chance de rencontrer des personnalités telles que Solange Schwartz, Christiane Vaussard et surtout Roger Ritz, qui m’a permis d’entrer au Conservatoire. 

J’ai ainsi fait toutes mes classes au CNSMDP, d’abord deux années préparatoires, puis au cours supérieur. J’en suis sorti avec un premier prix à l’unanimité.

angelito lozano

A l’époque, je rêvais d’intégrer la compagnie de Maurice Béjart. En raison de mon physique, je ne pouvais pas espérer devenir un danseur noble, et ce que faisait Béjart m’attirait beaucoup. Avec 500 francs (76 €) en poche, je me suis rendu en Belgique, avec l’espoir de rencontrer le Maître! Jean de Veust, qui était décorateur et costumier au Théâtre de la Monnaie, à Bruxelles, ainsi que Germinal Casado, m’ont servi de mentor. Un jour, De Veust m’a conseillé d’auditionner au Ballet Royal de Flandre ; l’idée était bonne, car je fus immédiatement engagé. Malheureusement, j’ai dû brutalement interrompre ma carrière, pour effectuer mon service militaire, à Montmédy. Heureusement, le Ballet de Flandre a accepté de me reprendre après mon passage à l’Armée. J’ai fait un an de Corps de ballet, puis je suis passé demi-soliste, et enfin soliste. J’y ai fait quelques rencontres marquantes, comme celle de Moshé Efrati, un chorégraphe israélien extraordinaire, qui possédait sa propre compagnie, composée à l’époque d’une dizaine de danseurs malentendants [ndlr : la «Kol Demama Dance Company», qui existe toujours et est demeurée fidèle à son projet initial de faire appel à des artistes sourds]. Par ailleurs, le Ballet de Flandre disposait de moyens financiers importants, et pouvait se permettre d’inviter des professeurs prestigieux. J’ai ainsi eu la chance de travailler avec Hans Brenaa. 

En 1980, j’ai passé une audition au Ballet de Nancy. C’était un peu le même genre de compagnie, assez éclectique ; elle était dirigée à l’époque par Jean-Albert Cartier. Là aussi, j’ai pu travailler avec de nombreux professeurs et chorégraphes réputés, et me confronter à de grandes œuvres telles Petrouchka, Pulcinella ou encore certains ballets de Cranko. Et on exigeait de nous une solide technique classique, chose que je souhaitais d’ailleurs inconsciemment. C’est à Nancy que j’ai fait la connaissance de Thierry Malandain, qui était également danseur dans la troupe. Il s’est rapidement lancé dans la chorégraphie, et Sonatine, sa deuxième création, fut pour moi l’occasion de danser mon premier rôle dans un ouvrage de Thierry Malandain. La pièce était écrite sur des musiques de Karlheinz Stockhausen et de Karol Szymanowsky, et j’en avais beaucoup aimé l’humour noir et la pantomime élaborée. C’est ainsi que débuta ma collaboration avec Thierry Malandain. 

En 1985, j’ai quitté le Ballet de Nancy ; j’ai alors fait un passage chez Jean-Christophe Maillot – élève de John Neumeier -, qui était à l’époque à Tours. Avec Thierry Malandain, nous avions déjà formé le projet de créer une compagnie, mais, au préalable, je voulais acquérir une expérience au sein d’une petite structure de six ou sept danseurs. 

L’année suivante, nous nous sommes jetés à l’eau, et nous avons créé «Temps présent». J’ai débuté en tant que danseur, mais très vite, je me suis mis à donner des cours. A l’âge de quarante ans, je me suis arrêté de danser, et je suis devenu professeur et maître de ballet. Nos pérégrinations nous ont menés de Paris à Saint-Etienne, puis à Biarritz, où j’ai suivi Thierry Malandain, en compagne de mon épouse, elle aussi danseuse dans la compagnie. Ma femme est ensuite devenue enseignante au Conservatoire de Biarritz-Bayonne-Anglet, et j’ai voulu faire comme elle. Je suis donc devenu moi-même professeur au Conservatoire, tout en continuant de donner des cours à la compagnie. Cela nous a permis de mettre en place un partenariat entre le Centre Chorégraphique National de Biarritz (CCN) et le Conservatoire National de Région (CNR). 

Au Ballet Biarritz, je donne régulièrement des cours en tant que professeur invité, lorsque la compagnie n’est pas en tournée. Les classes sont aménagées de manière à correspondre aux exigences spécifiques de Thierry Malandain. Une importance particulière est accordée au travail du haut du corps, qui doit être très libre. En général, je m’efforce de savoir quels sont les ballets au programme, de manière à adapter mon cours. En ce moment [février 2007, ndlr], le problème, ce sont les pliés, un peu insuffisants, que je dois donc faire travailler en priorité. 

J’aime beaucoup que mes cours soient «dansants», et que l’on y utilise l’espace au maximum. C’est en étudiant Bournonville que j’ai acquis la conviction qu’il est nécessaire de bien maîtriser l’espace, maîtrise que l’on acquiert en répétant des enchaînements très longs. 

Au Ballet Biarritz, il n’y a pas de cours sur pointes à proprement parler. Il arrive que certaines danseuses gardent leurs pointes, mais les exercices ne sont pas spécifiquement adaptés. Cela viendra peut-être un jour, mais cela dépendra évidemment de l’évolution artistique de Thierry Malandain. 

Cela étant dit, nous recherchons néanmoins des artistes qui possèdent de solides bases classiques. Un danseur classique peut aborder tous les répertoires, tandis que celui qui possède une formation spécifiquement contemporaine n’aura pas la polyvalence aujourd’hui nécessaire. Cela est d’ailleurs vrai également dans les grandes compagnies, comme le Ballet de l’Opéra de Paris.


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