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Soirée Mats Ek [ONP Garnier 22/06 - 14/07/2019]
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haydn
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MessagePosté le: Sam Juil 06, 2019 12:06 pm    Sujet du message: Répondre en citant

haydn a écrit:
Merci Idamante Smile

Il faut que je prenne mon courage à deux mains et que j'écrive enfin aussi ma bafouille sur ce spectacle. Je découvrais ce soir la seconde distribution, et, contrairement à ce que j'attendais, eh bien, j'ai largement préféré Aurélie Dupont à Ludmila Pagliero dans Another place.

Du temps où elle trustait encore tous les rôles principaux dans les grands ballets du répertoire, j'avoue que je n'étais pas l'un de ses fans inconditionnels, loin de là.

Dans Another place, elle a essuyé un certain nombre de critiques parce qu'elle avait décidé de remonter sur scène, alors qu'elle occupe le poste de Directrice de la danse, et qui plus est dans une création signée d'un des chorégraphes majeurs de notre époque.

Suite à divers désistements, blessures etc..., Aurélie Dupont et Ludmila Pagliero se sont retrouvées avec le même partenaire, Stéphane Bullion, ce qui facilite les comparaisons.

Avec Aurélie Dupont, Another place s'inscrivait dans la lignée d'Appartement : esprit déjanté, un peu leste pour ne pas dire grivois - malgré les costumes tristounets, on a toujours l'impression que Mats Ek fait les fonds de panier chez Emmaüs - avec de l'humour et du punch. Tout cela était présent le soir de la Première, avec une vraie complicité entre les partenaires, qui jouaient l'un avec l'autre, se provoquaient, s'asticotaient. Par ailleurs, Aurélie Dupont s'était très bien appropriée la gestuelle si caractéristique d'Ana Laguna - les deux artistes ont pourtant un physique très différent - au point que chaque mouvement semblait avoir été tracé pour la muse et compagne de Mats Ek.

Ludmila Pagliero, elle, nous entraînait dans l'univers austère, noir, de La Maison de Bernarda. On avait peine à croire qu'il s'agissait de la même œuvre. L'étoile argentine est très retenue, presque prude, et la partie de jambes en l'air sur la table de la cuisine semble davantage tourner au viol qu'au jeu entre amants. J'en suis resté assez interloqué. On est face à deux interprétations si radicalement opposées qu'on a peine à savoir ce que Mats Ek désirait réellement. Si je n'ai pas les moyens de sonder l'âme du suédois, pour deviner de quel côté elle penche vraiment, en revanche, en tant que spectateur, mon choix est fait, et pour une fois sans hésitation.



Je me remets au clavier pour compléter mon compte-rendu d'hier soir. A posteriori, on se dit que l'événement de cette triple affiche "Mats Ek", aura finalement bien été le retour sur scène - qui en laissait beaucoup sceptiques - d'Aurélie Dupont, quatre ans presque jour pour jour après avoir raccroché ses chaussons de danseuse étoile.

Aucune des trois œuvres présentées ne peut vraiment être comptée parmi les plus marquantes que Mats Ek ait chorégraphiées.

Sa Carmen était, dès sa création en 1992, d'une esthétique (délibérément?) un peu anachronique. Pourquoi avoir déterré le galimatias soviétique composé par Rodion Chédrine en 1967 pour accompagner la danse? La partition est tout sauf impérissable, et l'arrangement réalisé par Tommy Desserre en 1949 pour le ballet de Roland Petit sur le même thème n'est pas vraiment pire... La transposition à l'époque de la Guerre d'Espagne (avec les uniformes kaki et les évocations de façades trouées par les obus, mais qui ressemblent davantage à des tranches de fromage suisse), elle, fait plutôt penser aux années 1970, lorsque les révolutionnaires d'opérette partaient à la conquête du monde dans les cafés de Saint-Germain-des-Près...

Cela reste évidemment du Mats Ek, avec une construction solide et des danseurs bien dirigés. Muriel Zusperreguy, en M [icaëla], a incontestablement dominé les deux distributions. Danseuse d'expérience, elle avait déjà été distribuée il y a sept ans dans Appartement. Visiblement, elle n'a rien oublié de l'enseignement de Mats Ek, et son interprétation est impeccable de justesse. Dans le rôle-titre, Eleonora Abbagnato est incontestablement plus flamboyante qu'Amandine Albisson, un peu trop retenue. Néanmoins, il serait injuste de dire que l'une écrase vraiment l'autre. On a par ailleurs un peu de mal à comprendre ce que fait Eve Grinsztajn dans le "corps de ballet" (aux côtés d'une autre Première danseuse, Hannah O'Neill), alors que les rôles de composition lui réussissent bien (on se rappelle son extraordinaire Mademoiselle Julie) et qu'elle aurait certainement été une excellente Carmen.

Dans la seconde distribution, Florent Melac a composé un Escamillo de bon aloi. Néamoins, il ne joue pas tout à fait dans la même catégorie que Hugo Marchand, don la personnalité plus affirmée a fait merveille le soir de la première.

En revanche, Simon Le Borgne a connu une réussite insolente en Don José, et n'a jamais paru fade ou timoré, alors qu'il avait pourtant Eleonora Abbagnato en face de lui. Manifestement à l'aise dans le répertoire contemporain - surtout s'il offre un espace de créativité sur le plan théâtral -, Simon Le Borgne avait déjà contribué à sauver du naufrage Play, d'Alexander Ekman.


Boléro (qui s'enchaine en fait à Another place), a été présenté par certains critiques comme un nouveau "chef d’œuvre ultime". C'est sans doute très exagéré, et Mats Ek lui-même n'avait probablement aucune intention de s'inscrire en "concurrent" de Maurice Béjart. C'est d'ailleurs pour cette raison que le Suédois réussit son coup. Ce Boléro est humoristique, divertissant, mais sans prétention hors de propos. On ne sait pas si Mats Ek avait un compte à régler avec son frère Niklas, le porteur d'eau en ciré de patron-pêcheur, qui finit trempé dans la baignoire qu'il a dû remplir tout au long des 15 minutes que dure la pièce.

L'orchestre de l'Opéra de Paris, pourtant placé sous la direction d'un chef renommé, Jonathan Darlington, a un peu déçu dans la célébrissime pièce de Maurice Ravel, prise dans un tempo exagérément lent (peut-être était-ce une exigence du chorégraphe), et trop terne dans le rendu des coloris instrumentaux.



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Idamante



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MessagePosté le: Dim Juil 07, 2019 11:07 am    Sujet du message: Répondre en citant

Retour sur le spectacle du 2 juillet , après entracte cette fois-ci.

« Another place » est le bijou qui brille au coeur de la soirée . Le thème, récurrent chez Mats Ek, d'un couple qui se fait et se défait dans une petite vie du quotidien, étriquée , une petite vie tranquille , pas bien excitante dans sa médiocrité .
Quelques objets d’un grande banalité, table, tapis , permettent paradoxalement de rêver , de s'échapper un instant : faire l’amour sur la table ou cocooner en s ’enroulant dans le tapis rouge . Saugrenu et/ou amusant sans qu’on ressente cependant une ironie féroce. Tout ceci fait très « Scènes de la vie conjugale » d’Ingmar Bergman . il y a là comme un écho à la pièce proposée par le chorégraphe lors du spectacle Bergman du TCE en juin 2018 - Le seul point fort , à mon avis, d’une soirée Hommage à Bergman tristounette ( Aitres invités, Inger, Ekman ) … Comme si les cartes du couple ne cessaient d’être rebattues dans le désordre: « Place » citée par Sophia; « Another place » ici même ; et « Memory » , vieux couple au soir de sa vie , dansé par Mats Ek et Ana Laguna au soir de leur vie de danseurs -

L’immense espace scénique nu du Palais Garnier se dévoile jusqu’au rideau coupe feu métallique du foyer de la Danse . Effet de suspense garanti : s’ouvrira, s ouvrira pas, quand , quel effet et quel sens en attendre … ?
Peu importe car on assiste à une merveille de ballet , un long Pas de Deux dansé ce soir là par Ludmila Pagliero et Stéphane Bullion, qui montrent un couple bouleversant, les mouvements de tendresse puis l’usure du le quotidien , le lien qui se détend , qui se reprend , un vrai couple dont les regards disent le partage des heures et des jours … Elle , toute de musicalité sensibilité, Intériorité, belle danseuse et immense artiste ; Lui très beau, un partenariat qui semble couler de source en dépit des aléas. Mon voisin a les larmes aux yeux, bouleversé « c est d une beauté , c’est d’une beauté ! »
Il faut dire qu’ici tout est musique et danse .Ce ballet fait la part belle à la longue sonate en Si mineur de Liszt . Le piano , mis en scène, est surélevé dans la fosse , le pianiste suédois Staffan Scheja saura mettre l’accent tour à tour sur le lyrisme romantique des longs thèmes et les rythmes tourmentés , voire sarcastiques , qui soulignent l’agitation des âmes .

Quelle sensibilité d’utilisation de cette belle sonate par le chorégraphe ! L’entrée . la fugue, et surtout le final, apaisé, séraphique musicalement , éblouissant visuellement. On n’oubliera pas de si tôt, sur cette fin de sonate pleine de pudeur et de recueillement, le long porté de dos vers le fond de scène … Qui s’ ouvre . Le foyer doré apparaît comme un éblouissement . La silhouette des artistes sculptée par la lumière s’éloigne. Leur image est alors reflétée dans le miroir du foyer de la danse , autre monde à plus d’un titre, tout de quiétude et séraphins comme le veut la musique . Image éblouissante d hommage à notre Académie Nationale de danse et son vaisseau amiral dont le chorégraphe rappelle qu’il aime la Maison, l’Esprit et le Savoir accumulé et transmis… https://www.youtube.com/watch?time_continue=4&v=U30aUgmRX8w


Envie de dire notre admiration ? Les saluts attendus ne viennent pas . Quelques allées et venues techniques sur la scène désertée , sensation terrible de ne pas pouvoir applaudir les artistes après ce qu’ils nous ont donné … Frustration

L’arrivée d' une … baignoire introduit le Boléro.
Sincèrement à cet instant , aucune envie d’ingurgiter les 20 minutes du Boléro . Reconnaissons nos tors . Ce boléro tout en sourires, tour à tour émus, narquois, rageurs, vengeurs ( Qu’a donc fait le jumeau du chorégraphe, son frère à la ville, pour que le valeureux comédien remplisse la baignoire seau après seau - et non saut après saut, on l’ aura noté Smile en marchant inlassablement du centre aux coulisses et retour . Raison de la lenteur de tempo ? L’espace est vaste - mais c’est donner sens à la demande du compositeur qui le voulait «lent, à tempo unique du début à la fin, dans le style plaintif et monotone des mélodies arabo-espagnoles » . Pour finir submergé dans la baignoire en un grand défouloir collectif final . Exaspération des traversées précises comme une mécanique d’horloge qui perturbentt les entrées successives des jeunes danseurs ?

La jeunesse du corps de ballet, sujets, coryphées, quadrilles, montrant tellement de joie à danser était un enchantement. La mise mise en valeur du corps de ballet est finement soulignée : des tuniques sans manches , noires, à capuche pour garçons et filles;
chaque entrée et sortie latérale, solo très courts, pas à deux, trois, plusieurs, est calée sur l' entrée des différents pupitres , flûtes, clarinettes, hautbois , basson, saxo, trompettes etc … Un jeu ingénieux qui fait des différents instruments, successivement, un protagoniste identifié de la danse, écho à Ravel qui pensait son Boléro , « simple étude d’orchestration «

On sort de la scie, du convenu, de l’usé même . Un beau final , détournement intelligent du chorégraphe, permettant de mettre en valeur la technique des jeunes danseurs et l’élan d’une troupe motivée . Il faut y voir bien un divertissement final façon tragédies lyriques XVII° ou XVIII° siècle dans la longue tradition , où des chaconnes se donnaient à variations infinies et répétitives pour le repos du corps et de l’âme.
Même extase, le sourire en plus.


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