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Onéguine (Cranko) - [ONP Garnier, 10/02 - 07/03/2018]
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passacaille



Inscrit le: 11 Fév 2018
Messages: 6
Localisation: paris

MessagePosté le: Lun Fév 12, 2018 11:48 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Cela fait longtemps que je suis ce forum si intéressant, mais sans intervenir. Je me suis enregistrée hier soir et le déclic a été (je m'en étonne moi-même) ... la question cruciale du pique nique à l'opéra !

Autant je suis d'accord , ô combien, avec les râleries concernant la barbarie montante des portables allumés, pollutions visuelles insupportables, des tousseurs sans vergogne, des photographes et filmeurs bruyants avec les chric-chric-chric de l'appareil, des bavards impénitents.... autant je suis stupéfaite de voir que pour certains ici tout sandwich déballé à l'ONP est une atteinte au bon goût; franchement ce serait le cas si cela se faisait DANS la salle, mais quel problème est-ce que ça pose à l'entracte et dans les espaces publics?.... Brandir un sandwich so chic et so cher de l'ONP serait admissible, déguster un petit sandwich maison (ou acheté ailleurs) obscène?.... Personnellement (je dois être mal élevée....) ça ne m'a jamais gênée, que ce soit à Bastille ou à Garnier. Et non, on ne peut pas toujours manger avant, merci à d'autres contributeurs de l'avoir souligné, et après c'est souvent bien tard !...

Hier belle matinée avec Onéguine (sans sandwich pâté-cornichons- quart de rouge, mais avec quelques élégantes chouquettes); très séduite par l'Onéguine de Bézard, très intense et aux lignes splendides, dont la première variation m'a donné la chair de poule. Magnifique Tatiana, piquante et sensible Olga, bon Lenski au stress perceptible cependant. Corps de ballet irréprochable à mes yeux: tant de magnifiques danseurs, pas toujours employés à la mesure de leur talent.

Alors oui, certes, c'est "académique", mais peu importe, c'est extrêmement bien fait et bien pensé, très lisible et lyrique.... Bien sûr pas d'électricité sans grands interprètes, mais contrairement à Sophia je ressens exactement la même chose dans les grands ballets classiques: la technique est structurante et essentielle, et jouissive en elle-même, mais si elle n'est pas habitée (et pas besoin pour cela d'un scénario solide, ou de sentiments complexes, la joie ou l'élan ou la colère ou la morgue ou être le méchant ou la méchante, ça doit aussi s'incarner....) il ne se passe pas grand chose....

J'attends de voir bientôt Ganio et Pagliero, et Mathias H plus que tout, et ce sera un bonheur.

Et pour l'entracte ce sera certainement "saumon fumé-fromage frais-cornichons molossol", en regrettant bien sûr de n'être pas un pur esprit....


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haydn
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Inscrit le: 28 Déc 2003
Messages: 26514

MessagePosté le: Lun Fév 12, 2018 11:58 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Bienvenue passacaille et merci pour vos impressions.


Je faisais juste observer certaines pratiques un peu "folkloriques" qui n'auraient sans doute pas été tolérées il y a quelques décennies (tentez donc la même chose au Coliseum ou à Covent-Garden, vous n'aurez sans doute pas la possibilité de savourer ne serait-ce que la première bouchée de votre casse-croûte avant qu'un vigile ne vous tombe sur le râble), mais qui s'expliquent, j'ai bien insisté là dessus, par les tarifs excessifs du bar, sans compter le prix des places qui plombe déjà un budget familial. Mais j'en ai déjà vu sortir des thermos de café ou de soupe aux légumes (si!), ce qui donnait au théâtre un petit air de camping...



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Ballerina



Inscrit le: 01 Juin 2016
Messages: 1586

MessagePosté le: Mar Fév 13, 2018 10:14 am    Sujet du message: Répondre en citant

Merci pour ce message Haydn Smile


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Katharine Kanter



Inscrit le: 19 Jan 2004
Messages: 1413
Localisation: Paris

MessagePosté le: Mar Fév 13, 2018 11:02 am    Sujet du message: Répondre en citant

Cranko's ballet is full of good intentions, but as we know, the way to hell is paved with .... etc.

1/ From my standpoint, or rather "ear-shot", the major, overwhelming issue is the appalling triteness of most of the score. It is a scissored-up and re-orchestrated mish-mash which would have led Tchaikovsk to file for an emergency restraining order against the arranger, had he been alive.

We are now stuck with a score far below what Tchaikovski was capable of, and far below Alexander Pushkin's idea.

2/ As Mlle Sophia has just stated, the choreography for the corps de ballet is perfunctory. The ragazzi must be foaming at the mouth, nightly.

3/ The endless, Goleizovsky-style lifts for the principals are actually quite dangerous, and had Cranko been better-acquainted with the vocabulary, he could have said as much, or rather more, with steps.

However, no choregrapher in the last 40 years seems to have heard of a thing called steps.

THAT BEING SAID, Cranko's idea was good, indeed, very good, nor had anyone ever tried Eugene Onegin on for size as a ballet before. And it IS a poem suited for the ballet, owing to its being ironic, understated and ambiguous. Which is what classical dancing is about, much of the time.

(BTW, having seen Marcia Haydée and Makarova in the role, excusez du peu, this writer saw Dorothée Gilbert the last time round. She knocked me little socks off. EXACTLY what Pushkin was aiming at. There is greatness in that woman.

As for Ould-Braham, she is far too grown-up now for that role. STOP casting Ould-Braham in "cute", "fey" and "whimsical" roles. It is doing her no favours - and the public no favours. She should be dancing Tatiana.)


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paco



Inscrit le: 28 Oct 2005
Messages: 3557

MessagePosté le: Mar Fév 13, 2018 12:26 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Katharine Kanter a écrit:
As for Ould-Braham, she is far too grown-up now for that role. STOP casting Ould-Braham in "cute", "fey" and "whimsical" roles. It is doing her no favours - and the public no favours. She should be dancing Tatiana.)

I totally agree!


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Delly



Inscrit le: 14 Juin 2016
Messages: 603

MessagePosté le: Mar Fév 13, 2018 3:19 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Oui, MOB et Heymann peuvent danser Tatiana et Onéguine, sans aucun doute....

J'ajoute aussi une mention (oubliée à tort) pour Fabien Revillon, qui brillait dans ce corps de ballet très homogène et parfois terne.


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haydn
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Inscrit le: 28 Déc 2003
Messages: 26514

MessagePosté le: Mer Fév 14, 2018 9:05 am    Sujet du message: Répondre en citant

Reportage promotionnel pour le spectacle sur Culture Box, mais avec un extrait vidéo inhabituellement long (10mn) sans doute filmé lors de la pré-générale, avec la distribution Pagliero / Ganio / Ould-Braham / Heymann :


https://culturebox.francetvinfo.fr/danse/oneguine-a-garnier-un-ballet-qui-offre-plaisir-des-yeux-et-emotions-en-cascade-269275



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Delly



Inscrit le: 14 Juin 2016
Messages: 603

MessagePosté le: Mer Fév 14, 2018 11:46 am    Sujet du message: Répondre en citant

Je m'excuse Haydn, mais je ne trouve pas de vidéo dans la page en lien... Aurait-elle été retirée à la demande des ayants droits?


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haydn
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Inscrit le: 28 Déc 2003
Messages: 26514

MessagePosté le: Mer Fév 14, 2018 12:13 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Effectivement elle a disparu, elle y était ce matin et cela n'avait rien d'une vidéo clandestine c'était un film de toute évidence tourné de manière parfaitement officielle...



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CatherineS



Inscrit le: 09 Mai 2015
Messages: 1487

MessagePosté le: Mer Fév 14, 2018 12:38 pm    Sujet du message: Répondre en citant

haydn a écrit:
Effectivement elle a disparu, elle y était ce matin et cela n'avait rien d'une vidéo clandestine c'était un film de toute évidence tourné de manière parfaitement officielle...


Les ayants droits de Cranko sont terribles sur les vidéos d'Onéguine ! On n'en trouve quasiment aucune sur YT ou alors très fugacement !
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haydn
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Inscrit le: 28 Déc 2003
Messages: 26514

MessagePosté le: Mer Fév 14, 2018 2:54 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Et le petit tableau récapitulatif des distributions :





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sophia



Inscrit le: 03 Jan 2004
Messages: 22086

MessagePosté le: Jeu Fév 15, 2018 10:53 am    Sujet du message: Répondre en citant

Une impression tout autre s'est dégagée pour moi de la deuxième distribution d'Onéguine. Il est certain que le quatuor (ou plutôt le quintette) n° 2 n'est pas aussi homogène que le premier en termes d'expérience, de charisme ou simplement de qualité de danse ; il n'empêche, Dorothée Gilbert est absolument fabuleuse en Tatiana et, je crois, mérite à soi seule le déplacement. Je l'avais vue en 2009 aux côtés de José Martinez, à qui le rôle d'Onéguine n'allait pas vraiment, et cette prise de rôle ne m'avait pas alors laissé un grand souvenir. Mais c'est une tout autre danseuse à présent et l'on ne peut qu'être admiratif devant le naturel, la profondeur, les nuances qu'elle apporte à son interprétation du personnage. La chorégraphie ne paraît plus du tout convenue - "tristement néo-classique" - et acquiert tout son sens, dans le moindre geste, le moindre regard, le moindre placement. Dans chaque acte, elle offre quelque chose de différent et de profondément touchant. A l'acte I, elle incarne à merveille l'idéalisme d'une jeune fille qui aime certes les livres, mais aime aussi pour la première fois "en vrai" (où l'on perçoit de fortes réminiscences de sa Giselle). Le grand défi pour l'interprète est cependant à l'acte II - acte de la trahison et de la découverte du mal. Nul cabotinage d'adolescente, nulle crise de nerfs prêtant à sourire (comme parfois) dans la scène du bal, mais une douleur sincère qui se conjugue à une retenue toute aristocratique - un tact dans l'adversité, ai-je envie de dire, qui la rend d'autant plus touchante. Le pas de deux avec Grémine (Florian Magnenet, à l'aise dans ce rôle) respire davantage la quiétude de la conjugalité acceptée que la lassitude ou la dépression - il y a décidément quelque chose de la Princesse de Clèves dans Tatiana. Enfin, l'ultime pas de deux, loin de se réduire à une suite pénible de portés chirurgicaux, mime puissamment l'étrange combat - à tout le moins étranger au romantisme à la française - entre la fidélité et la passion.
Il serait injuste de minimiser le travail d'Audric Bezard à ses côtés. Bien sûr, il n'offre pas, loin de là, la même qualité de danse que Mathieu Ganio, et j'ai même trouvé son premier solo assez poussif, avec des réceptions sèches et un certain manque de fluidité, mais son interprétation du personnage, très dandy impitoyable, se jouant des deux sœurs comme des cartes qu'il manipule, est très frappante, de même que l'est sa métamorphose au dernier acte.
Muriel Zusperreguy interprète une Olga gaie, insouciante et joueuse, qui rend la scène du bal beaucoup plus lisible qu'elle ne l'était dans la première distribution.
Jérémy-Loup Quer, qui faisait ses débuts en Lenski, est en revanche en-deçà, non pas tant sur le plan de la danse (on ne va peut-être pas comparer avec Mathias Heymann ; son solo au second acte m'a semble du reste tout à fait digne) que sur le plan de la présence et de l'incarnation.
Enfin, désolée de constater que le corps de ballet, à la quatrième représentation, apparaît déjà défait.
Une représentation néanmoins passionnante.




Dernière édition par sophia le Jeu Fév 15, 2018 8:25 pm; édité 1 fois
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Dimago



Inscrit le: 08 Juin 2013
Messages: 42

MessagePosté le: Jeu Fév 15, 2018 1:28 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Une MAGNIFIQUE soirée : 13 février

Une de mes plus belles soirées au Palais Garnier.
Une présence et un jeu des quatre protagonistes, un dynamisme du corps de ballet, un orchestre en pleine forme Razz

J'ai beaucoup aimé l'interprétation de Matthieu Ganio, évidemment impeccable dans sa technique. Beaucoup de retenue dans la première partie de l'acte deux si difficile. J'ai aimé son jeu dans le bal de l'acte deuxm à la fois cynique et provocateur.
Une très agréable surprise par le jeu de MOB très mutine et inconsciente dans la scène du bal, avec un MH jaloux.
J'avais assisté à la double nomination Isabelle C. Matthias H. Quel plaisir de le revoir dans son rôle auquel il donne une épaisseur incroyable.

La scène deux de l'acte deux fut superbe d'émotion. Le décor dépouillé est très fort, le solo de Lenski, l'arrivée de Tatiana et d'Olga, redonnent l'âme russe du roman. C'est pour moi un des sommets du ballet et je n'ai pas été déçu.

Je me suis laissé emporter également par la scène du bal de l'acte trois, certes moins enjouée qu'à l'acte 2. Mais nous sommes dans un salon aristocratique qui demande à la fois retenue et dignité. Et j'ai trouvé que le ton était juste comme si les personnages avaient mûri, vieilli, perdu de leur insouciance.

Le pas de deux final fut également grandiose : Ludmila a su faire passer le déchirement intérieur qui est celui de Tatiana réveillée dans la fougue de son amour de jeunesse et le devoir qui est le sien. Matthieu cherche à la conquérir, puis il est vaincu.

De très belles ovations sont venus récompenser les artistes qui nous ont offert une merveilleuse soirée.
Voilà la compagnie comme on l'aime. Laughing


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JMJ



Inscrit le: 16 Mai 2009
Messages: 675

MessagePosté le: Jeu Fév 15, 2018 3:49 pm    Sujet du message: Répondre en citant

CatherineS a écrit:
haydn a écrit:
Effectivement elle a disparu, elle y était ce matin et cela n'avait rien d'une vidéo clandestine c'était un film de toute évidence tourné de manière parfaitement officielle...


Les ayants droits de Cranko sont terribles sur les vidéos d'Onéguine ! On n'en trouve quasiment aucune sur YT ou alors très fugacement !

Il y a quelques années on pouvait trouver la réalisation TV "historique" avec Marcia Haydee.


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Sarra



Inscrit le: 29 Sep 2009
Messages: 263

MessagePosté le: Jeu Fév 15, 2018 9:05 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Citation:
Les ayants droits de Cranko sont terribles sur les vidéos d'Onéguine ! On n'en trouve quasiment aucune sur YT ou alors très fugacement !

Cette intransigeance, ce peu de tolérance, cette absence de souplesse d'âme face à un extrait qui -souligne Haydn- n'était en rien "pirate" et n'avait d'autre intention que de valoriser l'œuvre, me rappelle (surtout si l'on se souvient que les héritiers spirituels Cranko avaient eu à Moscou l'impudence de passer outre à l'une des règles fondamentales de la politesse - "Si l'on te dit "Fais comme chez toi", fais comme chez toi ; mais à chaque instant n'oublie pas que tu es chez autrui"- en rejetant Svetlana Zakharova de la première distribution), me fait penser à ce portrait d'un invité au bal chez le Prince N., où pour la deuxième fois Onéguine retrouve Tatiana -mariée... :

"(...) tandis qu'un voyageur venu de loin, insolent, roide, empesé, excitait le sourire des invités par son maintien plein de suffisance, et un regard échangé en silence portait sur lui un jugement général."
Eugène Onéguine, Chap. VIII, Strophe XXVI -Traduction Tourguéniev/Viardot

Au singulier près, ce sont les Cranko boys (comme on dit) que je verrais bien dépeints ainsi...


Autre point.
Citation:
Matthieu cherche à la conquérir, puis il est vaincu.

À l'évidence, Dimago a été contraint par la relative brièveté du résumé de ses impressions à utiliser la formulation la plus rapide ; cependant -et sans vouloir verser dans une objection tatillonne- je pense qu'il n'est pas exact du tout de voir tentative de "(re)conquête" et "défaite" chez Onéguine, à la fin, car on risque selon moi de frôler le contresens... En effet :
- Onéguine n'a jamais cessé d'aimer Tatiana -mais n'en a eu conscience que (trop) tardivement ;
- Tatiana ne veut pas, du haut d'une position brillante, "vaincre" Onéguine reparu, car elle non plus n'a jamais cessé d'aimer Onéguine (son amour ne se "réveille" pas), et elle n'est nullement heureuse en épouse du Prince N. (Grémine, dans le ballet) ("Quant à moi, Onéguine, toute cette splendeur, ce clinquant d’une triste vie, mes succès dans le tourbillon du monde, ma maison à la mode, mes soirées recherchées, qu’est-ce que tout cela ? Je serais heureuse de donner à l’instant tous ces oripeaux, toute cette mascarade, cet éclat, ce bruit, cette fumée, pour un rayon de livres, pour un jardin sauvage, pour notre pauvre habitation, pour ces lieux où je vous ai vu la première fois, pour l’humble cimetière où maintenant une croix et l’ombre des branches couvrent ma pauvre nourrice." Chap. VIII, Strophe XLVI

Il y a quelques années, j'avais essayé de le "démontrer", dans le fil Evguénia Obraztsova sur le web.
Mais à présent je suis pris entre incapacité et immodestie : incapacité de formuler aujourd'hui cette "démonstration" autrement qu'alors, immodestie de renvoyer à ce message (d'une longueur épouvantable !) via son lien, comme s'il était digne d'un tel retour !...
Mais tout de même, rien n'interdisant ici de désirer exprimer son propre sentiment, et parce qu'il est par ailleurs facile de s'abstenir de lire l'ennuyeux, je choisis le demi-mal de recopier le passage le plus "pertinent" (à mes yeux) de cette "démonstration" :

[(...) Chacun sait qu'à la fin du texte, ce n'est pas Onéguine qui sort, mais Tatiana. Le jeune homme reste seul en scène -avec l'auteur/narrateur qui d'un coup (ré)apparaît à nos yeux en se tournant vers nous : "Lecteur, en cet instant cruel pour notre héros, nous allons l’abandonner pour longtemps… pour toujours."
Tatiana est sortie d'un mouvement : "Elle sort à ces mots." (à ces mots-là : "Mais je me suis donnée à un autre, je lui serai éternellement fidèle.") 
Est-ce à dire que ce "laconisme" de comportement est comme un soufflet ? Qui traduirait sèchement une victoire de la femme sur l'homme ainsi éconduit ? Seule une lecture bien superficielle peut amener à cette interprétation ! Si quelques mots de Tatiana évoquent le dédain passé d'Onéguine (qui n'en était pas un absolument : relire le chapitre IV, strophes XI à XVI) pour l'opposer à son amour présent, c'est davantage un argument désespéré de la jeune femme à elle-même que le motif -ayant venimeusement "attendu son heure"- d'une vengeance : de ce pain-là Tatiana la noble ne s'alimente pas ! Mais est-ce un argument d'elle à elle-même ? Non ! Un argument d'elle, l'amoureuse perpétuelle, à une intruse en elle : l'épouse-du-Prince N. telle que formée par les attentes sociales, par les préjugés sociaux s'étant attachés à elle dès son mariage. Son amour pour Onéguine est indiscutable. Indiscutable aussi le sentiment si navrant qu'un bonheur tout simple, avec lui, était tellement possible. Elle pleure à la lettre d'Onéguine, c'est indiscutable. Etc.

Sa sortie soudaine et sans retour -qui dans la chorégraphie, où Tatiana a la présence finale, trouve équivalent dans le mouvement désignant à Onéguine la porte- est pour Tatiana épuisée de tension (encore une fois : relire le texte, strophes XL à XLVII du dernier chapitre !) la pente la plus facile -je dirais : la pente nécessaire avant la syncope-, ses jambes se mouvant pour elle -avant elle pour ainsi dire-, dont l'esprit débattait encore, à souffrance.

Il n'y a ici -définitivement : non !- ni "victoire" de Tatiana ni "défaite" d'Onéguine. C'est l'effet d'une lecture de surface que de raisonner en ces termes, "victoire" ou "défaite" de l'une ou de l'autre ; si "victoire" pour elle/lui, alors "défaite" pour lui/elle.
Il y a en vérité double défaite : défaite de Tatiana, défaite d'Onéguine, devant l'entité doublement victorieuse : les conventions sociales -desquelles on peut dire sans trop de distorsion de réalité que Pouchkine en a péri.

Pas de victoire de Tatiana sur Onéguine. Pas davantage de victoire de Tatiana sur elle-même, puisque -dit plus haut- ce n'est pas une Tatiana dédoublée qui lutte d'un être à son double, c'est Tatiana aux prises avec un fantoche social s'étant insinué de force en elle, et se faisant passer impérieusement pour elle. Et par qui Tatiana est vaincue.

Tatiana ne s'est pas mariée : elle a été mariée -verbe à la voix passive-, tout comme l'avait été sa mère à Dmitri Larine ; ou comme Filipièvna sa vieille nourrice.
Il est impensable en ce temps-là de s'affranchir de cet état, sinon trivialement : amant, mari trompé, rendez-vous cachés, duplicité, etc., ce que non le regard social (pour cela volontiers tolérant, amusé même, "tant que les apparences sont sauves") mais la noblesse même de Tatiana lui interdit.
Pourquoi donc, alors qu'enfin ! Onéguine a rejoint Tatiana dans la conscience de son amour pour elle, elle qui l'aime "depuis le premier instant" ne se donnerait-elle pas à leur amour maintenant réciproque ? Tatiana aime Onéguine ! Elle est certaine de son amour pour lui !
La sortie soudaine de Tatiana est une reddition aux "conventions sociales" (cette expression pour, disons, faire à la fois rapide et -je l'espère- parlant) voulant que l'épouse ne puisse quitter l'époux sans jugement réprobateur -en elle intériorisé en surmoi. Ce sont ces rigidités qui seules triomphent. Comme à la fin du Feldmarschall, la Mort : "Moi seule triomphe !".
Le geste de Tatiana qui dans le ballet remplace cette sortie : le bras désignant la porte, doit donc avoir exactement la même valeur ! Dans sa modalité, il doit signaler non une victoire, mais un abandon de la lutte, dans un combat su d'emblée inégal pour l'être affrontant une force écrasante -certitude qui doit l'empreindre aussi de désolation. Tatiana se livre au couteau social. ]

[Désolé, mais j'ai oublié comment attribuer une citation à son auteur -ici, CatherineS, Dimago... Embarassed ]


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