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Onéguine (Cranko) - [ONP Garnier, 10/02 - 07/03/2018]
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haydn
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MessagePosté le: Dim Fév 11, 2018 10:08 am    Sujet du message: Répondre en citant

Merci Alexis29, vous avez été plus courageux que moi en vous lançant encore dans un compte-rendu tard dans la nuit... Je partage votre opinion sur certains points.


J'ai toujours en mémoire l'exceptionnelle prestation du couple Isabelle Ciaravola / Hervé Moreau, et je n'échappe pas à la tentation d'évaluer tout le reste à l'aune de ce "mètre-étalon".

La paire Pagliero - Ganio fonctionne très bien, les deux artistes sont parfaitement assortis, avec une danse, je reprends vos termes, élégante, nuancée, fluide, musicale. Bref, un travail à la hauteur de ce qu'on est en droit d'attendre d'Etoiles de l'Opéra de Paris. Mais comme vous, j'ai trouvé cela un peu trop "joli". Mathieu Ganio n'arrive pas à apparaître comme vraiment méchant et ne rend pas compte de l’ambiguïté du personnage d'Onéguine, tour à tour amoureux sincère et parfait salaud. Ludmila Pagliero, elle, se complait un peu trop dans le registre de la "mater dolorosa", et son visage se pare uniformément du masque de l'affliction, de la première à la dernière seconde du ballet.

Cela laisse le champ libre à Mathias Heymann, qui capte toute l'attention du spectateur dans les deux premiers actes. Comme nous l'avons déjà souligné à plusieurs reprises, s'il a toujours été un brillant technicien, il a en revanche réalisé des progrès considérables tant dans le partenariat que dans le jeu d'acteur, et il possède maintenant une grande autorité sur scène.

Myriam Ould-Braham se tient, elle un peu trop en retrait et semble oublier que c'est son insouciance et son tempérament d'"allumeuse" qui sont, avec l'inconséquence d'Onéguine, le principal déclencheur du drame. Mais n'oublions pas que c'est aussi largement grâce à elle que Mathias Heymann a pu accomplir la miraculeuse transformation que nous évoquions plus haut. M. Heymann a trouvé en elle une partenaire attentionnée, rassurante et fiable, et rien que pour cela, Myriam Ould-Braham mérite amplement la gratitude du public.

J'ai par ailleurs été séduit par le Grémine stylé de Florian Magnenet, ainsi que par l'excellente tenue du corps de ballet, notamment chez les messieurs. La fameuse cavalcade (les diagonales croisées de grands jetés portés) de l'acte I, très spectaculaire, était réglée au millimètre, alors que par le passé, on avait frisé plus d'une fois la catastrophe.

En ce qui concerne la production elle-même, elle est un peu le prototype d'un genre qui fera notamment florès chez Neumeier - lui même ancien danseur du Ballet de Stuttgart du temps de Cranko. La scénographie, à l'époque, a dû faire un effet puissant, mais Jurgen Rose a par la suite fait preuve d'une certaine "paresse" et en a recyclé plus d'une fois certains éléments, comme les grands vases de fleurs sur des piédestaux, les miroirs, les portraits enserrés dans un cadre ovale, la petite table écritoire et la grande plume ou encore le divan de style Empire. Tout cela, on le retrouve par exemple dans La Dame aux Camélias.


Quant aux "nuisances" que vous évoquez, Alexis29, elles sont sans doute en grande partie la conséquence du choix qui a été fait de dédier Garnier au lucratif tourisme de masse. On ne fait pas d'omelettes sans casser des œufs, comme on dit. Mais le public de l'Opéra de Paris reste relativement discipliné en comparaison de celui qui sévit, par exemple, au parterre du Mariinsky...

(PS. Dans le registre "folklorique", j'en ai vu aussi hier soir qui, à l'entracte, déballaient les sandwiches, les boissons et pique-niquaient joyeusement sur le palier des troisièmes loges. Mais si l'Opéra de Paris proposait aux spectateurs un service de restauration à prix décent, on n'en arriverait peut-être pas là).



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CatherineS



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Messages: 1487

MessagePosté le: Dim Fév 11, 2018 10:41 am    Sujet du message: Répondre en citant

D'après la distribution, que vous avez photographiée pour votre page FB, ce n'est pas étonnant en ne voyant que des sujets ou des coryphées confirmés dans les ami(e)s d'Olga et Tatiana que la cavalcade soit brillante ! Laughing
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Delly



Inscrit le: 14 Juin 2016
Messages: 603

MessagePosté le: Dim Fév 11, 2018 1:32 pm    Sujet du message: Répondre en citant

A mon tour de me lancer dans mes impressions de première... Toujours vue d'un peu haut mais très bien placée. Je découvrais l'oeuvre, donc pas de réelle référence Ciaravolesque (sinon bien sûr tout ce qui en a été dit et quelques photos/films), j'imagine que c'est un avantage.

Ganio et Pagliero m'ont séduite et convaincue, par leur danse parfaite comme par leur interprétation. Certes, Pagliero est loin du drama, de la tragédie, mais j'aime son jeu en nuances qui reste très expressif. Elle subit beaucoup, mais cela me semble assez cohérent avec son personnage qui dès le départ vit plus par ses livres que dans la vraie vie.

Ganio offre un personnage très nuancé aussi, alors on peut regretter un manque de contrastes, mais j'ai adhéré. Il n'est jamais un parfait salaud, et jamais non plus un amoureux transi. Je l'ai vu surtout comme plongé dans un spleen égocentrique, tout du long, qui l'amène à mettre une distance avec les autres. J'ai vu aussi (mais peut-être mon esprit en rajoute-t-il) un homme très sensible au regard des autres : dans les scènes de duo ou de petit groupe, ce vide existentiel s'exprime, mais aussi des passions (un peu) plus marquées. C'est en public que son personnage snob s'exprime, là où il repousse puis humilie Tatiana, plus méchant mais surtout en homme qui proclame "je vaux mieux que vous". Sa danse reste exceptionnelle de grâce, de musicalité, et d'une forme de présence moins brillante que Heymann et pourtant totalement prenante.

Dès lors, comme Alexis je n'ai pas vu dans le pas de deux final une intense passion amoureuse qui ressurgirait des années après. Plutôt, et ce dès la (trop longue) pantomime, un homme, toujours égocentrique, qui à force de vouloir plus que les autres, se retrouve à n'avoir même pas réussi ce que Grémine a fait. Et qui tente de remonter le temps pour rattraper cet échec. Ce n'est pas Tatiana qu'il vient supplier, c'est lui-même qu'il vient essayer en vain de sauver. Egocentrisme toujours. Donc à mes yeux un personnage très riche.

Le pas de deux entre Grémine et Tatiana, bien que long, est beau et Florent Magnenet campe un Grémine certes pris dans limites expressives de sa position mais très amoureux. Le couple avec Paglioero fonctionne très bien, aussi pour la suite il est difficile de croire que Tatiana envisage sérieusement de suivre Onéguine. Là encore c'est plus l'occasion manquée et l'humiliation passée qui la déchirent, me semble-t-il. En tout cas Pagliero était encore toute émue pendant les saluts et M. Ganio l'a réconfortée de manière très touchante.

Dès lors ces deux là ne se rencontrent jamais vraiment, pas même dans le pas de deux final. J'imagine qu'on peut regretter cette interprétation (notamment pour son aspect tragique), mais elle m'a semblé cohérente, bien portée par ses interprètes, et pour ma part je me suis laissée embarquer dedans.

Je partage entièrement les avis sur Mathias Heymann, et MOB. Très mutine dans DQ , elle ne retrouve pas assez cette attitude, la scène de l'anniversaire manque un peu de clarté, on se demande pourquoi subitement elle quitte Lenski, car au 1er acte rien dans son jeu ne laisse deviner une femme un tant soit peu joueuse. Du reste ses rotations sont toujours un peu fragiles (et ça me stresse Sad ) . Mais ils restent un couple rayonnant. Heymann... technique, jeu, charisme, autorité... le personnage est presque trop petit pour lui.

Le corps de ballet a été impeccable (à part H. Bourdon qui s'est un peu perdue au tout début), la cavalcade, mais... wahou !!!! Les danses russes sont très intéressantes, sans chichis.

Déçue en revanche par le bal. Formellement parfait, mais... sans âme. Alors qu'au 1er acte il y a joie et esprit, puis l'anniversaire est dansé avec énergie, ce bal final, ... ils s'ennuient? Stress, fatigue? Je n'ai pas compris (pensée émue pour le papier peint de BM) . Certes un bal d'aristocrates russes ce n'est pas le carnaval mais tout de même... pas de sourire, des couples peu en contact... Dommage.

Belle musique, parfois un peu envahissante, mais allante et avec une belle interprétation. Dommage que la moitié de l'orchestre ait quitté la fosse avant le salut qui lui est consacré...

Pour ce qui est du public, de belles ovations, des saluts qui sans doute auraient pu être prolongés. Quelques téléphones parasites, pas mal de mouvement aussi dans les hauteurs où j'étais (là aussi, plus on est mal placé plus on entend des mouvements de personnes qui cherchent à changer de place...). Pas trop de toux, alors que la veille au TCE ce fut terrible... L'air conditionné de l'Opéra doit être un peu moins sec Smile. Beaucoup de russe entendu parlé dans les couloirs aux entractes.

Et oui, je confirme : ce ne fut pas le cas hier mais nous sommes des habitués du pique-nique (plutôt à Bastille où des espaces sont judicieusement prévus pour cela). On ne se sent pas très à l'aise, surtout dans le cadre de Garnier, mais le bar de l'Opéra.... ce n'est pas possible. Ma voisine hier a renoncé ne serait-ce qu'à la bouteille d'eau. Cependant le lucratif tourisme de masses étrangères riches est un segment qui visiblement ne se formalise pas de ces tarifs puisque les bars sont assaillis.

J'ai adoré la production, oui l'Opéra l'a beaucoup donné mais je ne verrais aucun inconvénient à ce qu'il devienne un pilier du répertoire (comme le Lac, Giselle, Le Sacre....). Je le préfère sans hésiter à la Dame aux Camélias, oeuvre certes de plus d'ampleur.


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serge1 paris



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Messages: 877

MessagePosté le: Dim Fév 11, 2018 4:33 pm    Sujet du message: Répondre en citant

haydn a écrit:


J'ai toujours en mémoire l'exceptionnelle prestation du couple Isabelle Ciaravola / Hervé Moreau, et je n'échappe pas à la tentation d'évaluer tout le reste à l'aune de ce "mètre-étalon".



Effectivement cette soirée où Ciaravola avait été nommée étoile sur le tard fait partie de mes trois ou quatre très grands souvenirs du Ballet de l'Opéra de Paris


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haydn
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Messages: 26517

MessagePosté le: Dim Fév 11, 2018 5:04 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Delly a écrit:
Pas trop de toux, alors que la veille au TCE ce fut terrible... L'air conditionné de l'Opéra doit être un peu moins sec Smile. Beaucoup de russe entendu parlé dans les couloirs aux entractes.

Et oui, je confirme : ce ne fut pas le cas hier mais nous sommes des habitués du pique-nique (plutôt à Bastille où des espaces sont judicieusement prévus pour cela). On ne se sent pas très à l'aise, surtout dans le cadre de Garnier, mais le bar de l'Opéra.... ce n'est pas possible. Ma voisine hier a renoncé ne serait-ce qu'à la bouteille d'eau. Cependant le lucratif tourisme de masses étrangères riches est un segment qui visiblement ne se formalise pas de ces tarifs puisque les bars sont assaillis.



A l'Opéra Garnier il n'y a de la climatisation qu'au niveau du parterre (à Bastille la totalité de la salle est climatisée). Par ailleurs, si les places étaient un peu moins chères cela laisserait aussi quelques sous aux gens pour consommer au bar. Mais quand vous venez en famille et que vous avez déjà dépensé trois cents euros pour les billets sans compter le train et l'hébergement si vous résidez en Province, il est difficile de s'offrir en plus des sandwiches à 12 € et/ou des boissons à 8 € l'unité.



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Ballerina



Inscrit le: 01 Juin 2016
Messages: 1586

MessagePosté le: Dim Fév 11, 2018 8:24 pm    Sujet du message: Répondre en citant

On peut aussi manger avant ou après, je dois avouer que cette pratique me choque au théâtre.


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Delly



Inscrit le: 14 Juin 2016
Messages: 603

MessagePosté le: Dim Fév 11, 2018 9:10 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Ballerina a écrit:
On peut aussi manger avant ou après, je dois avouer que cette pratique me choque au théâtre.


Hier samedi c'est ce que nous avons fait. Mais en semaine, c'est à dire la plupart du temps, on sort en courant du travail pour être à l'heure et donc on achète son sandwich, histoire de ne pas être affamés durant le spectacle. On dine en effet après en général, mais ça fait très tard pour ceux qui habitent loin.

En soit cela ne me choque pas, c'est même plutôt sympathique, même à Garnier il y a quelques tables, mais c'est sûr que globalement l'organisation des lieux ne s'y prête pas. Mais la vente sur place de nourriture semble indiquer que l'opéra y est plutôt favorable.


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NEOPHYTE



Inscrit le: 25 Sep 2011
Messages: 1002
Localisation: PARIS

MessagePosté le: Dim Fév 11, 2018 10:08 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Il y a souvent une queue pas possible pour acheter un petit truc à l'entracte et des distributeurs seraient les bienvenus, donc je comprends les spectateurs prévoyants...

La matinée du 11 février m'a laissé un souvenir sympathique.
Cinématographiquement parlant, le casting était sympa et côté danse, c'était assez homogène.
Naturellement Dorothèe Gilbert a assuré, elle était parfaite, les portés étaient acrobatiques, son Onéguine, Audric Bezard, était très stylé, Lenski dansé par Jérémy-Loup Quer n'était pas mal du tout et Olga interprétée par Muriel Zusperreguy était très bien.

La musique de Tchaikovsky, les décors, les costumes servent très bien cette nouvelle de Pouchkine, c'est toute une époque, un 19ème siècle très classique, une société très conventionnelle... j'avoue que le seul petit défaut, c'est que cela ne me fait pas rêver (c'est très personnel comme remarque...).


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sophia



Inscrit le: 03 Jan 2004
Messages: 22087

MessagePosté le: Dim Fév 11, 2018 11:29 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Société très conventionnelle, mais surtout ballet très convenu. Quand on pense que cela a été créé en 1965, cela paraît aujourd'hui plus vieux que du Lifar ou du Roland Petit qu'on ne joue plus et dans lesquels il faut évidemment savoir trier le bon grain de l'ivraie. Bien sûr, le ballet, en tant que ballet - et ballet d'action (n'y cherchons pas une traduction très fidèle de Pouchkine) -, ne manque pas de qualités et l'on peut comprendre son succès et sa pérennité au point d'avoir acquis aujourd'hui le statut de "blockbuster" international. Il est d'abord remarquablement construit - un drame en trois actes et six tableaux, qui se cristallise autour du bal tragique, suivi du monologue de Lenski, peut-être le plus beau moment du ballet, dans un paysage sombre et désolé. Il ne s'attarde pas de surcroît en bavardages pompeux, chichis et pleurnicheries à la manière d'une Dame aux camélias qui n'en finit pas de mourir. Ajoutons la qualité de ses décors, sobres et raffinés, aux couleurs mélancoliques, puissamment évocateurs dans leur simplicité même, et sa "bande-son" - en partie composée à partir des Saisons de Tchaïkovsky - qui participe pour beaucoup de son pouvoir de fascination.
Pour ce qui est des interprètes de la première, je ne sais que rajouter aux propos d'Alexis29 et Haydn. C'est magnifiquement dansé de la part du couple principal (les spécialistes en portés acrobatiques pourront éventuellement nuancer), mais... c'est un peu ennuyeux. Mathieu Ganio, quoique transformé et assombri, manque à mes yeux d'ambiguïté et de ce dandysme qui fait tout le charme vénéneux d'Onéguine, quant à sa Tatiana - Ludmila Pagliero -, elle me semble un peu trop unanimement sérieuse et/ou sur la réserve pour vraiment emporter. Les pas de deux, à la passion et à la sensualité très retenues, notamment le dernier, qui suscite beaucoup d'attentes, reflètent cette relative froideur. In fine, seul Mathias Heymann en Lenski - qui n'est pas que belles lignes et jolis sauts - m'a semblé faire vivre le drame, face à Myriam Ould-Braham, singulièrement peu frivole.


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delphes_p



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Messages: 7
Localisation: Paris

MessagePosté le: Lun Fév 12, 2018 1:34 am    Sujet du message: Répondre en citant

Pour essayer "d'étoffer" un peu la sympathique appréciation laissée par NEOPHYTE concernant la matinée du 11 : deux prises de rôle chez les hommes, Audric Bezard en Onéguine et Jérémy-Loup Quer en Lensky, donc deux attentes.
Jérémy-Loup s'en tire honorablement, d'abord dans son partenariat avec Muriel Zusperreguy qui interprète une Olga joueuse et très dansante. Il offre ensuite ce qu'il faut de théâtralité lorsqu'il provoque Onéguine en duel. En revanche, il a montré des signes de fébrilité dans sa variation avec des piétinements et des réceptions de saut plus que sonores... ce qu'il a corrigé ensuite. C'est d'autant plus dommage que son jeu là encore est juste, tout comme dans les pas de trois avec Tatiana et Olga. Peut-être un effet des "débuts" ?
Audric Bezard se révèle dans ce rôle, où j'avais pour la dernière fois vu Evan McKie, pourtant impressionnant (j'ai manqué Hervé Moreau et Isabelle Ciaravola). Des lignes superbes, tranchantes, assurées, un jeu qui évolue du mystère à la goujaterie puis au remords et aux tardifs regrets... Les pas de deux, pourtant très rapides, avec des portés spectaculaires, fonctionnent parfaitement et dégagent une émotion authentique, à quoi s'ajoute une interprétation souvent intense de Dorothée Gilbert, franchement irréprochable. Onéguine, à travers Audric Bezard, est intéressant dans sa manière d'accaparer Olga sans vraiment vouloir la séduire (un passage enlevé où il fait tourbillonner sa partenaire avec une aisance "cavalière"), sans vraiment se soucier de Lensky non plus, ce qui rend plus crédible ensuite ses mouvements d'incompréhension et ses tentatives de réconciliation. La grâce de Dorothée Gilbert à l'acte III permet de le faire basculer dans une adoration et un repentir factices - et qui du coup rendent cohérent le dernier tableau, tourmenté et vain à la fois.
Mais surtout, la représentation est portée par le corps de ballet : mentions spéciales à Héloïse Bourdon qui m'a confié après le spectacle qu'elle remplaçait une danseuse blessée (d'où peut-être les approximations d'hier), à Marion Barbeau qui s'envole littéralement dans les diagonales, et surtout à Sabrina Mallem qui enchante tant dans les scènes de campagne que dans le bal.
Au final, un ballet maîtrisé et habité par ses interprètes, mais qui aurait un peu perdu de sa saveur pour le spectateur en devenant un "classique" au sens presque scolaire du terme...


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Delly



Inscrit le: 14 Juin 2016
Messages: 603

MessagePosté le: Lun Fév 12, 2018 1:57 am    Sujet du message: Répondre en citant

sophia a écrit:
Il ne s'attarde pas de surcroît en bavardages pompeux, chichis et pleurnicheries à la manière d'une Dame aux camélias qui n'en finit pas de mourir.


C'est exactement cela, merci de le dire mieux que moi.

En tout cas, même si on est surpris d'apprendre que ce genre de ballet date de 1965 tant il est conventionnel, il répond aux attentes du public amateur de classique. Ayant la Dame aux Camélias comme (unique) référence de néo-classique, j'ai même trouvé qu'Onéguine était plus proche de la technique classique que celle-ci. Ce qui est logique au regard de l'Histoire.

Evidemment on pourra regretter la facilité qui consiste à n'offrir que cela au public et à oublier Lifar ou même Petit.

Delphes, pourquoi aurait-il perdu de sa saveur? Les danseurs y seraient-ils trop "rodés"? Pour le public, cela dépend de la proportion du public qui l'a déjà vu... Elle est probablement assez faible. Merci en tout cas pour les compte-rendus. Vous nous donnez envie de découvrir Bezard dans ce rôle !!


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paco



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MessagePosté le: Lun Fév 12, 2018 10:58 am    Sujet du message: Répondre en citant

Je rejoins Sophia sur le côté "ballet très convenu" de cette pièce. Néanmoins je pense que l'impression finale dépend beaucoup des interprètes, et que c'est typiquement le genre de ballet qui ne souffre plus le simple "travail bien fait". Lorsqu'une Nunez ou une Ciaravola mettent le feu à ce ballet, curieusement on oublie tout de suite qu'il est "convenu"... Wink


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delphes_p



Inscrit le: 22 Oct 2017
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MessagePosté le: Lun Fév 12, 2018 11:46 am    Sujet du message: Répondre en citant

Ma connaissance du ballet, techniquement et diachroniquement, est hélas limitée mais j'ai essayé de comprendre pourquoi plusieurs spectateurs qui découvraient Onéguine n'avaient pas été "transportés" (propos recueillis et entendus à la sortie, sans faire non plus l'unanimité : d'autres, comme moi, ont avoué avoir pleuré !).
J'ai l'impression que la recherche d'un équilibre formel entre la danse, la musique, la théâtralité, a été un souci constant de Cranko. Tout dans ce ballet tend vers l'intensité des sentiments des protagonistes, mais avec une symétrie constante dans les danses du corps de ballet pour mieux contraster avec les scènes intimes, par exemple dans la/les chambre-s de Tatiana. Du coup, on peut avoir le sentiment d'un certain académisme.
Si on ajoute à cela que ce ballet ne cherche pas la surenchère dans la virtuosité et la complexité, je peux concevoir qu'on passe un bon moment sans être ébouriffé. C'est une impression d'autant plus trompeuse que, techniquement, les pas exigent une grande tenue et une réelle rapidité d'exécution. Mais il y a peu de passages "flamboyants" au profit d'une violence plus contenue, le lyrisme est tout de même ce qui intéresse le plus le chorégraphe.
Onéguine privilégie un romantisme très XIXe siècle : le mal du siècle, le désoeuvrement de la jeunesse, la vanité des sentiments... et il est très juste que l'interprétation y a une importance majeure. Pourtant, il faut trouver à nouveau l'équilibre (notion si classique et si peu romantique !) entre l'introspection et l'exacerbation des sentiments. La musique, d'ailleurs, prend parfois le pas sur la danse comme cela a déjà été écrit, un effet un peu facile pour amener l'émotion... et la pantomime amène quelques lourdeurs.
Au-delà des interprétations mythiques d'Onéguine que tout le monde n'a pas forcément en tête, je crois aussi que dans l'absolu, c'est un ballet plus résolument tourné vers le XIXe siècle à un moment où des réflexions récurrentes sur la nature, la place et le devenir du ballet classique au XXIe siècle se multiplient. D'où mon expression : "saveur" un peu passée, ce qui ne veut pas dire que ce répertoire n'a plus droit de cité, bien au contraire . Je me trompe peut-être totalement sur la nature profonde de ce ballet et sur le travail de Cranko, encore une fois ma connaissance technique et historique est totalement lacunaire, aussi, n'hésitez pas à me corriger !


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NEOPHYTE



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MessagePosté le: Lun Fév 12, 2018 7:44 pm    Sujet du message: Répondre en citant

paco a écrit:
Je rejoins Sophia sur le côté "ballet très convenu" de cette pièce. Néanmoins je pense que l'impression finale dépend beaucoup des interprètes, et que c'est typiquement le genre de ballet qui ne souffre plus le simple "travail bien fait". Lorsqu'une Nunez ou une Ciaravola mettent le feu à ce ballet, curieusement on oublie tout de suite qu'il est "convenu"... Wink


Les aléas climatiques des jours précédant la représentation ont donné un côté encore plus russe à ce ballet,on s'y croyait....


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sophia



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MessagePosté le: Lun Fév 12, 2018 7:47 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Pour moi, la chorégraphie "n'attache pas" et, comme dit paco, seuls des interprètes d'exception - qui ne se contentent pas de danser, mais sont véritablement les personnages - peuvent en transcender le côté "convenu" (dans ce cas, je comprends que ce style de ballet puisse envoûter ou séduire parfois davantage que le pur académisme XIXe.).
On me dira que c'est le cas de tous les ballets, mais non, un Lac, une Bayadère, une Giselle, même s'ils ne sont pas dansés par les "meilleurs danseurs du monde", conservent tout leur intérêt, pour ne pas dire génie, chorégraphique. Les danseurs n'y jouent pas au sens moderne du mot, c'est la danse elle-même qui EST la forme et le sens de ce qu'ils incarnent. C'est du reste pour cela que l'on en accepte les livrets parfois un brin "légers", voire invraisemblables (Corsaire!) - un aspect dont a voulu s'abstraire le "néo-classique" en s'inspirant d’œuvres littéraires, plus sérieuses donc. Il y a en outre, dans ces ballets-là, à manger pour tout le monde - étoiles, demi-solistes, corps de ballet, caractère... Dans Onéguine, les parties du corps de ballet sont d'une pauvreté inouïe, en-dehors de la cavalcade et des simili danses russes au premier acte, quoiqu'il en soit bien en-deçà de tout ce que les ballets de Petipa peuvent nous offrir en matière de danses de caractère.
Mais c'est un vaste sujet.


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