Delly
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Posté le: Mer Nov 15, 2017 7:36 pm Sujet du message: |
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A mon tour, de partager mes impressions d'hier soir sur ce premier Sacre (et sans avoir lu les retours précédents, dont je prendrai connaissance dès l'envoi de ce post), et ce premier Agon, aussi, et bien sûr le 1er Teshigawara
Pour le contexte : place en haut de l'amphithéâtre, sans jumelles : bonne visibilité, excellente vision des ensembles, mais très mauvaise idée pour "rentrer" dans le Sacre..... Ambiance assez tendue et perturbée : deux spectateurs bavardaient, de manière largement audible, pendant les oeuvres (oui, même au début du Sacre). Les voisins ont donc commencé par "chut", puis plus fort, puis "taisez-vous", "sortez".... Bref tout cela casse complètement la concentration sur ce qui se passe en dessous. Avec en prime des portables lumineux qu'on consulte entre deux tableaux... Beaucoup venaient pour le Sacre du printemps, et n'ont pas eu la correction de masquer leur ennui ... Problème apparemment récurrent dans cet espace depuis le début de la série....
Le Sacre du Printemps, donc, pour commencer.... Et bien oui, un chef d'oeuvre, une réussite, une interprétation qui m'a emportée, difficile d'en sortir, de ne pas y repenser des heures après...
J'ai mis du temps à entrer dans la danse, dans le groupe. Cela a été progressif, comme l'est tout rite initiatique. Mais cela s'est fait et j'ai achevé cette demi-heure à bout de souffle et avec un rythme cardiaque bien accéléré....
La troupe est manifestement heureuse et fière de danser cette oeuvre, pleinement appropriée, créatrice d'une émotion chez les danseurs mais aussi formidable expérience collective entre eux, et avec le public. J'ai repensé aux remarques de l'un de vous après le Lac des Cygnes de l'an dernier : reprogrammer une oeuvre deux ans après ça fait court pour le public, mais pour les danseurs cela permet de l'intégrer pleinement, d'avoir plus de marge pour l'habiter et en être habité, pour la transmettre aux nouveaux.
J'ai beaucoup aimé K. Paquette dans le rôle masculin principal, il est très rodé, est assez minimaliste dans l'expression mais cela passe très bien, il joue l'homme initiateur et maître d'un rite dont il est instrument avant tout. Il est aussi dans la transmission du ballet vers les plus jeunes, tout comme A. Carbone, N. Paul, M. Botto, ... toute la première ligne du groupe masculin qui semblait vraiment guider le groupe alors même que les pas sont strictement identiques. Magnifique.
Léonore Baulac m'a pleinement convaincue dans ce rôle, alors que j'avais, je l'avoue, quelques doutes. Elle se laisse prendre dans la danse, complètement abandonnée, imprégnée... et épuisée. Elle a commencé ses saluts dans un état assez second. Là encore, (petite marge de manoeuvre pour elle), le début de son "élection", était moins convaincante, pendant la diagonale "poussée" par l'homme, elle avait plutôt l'air d'une petite fille prise en faute par un adulte. Mais par la suite elle a pris toute la dimension du rôle.
Par ailleurs elle est, de manière générale, une danseuse qui danse avec les autres. Ici, elle est parvenue à entraîner le groupe dans son soloà danser seule sans se couper du groupe, ce qui est le propre des expériences chamaniques ou de mysticisme collectif. Une performance en soi. Bref, bravo, passage de témoin réussi.
L'ovation finale, longue et intense, à l'attention du corps de ballet comme de L. Baulac, fut à la hauteur de l'expérience vécue par tous, d'autant plus que les saluts furent émouvants, la troupe encore secouée par ce qu'elle venait de vivre, liée physiquement comme mentalement, a communiqué cette émotion.
L'histoire un peu comique du "tirage au sort" a pris un relief très différent après avoir vu l'oeuvre. En effet j'ignorais qu'il y avait un argument à ce ballet. Il est simple, et par ailleurs certains effets narratifs sont un peu faciles (seul bémol pour moi dans cette oeuvre). Mais du coup tout le début du ballet repose sur la tension générée par cette question de qui est "l'élue", qui est en fait une sacrifiée.... Dès lors, je ne soutiens certes pas l'idée qu'on tire au sort la danseuse (vu l'intensité du rôle ce serait cruel...) en revanche, la prochaine fois que je verrai ce ballet, je prendrai garde à ne pas savoir qui danse l'Elue, pour ne pas perdre cette dimension essentielle de tension narrative.
Deux mots sur Agon et Grand Miroir, première et deuxième parties fort décevantes. Je suis plutôt du genre indulgent, mais mes chers danseurs ont quand même assez largement raté Agon. L'oeuvre est certes déroutante, la musique difficile à suivre, mais enfin.... Mles O'Neil et Park ont persisté tout le premier pas de trois à être en décalage, une danseuse également en retard (ou en avance) dans la dernière partie collective, et globalement, une absence totale d'énergie, d'implication, de sens. Je me suis ennuyée et le pire c'est que j'ai l'impression que les danseurs aussi.
Surnagent tout de même Amandine Albisson (comme quoi....) qui semble être faite pour ce répertoire, énergique, impliquée...., et son pas de deux avec K. Paquette. Egalement le trio Gilbert/Magnenet/Bezard, sans faute et un minimum dynamique. Du coup, mon appréciation sur l'oeuvre elle-même s'en trouve dégradée...
Grand miroir enfin. Sympathique mais sans grand intérêt, d'autant plus que là aussi il y a eu des problèmes flagrants de coordination, et pas beaucoup d'esprit. Du coup, le seul danseur qui savait pourquoi il était là sautait aux yeux, et sauf erreur de ma part (avec les corps peints et de loin j'ai eu du mal à les identifier), c'était Germain Louvet, inspiré, musical, fluide, capable de raconter quelque chose. Ca fait plaisir. Les premières minutes du solo de Ganio (mais que faisait-il là-dedans....) nous offrent le Ganio qu'on aime : grâce, musicalité, poésie... Mais hélas cela ne dure pas, et on retombe dans la banalité. Bref, pas un ratage, mais pas beaucoup d'intérêt. A part le concerto de Salonen, une belle découverte.
L'orchestre et les solistes ont été largement applaudis et c'est mérité, les oeuvres musicales étaient toutes les trois très belles, le chef a mené cela avec précision, rythme et esprit, aucun couac, belle sonorité....
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