Play (A. Ekman) [ONP Garnier 06/12-31/12/2017]

[paco]

oups, nos posts se sont croisés

[sophia]

On est en phase, paco!

[Florestiano]

Juste deux petites questions pour ceux qui auront la chance d'assister à cette performance trop méga fun et cooool, qui nous change de ces vieilleries poussiéreuses et tellement fatigantes pour les danseurs qu'on appelle ballet :

- qu'est-ce que le Ballet de l'Opéra de Paris apporte à ce type de créations ?

- qu'est-ce que ce type de créations apporte aux danseurs du Ballet de l'Opéra de Paris ?

(et j'entends là Ballet de l'Opéra de Paris au sens de compagnie de ballet qui se dit classique, ce dont il va falloir se résoudre à faire notre deuil collectif sous peu)

Et on peut remplacer dans mes questions "Ballet de l'Opéra de Paris" par "École française", puisque c'est, dit-on, ce qui est censé singulariser nos danseurs par rapport aux autres compagnies mondiales.

Je précise (je vous vois déjà me tomber dessus à bras raccourcis) que ces questions sont sérieuses et non moqueuses, ce genre de spectacles me plongeant dans une profonde incompréhension. Au-delà des "wouah, c'était top (mais on a oublié dès le lendemain)" ou "pff, c'était vraiment la foire, on s'attend pas à ça à Garnier", j'ai du mal à concevoir qu'on puisse se passionner pour ça dansé par nos danseurs - d'autres faisant déjà très bien, voire bien mieux car avec beaucoup plus de naturel.

Je note d'ailleurs que depuis le début de la saison, le spectacle qui a suscité le plus de commentaires, c'est... Don Quichotte (qui n'a pas commencé !!), avec 12 pages à date, suivi de Joyaux 9 pages, la Triple bill avec l'autre création méga cool de Teshigawara 6 pages...

[tuano]

Je ne sais pas si on doit vraiment ouvrir le débat ici, surtout avant d'avoir vu le spectacle.

L'alternance affichée n'est peut-être qu'un mauvais copié-collé. Pour un spectacle lyrique en vente depuis ce matin, il y a quatre dates de "Première" :
https://www.operadeparis.fr/billetterie/269-le-trouvere

[sophia]

*En même temps*, si on ne l'ouvre pas ici, je ne vois pas vraiment où on pourra le faire. Je sens déjà les critiques institutionnelles s'extasier toutes en chœur devant tant de créativité, d'onirisme loufoque et de poésie déjantée...
Personnellement, je crois l'avoir déjà dit, je n'aime pas beaucoup l'idée d'un Ekman "full-length" (2h apparemment) à l'Opéra de Paris, a fortiori quand on le fait passer comme une découverte d'Aurélie Dupont (alors que les pièces de ce chorégraphe sont au répertoire de nombreuses compagnies, même russe!). Je ne doute pas que ce soit fun et moderne et cool et que les danseurs y prennent beaucoup de plaisir, mais bon... Je pense quand même qu'une pièce courte, chose que ce chorégraphe fait avec beaucoup de talent, dans le cadre d'une soirée mixte n'aurait pas eu la même signification.
Je ne commenterai pas les images que l'Opéra en offre à un rythme tri-, voire quadri-, quotidien depuis plus d'un mois, on a bien compris que le spectacle avait du mal à remplir.
En revanche, cela me semble un peu osé de mettre Ekman sur le même plan que Teshigawara. Même si l'on peut discuter de cette programmation à l'Opéra, elle donne au moins envie de se déplacer.

[tuano]

Je pense que le spectacle aurait eu sa place en fin de saison, à Bastille, avec des tarifs deux ou trois fois moins élevés... mais je ne l'ai pas encore vu alors je pense que tout débat ici sans avoir vu le spectacle n'est que spéculation.

Je crois aussi que les spectateurs qui ont voulu passer leur réveillon du 31 à l'Opéra de Paris ont fait un choix plus festif avec Play qu'avec La Bohème.

[Florestiano]

Spéculation... ou hypocrisie ; mes petites questions ne se limitant en tout état de cause pas au cas de Play.

Et l'avant-première publique était hier, on sait à quoi s'en tenir.

[haydn]

Comme Tuano, je pense qu'il est plus sage d'attendre la Première pour se faire une opinion de l’œuvre, et ne pas se lancer dans des procès d'intentions avant d'avoir vu quoi que ce soit. Ekman est un chorégraphe de talent, et c'est une bonne chose qu'il soit invité à l'Opéra de Paris. Que ce choix de programmation en période de fêtes ne soit pas forcément la meilleure idée en matière commerciale est un autre débat.

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[paco]

Je rejoins Florestiano qu'il n'est pas besoin d'attendre la Première pour connaître le style d'Ekman, dont le talent n'est pas remis en cause ici (et j'avais été le premier à crier ma joie lors de son "faux" Lac au TCE l'an dernier).

La question plus générale est : les lettres en or sur fond rouge qui ornent la façade du Palais Garnier, "Académie de Danse", trouvent-elles encore leur sens dans une institution où, cette saison, nous n'aurons en tout et pour tout que 2 "full length" classiques et néo-classiques (DQ et Onéguine), noyés au sein d'une programmation que l'on peut voir aussi bien interprétée, voire mieux, au Théâtre de la Ville ou à Chaillot ? Quel sens y a-t-il à faire s'amuser un François Alu au sein d'une chorégraphie collective, lorsque l'on manque cruellement de Basilio à distribuer à Bastille pendant ce temps ?

Et ceci, indépendamment du talent d'Ekman par ailleurs, ce n'est pas lui qui est en cause ici, mais la programmation d'une institution qui a bâti sa réputation sur le ballet et qui est en train de s'éteindre sur ce qui fut son ADN.

Que l'on programme Play ou équivalent au sein d'une saison majoritairement classique et néo-classique, ça oui pourquoi pas, cela permet une certaine variété. Mais depuis un certain temps c'est plutôt l'inverse...

[SylviaC]

Bonjour à tous!
Je prends finalement la parole dans ce forum que je suis depuis longtemps et qui apporte beaucoup à ma fréquentation de la maison.
J’ai vue l’avant première jeunes hier soir de ce ballet duquel je m’attendais pas grand chose mais qui a réussi quand même à me faire rentrer assez satisfaite.
Le premier acte c’est la partie pour moi plus réussite; si on a du mal à rentrer dans la pièce au début, Ekmann nous emmène dans des images différentes et de plus en plus oniriques et réussi à nous faire abandonner la résistance initiale. Deuxième acte beaucoup moins séduisant et surtout beaucoup moins surprenant et la surprise c’est sans doute un « outil » qui sert énormément à la pièce... Si la fin du ballet laisse le public finalement un peu déçu, la standing ovation est assurée par la fête des danseur dans la piscine des boules vertes lancées au public et l’envol vers l’orchestre de quatre ballons géants. Il faut dire que hier soir l’atmosphère était assez particulière par la présence de beaucoup d’enfants dans l’orchestre qui ont pas hésité à jouer avec les danseurs à la fin en rendant l’opération très réussite. Je suis curieuse de savoir comment ces moments ludiques seront vécu par un public d’adultes, mais je vais pas retourner
Pour résumer j’ai passé un bon moment, avec un spectacle très bien conçu et des choix musicales très appréciables à mon avis mais on est bien loin d’une création qu’on aura hâte de revoir (ce qui est pour moi le cas pour par exemple Blake Works ou The Season’s Canon).

[Gimi]

[Florestiano]

[paco]

Merci beaucoup SylviaC pour vos premières impressions, qui confirment les doutes et interrogations que l'on peut avoir concernant cette programmation. Ekman est un maître absolu des images, de la scénarisation de scénettes et moments, qui mixte divers univers: l'art théâtral, le cirque (au sens noble de l'acrobatie artistique, telle que sait le faire par exemple le Cirque du Soleil), le mime, un peu de danse parfois (mais finalement très peu), la virtuosité des images et des éclairages, un peu de Broadway aussi, ...

Et tout ceci conduit bien souvent à des expériences jubilatoires côté public. Et donc effectivement ce talent là n'est absolument pas remis en cause, il est fort à parier que le public sortira plein de rêve et de belles images plein les yeux.

En revanche se reposent les questions :

- A-t-on besoin du Ballet de l'Opéra de Paris - et des longues années d'académie dont ont bénéficié ses danseurs - pour finir par exécuter des scénettes que des comédiens du Cirque du Soleil savent faire tout aussi bien sans avoir eu à passer les concours annuels extrêmement sélectifs et prestigieux de l'Ecole de Danse de l'Opéra ?

- Est-ce pertinent, de la part de l'ONP, de programmer cette pièce alors que depuis plusieurs saisons le corps de ballet n'a plus que de rares opportunités de se former au répertoire qui est sensé faire partie de son ADN ? (Giselle, les Tchaikovsky, et autres classiques et néo-classiques). Quand on pense que, parallèlement, les autres grandes compagnies classiques en Europe et Russie programment quantité de classiques du répertoire permettant à leurs danseurs de se familiariser avec les rôles.
Est-ce pertinent de mobiliser la nouvelle génération de talents prometteurs de l'ONP (et il y en a pas mal !!) à faire mumuse dans une piscine de baballes vertes alors qu'ils ont si peu d'années devant eux pour apprivoiser les rôles de Kitri, Basilio, Albrecht, Giselle, Odette, Siegfried, Aurore, Roméo, etc.?

Encore une fois, ce ne serait pas une interrogation si ce divertissement (dont le succès à l'applaudimètre est garanti, j'en suis certain car Ekman sait créer de réelles jubilations) intervenait au milieu d'une saison de 7 ou 8 classiques et néo-classiques. Mais là, ...

[calliope]

Bonsoir a tous!
Jétais à l'avant première jeune moi aussi et je dois avouer que j'étais assez déçue. Je rejoins globalement les remarques de SylviaC mais je trouve quand même que le tout manquait de consistance... bon après je ne suis pas de base le meilleur public pour ce genre de représentation ^^
J'ai aussi trouvé la première partie intéressante mais je regrette qu'on tombe vite dans l'accumulation de "gadget" (je ne détaille pas trop pour ne pas gacher la surprise à ceux qui iront) sans que rien ne soit vraiment développé ni cohérent (et pourtant il y a de bonnes idées)
La deuxieme partie en effet assez ennuyeuse, quelques moments se détachent mais le tout reste morne.. de plus j'ai trouvé la critique faite de l'âge adulte ou de la bureaucratie (je ne sais pas trop ce qui était représenté à l'acte II mais je l'ai interprété comme tel) assez facile, évidente et peu subtile. La toute dernière scène est sympa, en effet je me demande aussi comment réagira un public adulte
Aussi je n'ai pas trouvé la musique transcendante
J'exagère un peu parce que j'ai passé quand meme un assez bon moment globalement mais rien qui ne m'ait vraiment marqué (et surtout je suis encore novice dans le monde de l'opéra de Paris et j'ai été un peu déçu à cause de l'image que j'en avais je pense)

[haydn]

Nous ne serons pas du même avis, calliope, mais les discussions d'après-spectacle ont été animées, et les opinions étaient assez tranchées dans un sens ou dans l'autre.

Personnellement, j'ai apprécié le spectacle, il y a beaucoup d'invention, d'effets spectaculaires et inattendus. Cela n'a évidemment pas grand chose à voir avec du ballet classique, encore que l’œuvre fourmille de références au grand répertoire : La Bayadère (avec une curieuse "descente" de spectres encapuchonnés), Giselle, Sylvia, Le Sacre du printemps - version Pina Bausch, Orphée et Eurydice - Pina toujours, Forsythe... Le dispositif scénique est impressionnant aussi. Et, pour ne rien gâter, la partition musicale signée de Mikael Karlsson est bien troussée et efficace. Evidemment, il y a des longueurs, et on a parfois l'impression que le chorégraphe "tire à la ligne" pour tenir les deux heures. En allant à l'essentiel, il y a certainement la possibilité de supprimer entre 30 et 40 minutes, sans que ce soit vraiment dommageable à l’œuvre. Il faut aussi louer le travail remarquable des ateliers de décors de l'Opéra, ainsi que celui des machinistes et électriciens, car c'est vraiment une production complexe sur le plan du génie scénique, et ça a dû être assez coton à réaliser.

Le point faible de Play, c'est qu'il s'agit d'un ouvrage difficile à revoir. Comme souligné, il repose essentiellement sur des effets, très - peut-être trop - réussis, plutôt que sur les performances individuelles des danseurs, contrairement à un ballet "classique". Et quand on a vu le spectacle une fois, la surprise n'agit plus à la seconde. Certes, Simon Le Borgne, sur lequel Alexander Ekman semble avoir "flashé", est davantage mis en avant, mais c'est presque "par accident". Si vous habillez un danseur avec un T-shirt orange fluo, alors que tous les autres protagonistes sont en blanc, forcément, c'est sur celui qui est en orange que votre regard va se porter. On remarque aussi Aurélien Houette, avec sa robe extravagante (clin d’œil à Kylian), mais là encore, ce sont davantage des éléments extérieurs que le danseur lui-même qui attirent l’œil. S'il en fallait une preuve par l'absurde, il y a le danseur "anonyme" qui joue les Neil Armstrong en habit de cosmonaute - en fait, il me semble qu'il s'agissait d'Alexandre Gasse, mais le costume efface totalement la personnalité de l'artiste.

Comme souvent chez Ekman, le spectacle est très "cinématographique", et le chorégraphe s'amuse d'ailleurs à faire projeter un générique de début et de fin sur le rideau de scène. Je ne sais pas si c'est délibéré ou pas, mais il y a quand même de fortes réminiscences de Jacques Tati : "Les Vacances de Monsieur Hulot" dans la première partie - on s'amuse à la plage à jouer à la baballe avec plus ou moins d'adresse, des petits malheurs, évacuation en brouette... Après l'entracte, dur retour à la vie professionnelle, avec le travail déshumanisé de l'employé de bureau, dans un univers froid et géométrique qui évoque irrésistiblement "Playtime", pour finir avec, dans l'épilogue, les flonflons de "Jour de fête".

Mais Tati ou pas, "Play" est une pièce qui a de toute évidence nécessité réflexion et travail de la part de ses concepteurs, et dont la substance est tout autre que celle de la première création de la saison, "Grand miroir", où Saburo Teshigawara s'était montré d'une désolante vacuité.

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