En Sol / La Valse / Boléro [ONP Garnier 02/05-27/05/2017]

[sophia]

Le Boléro de Cherkaoui dissout totalement les personnalités dans un espèce de grand tournoiement cosmique (c'est un anti Boléro de Béjart sur bien des plans). Je pense qu'il s'agit d'une distribution unique, mais quoi qu'il en soit, Alu ou un autre, je ne suis pas sûre que ça rende la chose plus passionnante. C'est clairement se moquer de lui à mon sens.

[Gimi]

[sophia]

Sauf qu'en 2013, ce Boléro était une création d'un chorégraphe en vogue, qui faisait le "buzz", suscitait des attentes (lol), et que Dupont, Bélingard, Gillot n'étaient pas au même stade de leur carrière qu'un Alu!
Aujourd'hui, qui s'en soucie?

[Ritournelle]

Une conférence autour du Boléro aura lieu au Studio de l'Opéra Bastille le jeudi 4 mai à 13h avec Marc Moreau et Juliette Hilaire.

https://www.operadeparis.fr/saison-16-17/evenements/rencontres-danse-a-lamphitheatre

[haydn]

Une annoce a été faite avant le spectacle de ce soir pour avertir le public que Dorothée Gilbert remplacerait au pied levé Ludmila Pagliero, blessée. On espère pour l'étoile argentine qu'il n'y a rien de trop grave.

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[haydn]

Quelques mots de cette soirée, dont j'ai donc découvert la deuxième distribution, n'ayant pu trouver de place à la visibilité acceptable pour un prix décent la veille.

La salle était remplie dans une large proportion par des touristes, dont bon nombre avaient été attirés par les ors du Palais Garnier et par le Boléro de Ravel qui figurait en fin de programme. Il y a fort à parier d'ailleurs qu'une bonne partie de ce public de circonstance est ressortie persuadée d'avoir assisté à une exécution de la chorégraphie de Maurice Béjart, mais passons. Les autochtones, eux, avaient déserté le théâtre au profit de leur poste de télévision, le fenestron offrant le choix entre un pugilat politique franco-français et un pugilat footballistique italo-monégasque.

Première frayeur de la soirée, l'annonce de la blessure inopinée de Ludmila Pagliero, et l'arrivée en scène de Dorothée Gilbert, qui avait déjà dansé La Valse la veille aux côtés de Mathieu Ganio. En professionnelle solide, Dorothée Gilbert s'est bien adaptée à son nouveau partenaire, Karl Paquette, avec qui elle n'avait évidemment pas répété. Mais les deux danseurs se connaissent de longue date, et ont souvent assuré des spectacles ensemble. Le métier d’Étoile, c'est aussi cela : se dévouer pour la compagnie lorsque les choses vont mal, et permettre que les représentations aient lieu tout en préservant un niveau de qualité digne de l'Opéra de Paris, même en cas d'imprévu. Mlle Gilbert a donc fait ce qu'on attendait d'elle, et on pourra tout au plus lui reprocher une légère fébrilité face à Audric Bezard (elle avait travaillé avec Florian Magnenet), qui incarnait la Mort dans la huitième et dernière valse. Mais quoi qu'il en soit, c'est elle qui, par sa présence scénique, a dominé cette pièce fameuse de Balanchine.

Parmi ses comparses, ceux qui ont le mieux tiré leur épingle du jeu furent à mon sens Florian Magnenet et Valentine Colasante. Ils ont su, davantage que les autres, saisir l'humour au second degré de La Valse, tant par la musique grinçante de Ravel que par la chorégraphie douce-amère de Balanchine. Florian Magnenet joue les casinotiers sur le retour, tandis que Mlle Colasante fait sa cocotte. Le reste de la distribution adopte un ton un peu trop sage, policé, pour cette œuvre volontairement décadente, qui, pour Maurice Ravel, évoquait les ruines d'un monde qui s'est effondré le 11 novembre 1918.

Suivait En Sol, de Jerome Robbins. Les costumes et le décor sont ici des éléments d'attraction au moins aussi importants que la chorégraphie elle-même. Ils sont signés du célèbre styliste français d'origine russe Erté (Erté : R. T., Romain de Tirtoff), qui conçut notamment les vêtements portés par les acteurs de la célèbre super-production hollywoodienne Ben Hur.

Après une prestation quelque peu sujette à caution lors du Gala Chauviré, on attendait avec intérêt le retour sur scène du couple Myriam Ould-Braham / Mathias Heymann. C'est ce dernier qui a d'emblée pris les choses en main. Nous avons souvent écrit que cet artiste sensible avait besoin d'une partenaire qui le mette en confiance afin qu'il puisse donner le meilleur de lui-même. Là, c'est lui qui s'est fait un devoir de rassurer sa compagne à la scène, plus timide. En Sol est un ouvrage humoristique - au moins dans les premier et troisième mouvements -, qui rappelle un peu Who Cares de Balanchine. On n'imaginait pas M. Heymann dans le rôle d'un bellâtre roulant des mécaniques afin de séduire la gent féminine batifolant sur la plage. Et pourtant, il s'est attelé à la tâche avec un réel succès. Et ce qui s'apparentait a priori à un contre-emploi s'est avéré un choix judicieux, non seulement pour le public, mais également pour M. Heymann, qui a dû forcer sa nature, sortir de sa coquille et assumer pleinement ses responsabilités de soutien et de faire-valoir de la ballerine.

Dans l'Adagio assai central, Mathias Heymann se retrouvait dans un univers plus familier, où il pouvait faire la démonstration de ses qualités de danseur d'adage - depuis son Lac des cygnes, nous savons qu'il n'est pas qu'un virtuose bondissant - avec lyrisme et poésie.

Le corps de ballet était lui aussi à son affaire dans les deux mouvements rapides. Chez les dames, se détachaient notamment Marion Barbeau et Jennifer Visocchi, "là" reine du déhanché "à l'américaine" à l'Opéra de Paris. La politique artistique de la compagnie étant désormais davantage axée sur le respect de la hiérarchie que sur la promotion des talents émergents, nous ne la verrons malheureusement pas dans le rôle féminin principal.

La soirée s'achevait de manière présumée triomphale sur le Boléro de Sidi Larbi Cherkaoui et Damien Jalet. De fait, des trois pièces à l'affiche, c'est de loin celle qui a été la plus applaudie. Il est toutefois évident que la musique lancinante de Maurice Ravel a pour une large part contribué à ce succès. La chorégraphie part sur une idée intéressante, l'évocation des derviches-tourneurs, qui se mettent à pirouetter jusqu'à parvenir à la transe. Mais, après un début prometteur, la pièce s'enlise, et la danse peine à rendre l'intensité de la musique, qui va crescendo jusqu'à la résolution, dans l'accord final, de l'énorme tension ainsi créée. Maurice Béjart, tout en demeurant dans un registre très grand public, avait, lui, su mettre en scène cette formidable progression, sans aucun relâchement. Et si Béjart avait réussi l'exploit de faire oublier Bronislava Nijinska et Ida Rubinstein, il est douteux qu'aujourd'hui Sidi Larbi Cherkaoui et Damien Jalet jettent dans l'ombre le même Maurice Béjart.

Si la distribution de ce Boléro comportait une Etoile (Alice Renavand) et un Premier danseur (Vincent Chaillet), la pièce traite en réalité tous les interprètes de manière quasiment égale, et paradoxalement, celle qui ressortait le mieux et qui faisait montre de la plus grande présence était Charlotte Ranson.

Un mot encore pour l'orchestre, dirigé par l'excellent Maxime Pascal, qui eut été parfait sans la trahison des cors dans le Boléro justement (les bois étaient en revanche somptueux). Le piano solo du Concerto en sol était lui confié à Emmanuel Strosser, un habitué des soirées de ballet à l'Opéra de Paris (il a notamment officié dans les - trop - nombreuses représentations de la Dame aux camélias). L'exercice est assez périlleux, car si l'on attend évidemment une prestation impeccable sur le plan technique, le soliste instrumental doit toutefois conserver une certaine retenue, ne pas briller de trop : il ne s'agit pas d'un concert de musique symphonique, mais bien d'un spectacle de danse, et c'est la scène, et non la fosse, qui doit capter l'essentiel de l'attention du public.

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[paco]

[Jonquille]

Pourquoi François Alu n'a-t-il pas dansé le Boléro ? J'espère qu'il n'est pas blessé.

[haydn]

Comme apparemment il y en a qui aiment mes petits tableaux, distributions mises à jour, avec le retrait de Ludmila Pagliero, et Dorothée Gilbert qui joue les pompiers :

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[Danseur en bleu]

Oui, ces tableaux sont très fortement appréciés. Merci beaucoup haydn!

[Ritournelle]

L'Opéra a mis a jour les distributions de La Valse sur son site avec les changements suivants :
- Arthus Raveau est remplacé par Jérémy-Loup Quer / Audric Bezard (4ème valse) et Florian Magnenet / Audric Bezard (La Mort). Marie-Solène Boulet est elle aussi retirée des distributions et est remplacée par Claire Gandolfi / Laure-Adelaïde Boucaud.
- jeudi 18 mai : Karl Paquette au lieu de Mathieu Ganio. Mélanie Hurel / Emmanuel Thibault au lieu d'Alessio Carbone / Muriel Zusperreguy.
- vendredi 19 mai : Audric Bezard remplace Alexis Renaud (La Mort).
- samedi 20 mai (matinée) : Mathieu Ganio au lieu de Hugo Marchand.
- jeudi 25 mai : Yannick Bittencourt au lieu de Florian Magnenet sur la 5ème valse.
- vendredi 26 mai : Florian Magnenet au lieu d'Audric Bezard sur La Mort

[Ritournelle]

Amandine Albisson et Josua Hoffalt étaient remplacés par Myriam Ould Braham et Mathias Heymann dans En Sol cet après-midi.

[Joelle]

Il faut croire que trois représentations en 24 heures (19 mai : bal de l'X, 20 mai matinée et 20 mai soirée) ont inspiré M. Ould-Braham et M. Heymann car leur prestation dans En Sol hier soir fut sublime d'élégance, de légèreté, de style et aussi pleine d'humour.
Ils ont été d'ailleurs chaudement ovationnés par le public qui s'est bien réveillé.
Encore une soirée "3 étoiles" pour mes souvenirs !

[Nibelungen]

À la vue du peu de réactions suscitées par cette soirée, je me lance ! J’y ai vu le ballet de l’Opéra le soir du vendredi 26 mai.

Pour commencer : La valse de Balanchine. J’y avais beaucoup apprécié Sterling Hyltin dans la captation (et oui je sais..) du NYCB au Châtelet. Le ballet de l’Onp ne m’a pas déçu, dans une pièce qui ne souffre pas le manque d’énergie à mon sens. Le corps de ballet virevolte et sais valser avec une belle dynamique dans les ensembles complexes de MrB. Le trio du début composé de Fanny Gorse, Laure-Adélaïde Boucaud et Emilie Hasboun distille un humour bienvenu, jouant les stars en robe du soir et bijoux de pacotille l’air de rien. Muriel Zusperreguy la joue bulle de champagne et se distingue, mise en valeur par Axel Ibot. Que dire de Sae Eun Park impressionnante, quels sauts! (presque plus haut que son partenaire) et quelle légèreté… un certain flegme pour elle et M.Bezard ; quand Hugo Marchand et Hanna O’neill sont brillants, elle bien vive et lui aux tours superbement finis (et bon partenaire de ces dames). Le couple principal arrive, Laetitia Pujol jeune débutante paraissant timide tout d’abord face à Stéphane Bullion, puis lui s’efface (rapidement) et elle devient plus avertie de son charme féminin jusqu’à atteindre l’ivresse. En bonne forme technique, la ballerine livre une prestation subtile avec un partenaire un peu plus faible (techniquement rien à dire mais le caractère aurait pu avoir plus de relief). Las, la mort vient jouer les troubles fête et Mlle Pujol n’échappe pas à une fin tragique (qui est légèrement en deçà de l’émotion et du fracas promis par la musique). L’orchestre est d’ailleurs à son meilleur tout au long de la soirée sous la direction dynamique de Maxime Pascal.

En Sol de Jerome Robbins fut un moment de divertissement joyeux sur une belle plage ensoleillée. Le corps de ballet est enjoué et danse « jazzy » lorsqu’arrive le couple d’Etoiles Josua Hoffalt et Amandine Albisson au milieu de tous ces baigneurs. Lui était attendu dans ce répertoire et réjouit, elle surprend (en très bien !) par beaucoup de fraicheur et de peps tout en gardant du glamour et effectuant de superbes déboulés sur pointes (techniquement les deux sont au top). Leur pas de deux, outre la musique magnifique, est un moment suspendu (moins un éveil à l’amour adolescent comme l’expliquait Léonore Baulac dans une interview qu’une rencontre entre deux êtres universels qui dégagent de l’émotion par leur danse si pure et si simple (en apparence)). Un vrai moment de beauté pour lequel ils ont été chaudement applaudis. On reprend ensuite le bain avec les copains, pétillant et enchainant les pas (ferveur du corps de ballet qui s’amuse) et un partenariat qui parait fonctionner (pour une fois). Piano parfait.

Arrive ensuite le controversé Boléro. Ayant lu les avis déçus / négatifs sur le forum, je me préparais à trouver le temps long ….et bien non ! Alors oui la scénographie de Marina Abramovic peut être pesante et affecter une vision éclairée (c’est le mot) des danseurs. Cela marche néanmoins, par des danseurs particulièrement investis et une chorégraphie plutôt bien pensée (j’ai moi trouvé qu’il y avait cette gradation dans l’intensité, comme si la transe des derviches s’accentuait jusqu’à la note finale). On reconnait Alice Renavand (et la blondeur de Charlotte Ranson) après voir bien cherché, mais c’est justement cela que je trouve intéressant : une transe collective et des corps impossible à genrer qui ne s’arrêtent jamais de danser jusqu’à … la mort (tiens on retrouve La Valse !). Un public clairement conquis qui avait d’avance choisi son favori et a applaudi ce Boléro à tout rompre en criant come des groupies après même le rallumage de la salle.

Belle soirée donc, dont je garde de beaux souvenirs du délicieux et émouvant En Sol après quelques jours.

[haydn]

Bienvenue parmi nous Nibelungen - wagnérien égaré chez les balletomanes? - et merci pour votre premier compte-rendu.

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